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Mise à jour économique à Québec: l’avènement des superdéductions

25 novembre 2025

  • Guillaume Hébert

Comment se portent les finances publiques du Québec après bientôt une année complète du régime Trump 2.0 au sud de la frontière ? Après la publication des comptes publics à la fin du mois de septembre, la mise à jour économique du Québec présente aujourd’hui une nouvelle opportunité de se faire une tête sur l’état de la situation. Voici ce qu’en retient l’IRIS.

Le ministre des Finances Eric Girard présente aujourd’hui sa mise à jour économique d’automne. Les attentes étaient modérées dans la mesure où l’impact de la guerre tarifaire menée par les États-Unis est – pour l’instant – moindre que prévu. Les observateurs et observatrices se demandaient plutôt comment le ministre des Finances répondrait à la directive de François Legault « soulager le portefeuille des Québécois qui souffrent actuellement ».

À la lecture de l’énoncé économique, on s’aperçoit que l’équilibre des finances publiques du Québec demeure fragile même si l’état de la situation est suffisamment positif pour permettre au gouvernement de garder ses vieilles habitudes caquistes, c’est-à-dire offrir des assouplissements fiscaux qui servent principalement les mieux nantis, même si ce faisant le gouvernement fragilise les services à la population. Cette fois, ces assouplissements prennent essentiellement la forme de réduction des cotisations sociales.

Cadre financier

Alors que le chiffre de 13,6 G$ était sur toutes les lèvres lors du dépôt du budget en mars dernier, le déficit comptable se retrouve finalement sous la barre psychologique des 10 G$ avant versement au Fonds des générations. Plus précisément, la situation financière s’est améliorée de 1,5 G$ (le reste de l’écart entre les deux chiffres correspond aux versements dans le Fonds des générations). Notons par ailleurs que sur le 9,9 G$ de déficit, on compte un 2 G$ de lousse pour répondre aux imprévus.

Avec un déficit d’environ 10 G$, le gouvernement finirait donc en 2025-2026 d’effacer les immenses surplus qu’il avait cumulés entre 2015-2016 et 2019-2020 en raison des mesures d’austérité de l’ancien ministre des Finances libéral Carlos Leitão. C’est ce que montre le graphique 1. Il est assez incroyable de constater qu’il restait encore de ces surplus malgré le passage entre-temps du plus grave choc économique en un siècle lorsque la pandémie a frappé.

Baisse des cotisations sociales

Afin de soulager le portefeuille des contribuables, on attendait le gouvernement du côté de la taxe sur l’essence. Ou peut-être avec un chèque envoyé dans les chaumières. Le fiscaliste Luc Godbout proposait pour sa part de hausser le crédit de solidarité. Mais c’est finalement du côté des cotisations sociales que le gouvernement a bougé.

Profitant de la bonne santé financière du Régime des rentes du Québec (RRQ) et du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), le gouvernement réduira les cotisations à ces régimes de respectivement 0,2 et 0,15 point de pourcentage (p. B9 et B10). 

Ce choix peut paraître habile à première vue étant donné qu’il permet effectivement de réduire la charge fiscale des contribuables sans engager de nouvelles dépenses. La décision est néanmoins lourde de conséquences parce que le gouvernement s’empêche ainsi d’améliorer ces programmes ou simplement d’accumuler une marge de manœuvre qui favoriserait la santé du régime sur le long terme. C’est d’autant plus vrai que le gouvernement a souvent sonné l’alarme sur l’épargne insuffisante des ménages québécois. En somme, la réduction des cotisations constitue un geste de démutualisation et par conséquent envoie un mauvais signal.

Le gouvernement insiste sur le fait qu’il remet de l’argent dans la poche des Québécois·es, mais ce sont les « citoyens corporatifs » qui bénéficieront le plus de ces allègements. En effet, la baisse de cotisations au RRQ est divisée en deux parts égales entre les employé·e·s (-0,1) et les employeurs (-0,1) tandis que celle du RQAP est divisée grosso modo en deux parts et demie, soit une et demie pour les employeurs (-0,09) et une pour les employé·e·s (-0,064) (pp. B8 et B10).

L’ère des superdéductions

On pourrait croire que le ministre Girard s’est inspiré des attrape-nigauds du Vendredi fou en annonçant des « superdéductions » pour renforcer la compétitivité du Québec, mais c’est plutôt dans le champ lexical grandiloquent du gouvernement fédéral qu’il a pigé (p. B26). Ce vocable, que même la Banque TD juge « ronflant », a en effet été employé par le gouvernement Carney pour qualifier de nouveaux incitatifs visant à attirer l’investissement privé au Canada.

Au Québec, l’énoncé économique indique que les avantages fiscaux pour les entreprises atteindront 2,7 G$ sur cinq ans. Mais dans ce chiffre, il n’y a aucune nouvelle annonce mis à part le devancement de certaines mesures comptables portant sur l’immobilisation et des appuis pour le secteur de l’agriculture, de la forêt et de la pêche.

Les démagogues de droite ne manquent jamais une occasion de rappeler à quel point le Québec serait un enfer fiscal. Le gouvernement lui ne manque jamais celle de rappeler à quel point il est avantageux pour les entreprises de s’établir au Québec tant le taux effectif marginal d’imposition (TEMI) est faible par rapport aux États-Unis, à la moyenne canadienne ou encore à celle de l’OCDE. 

Source: Ministère des Finances, Le Point sur la situation économique et financière du Québec, 2025, p. B27.

La mise à jour économique confirme officiellement le transfert des 1,8 G$ qui se trouvent dans le Fonds d’électrification et de changements climatiques vers le Fonds des générations. Cette décision, que plusieurs experts ont qualifiée de «  trahison de la politique climatique » du Québec, est une nouvelle illustration de la posture de déni qui caractérise le gouvernement Legault vis-à-vis de la crise écologique.

Tout ça sans compter l’annulation de la hausse du taux d’inclusion des gains en capital que le ministre des Finances confirme afin d’harmoniser la fiscalité québécoise avec les reculs du gouvernement Carney au fédéral. En refusant d’atténuer même un tant soit peu ce régime de privilèges (en le faisant passer de 50 % à 66,7 %) qui sert les contribuables plus aisés et les entreprises (ou un mélange des deux, comme les médecins incorporés), le gouvernement se prive d’environ 700 M$ par année. C’est une somme qui ira garnir plus avant le butin des grandes fortunes qui ne sont pas imposées au Québec.

En somme, la mise à jour sur les finances publiques présentée aujourd’hui par le ministre des Finances confirme que l’économie québécoise, en période d’incertitude, échappe pour l’instant à un scénario catastrophe. Le gouvernement caquiste a donc pu vaquer à ses occupations habituelles, soit offrir des incitatifs fiscaux aux entreprises sans garantie de retombées favorables et des réductions de cotisations sociales au risque d’affaiblir des outils pourtant précieux pour la collectivité.

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