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Mise à jour économique: pour l’instant, Freeland ne cède pas face à la démagogie

22 novembre 2023

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5min

  • Guillaume Hébert

La ministre des Finances Chrystia Freeland présentait aujourd’hui son Énoncé économique de l’automne 2023. Alors que l’inflation a considérablement ralenti depuis l’année dernière et que la ministre croit désormais pouvoir éviter une récession au Canada, le gouvernement libéral a cette fois concentré ses communications sur le thème du logement.

Notons d’abord que le budget survient cette année le même jour où l’on annonçait l’indice des prix à la consommation (IPC) pour le mois d’octobre. Il s’est élevé à 3,1 % sur un an, ce qui signifie que l’inflation est désormais tout juste au-dessus de la cible de 1 % à 3 % visée par la banque centrale. Une part que l’on peut estimer à environ 1 point de pourcentage de l’inflation s’explique par la hausse des paiements hypothécaires causés par les hausses récentes des taux d’intérêt. En attendant de voir quand la Banque du Canada décidera de diminuer les taux d’intérêt, le gouvernement a notamment cherché à mieux protéger les ménages propriétaires contre les risques de faillites. Nous y reviendrons.

Cadre financier : déficit stable pour 2023-2024 et légère augmentation pour les prochains exercices

Contrairement aux prévisions de certains, le déficit anticipé pour l’exercice 2023-2024 est demeuré inchangé à 40 G$. Là où toutefois la situation a évolué, c’est pour les prochaines années alors que le ministère des Finances s’attend à des déficits de 20 G$ à 40 G$ d’ici 2028-2029. Est-ce un problème?

Absolument pas. Bien que le chef du Parti conservateur du Canada Pierre Poilievre agite inlassablement l’épouvantail de la dette et qu’il est suivi dans cette démagogie par des analystes ultralibéraux (comme ici Robert Asselin du Conseil canadien des affaires), c’est la ministre Freeland qui a raison sur ce point : non seulement la réduction du déficit suite à la pandémie a été des plus spectaculaires après des dépenses que justifiait pleinement le contexte sanitaire et économique, mais la situation budgétaire du Canada demeure des plus enviables à l’échelle mondiale.

L’économiste canadien Jim Stanford s’est attaqué récemment aux campagnes de peur des démagogues comme Poilievre ou Asselin. Dans ce premier graphique, qui illustre la taille du déficit en pourcentage du PIB entre 2015 et 2023, on voit que le déficit a été résorbé rapidement et a renoué avec un niveau tout à fait régulier suite au creux post-pandémique. 

Source: Testimony to House of Commons Finance Committee Pre-Budget Hearings, Center for Future Work, 20 octobre 2023.

Dans le second graphique, Stanford a repris les données du Fonds monétaire international pour comparer la taille des déficits parmi les pays du G20. On s’aperçoit que le seul pays dont le déficit est moins élevé que celui du Canada (0,7 % du PIB) est l’Arabie saoudite, la moyenne du G20 se situant à près de 4 %. En d’autres mots, ceux qui sonnent l’alarme à propos de la dette du Canada sont des colporteurs de fausses nouvelles.

Source: Testimony to House of Commons Finance Committee Pre-Budget Hearings, Center for Future Work, 20 octobre 2023.

Stratégie libérale du logement : trop peu, trop tard?

Le gouvernement a annoncé des sommes supplémentaires dans le programme de prêts pour la construction d’immeubles locatifs (p. 24) et des sommes pour permettre la construction de logements abordables (p. 25). Mais dans chaque cas, on se propose de faciliter la construction de quelques milliers ou quelques dizaines de milliers de logements supplémentaires. Rien qui nous rapproche sérieusement des 3,5 millions de logements dont le Canada aurait besoin d’ici 2030… (p. 17). Le gouvernement a en outre annoncé que les coopératives seraient éligibles à l’exemption de TPS sur la construction (p. 23) et que des bâtiments fédéraux seraient cédés pour la construction de logements.

Toujours pour faciliter la construction de logements, le gouvernement fédéral tentera de réduire les barrières administratives qui empêchent présentement les travailleurs et les travailleuses d’œuvrer dans plusieurs provinces afin de favoriser une sorte de libre-échange interprovincial. Le gouvernement veut aussi favoriser les candidat·e·s à l’immigration qui ont des compétences en construction.

La ministre Freeland a également profité de la mise à jour économique pour annoncer que le gouvernement fédéral reconnaissait enfin que le phénomène de la location à court terme est un problème et qu’elle réduirait les incitatifs fiscaux dont pouvaient se prévaloir les personnes offrant des logements sur des plateformes telles que Airbnb. Le gouvernement s’engage aussi à soutenir les villes qui tentent d’affronter le phénomène en faisant respecter les restrictions qu’elles cherchent à mettre en vigueur (p. 30).

Enfin, l’une des principales annonces de la mise à jour économique concerne une « charte hypothécaire canadienne » que le gouvernement entend mettre en place pour assouplir le choc des hausses des versements hypothécaires causés par la hausse des taux d’intérêt (p. 31). En vertu de cette charte, le gouvernement du Canada veut s’entendre avec les institutions financières pour notamment permettre à certains propriétaires de prolonger la période d’amortissement, de renoncer à certains frais, et d’assouplir quelques règles supplémentaires (p. 32).

Est-ce que tout ceci annonce que le gouvernement libéral sera enfin à la hauteur des besoins des populations canadiennes en matière de logement ? On peut en douter.

En 2017, le tout premier gouvernement Trudeau avait adopté une Stratégie nationale sur le logement. L’une des organisations fondées dans le cadre de cette Stratégie, le Conseil national du logement, constatait en avril dernier que cette politique avait largement échoué. Il rapportait alors que le gouvernement n’a construit que 115 000 logements dans le cadre de cette stratégie entre 2017 et 2022 alors que le Canada a perdu 500 000 logements abordables entre 2011-2021. L’approche libérale n’a jamais été suffisamment ambitieuse dans ce domaine (comme dans plusieurs autres, dont l’environnement, où le gouvernement avait pourtant été auréolé comme un visionnaire) et, comme au Québec, elle s’est essentiellement bornée à stimuler de l’investissement privé.

Le Conseil national du logement concluait carrément cette année que la Stratégie fédérale « n’est pas compatible avec l’engagement fédéral » de réaliser le droit au logement et donc qu’elle n’est pas « conforme à la Loi sur la stratégie nationale sur le logement ».

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