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Le rendement fictif du Fonds des générations

17 février 2021

Lecture

2min

  • Philippe Hurteau

Un principe de base à l’origine du Fonds des générations est d’utiliser les rendements de ce portefeuille d’investissements afin de favoriser la diminution du poids de la dette publique québécoise par rapport au PIB. Comment cela fonctionne-t-il? Chaque année, le gouvernement verse quelques milliards dans le Fonds, qui lui est géré par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). La Caisse doit ensuite faire fructifier ces investissements afin que le rendement généré s’ajoute aux sommes mises de côté par le gouvernement.

Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, n’est-ce pas? Pas si vite!

De quel rendement est-il question ici? Selon les documents gouvernementaux, il s’agit du rendement généré par les sommes déposées à la CDPQ dans le Fonds des générations. Le problème, c’est que cette manière de calculer le rendement du Fonds ne tient pas compte de l’ensemble des coûts qui rendent possible l’existence même du Fonds.

Chaque année, les versements au Fonds des générations sont financés par l’augmentation des besoins financiers du gouvernement, soit les sommes que celui-ci doit aller chercher sur les marchés en emprunts afin de financer des activités qu’il souhaite amortir sur une longue période. Le coût budgétaire de ces besoins financiers est ce que l’on désigne normalement comme le « service de la dette », soit ce qu’il en coûte annuellement à l’État pour assumer sa dette (on pense ici notamment au paiement des intérêts).

Le calcul du rendement réel du Fonds des générations devrait alors tenir compte de ces coûts, ce qui n’est pas le cas actuellement. Cela laisse alors un écart qui, puisqu’il n’est pas pris en charge par le Fonds, l’est ultimement par l’État par le biais de son service de la dette.

Le graphique suivant présente cet écart.

La première série de données présente le rendement présumé du Fonds, soit le rendement tel que présenté dans les documents gouvernementaux. De 2006-2007 à aujourd’hui, le Fonds aurait généré un rendement de l’ordre de 4,8 G$.

Comme indiqué plus haut, ce 4,8 G$ ne représente pas le rendement réel du Fonds, puisqu’il exclut de son calcul les coûts d’amortissement des sommes dégagées pour constituer en premier lieu le Fonds des générations. Pour trouver le rendement réel, il faut alors trouver quel est ce coût d’amortissement, soit le montant pris en charge par le service de la dette associé au financement des versements au Fonds.

Pour ce faire, trois hypothèses sont retenues : 1) ce coût d’amortissement est équivalent au taux d’intérêt moyen pondéré de l’État (TIMP) pour chaque année, 2) au taux d’intérêt moyen entre 2009 et 2016 tel que calculé par le collègue Mario Jodoin (3,3 %) ou 3) à 2 %, retenu comme valeur de référence.

Si la première hypothèse risque de surestimer le coût pour le service de la dette du financement des versements au Fonds des générations, la troisième tend à le sous-estimer, spécialement pour les premières années présentées au graphique ci-haut. En estimant ainsi le rendement du Fonds selon plusieurs hypothèses, il est alors possible de se donner une représentation assez juste de la réalité qui, assurément, se trouve quelque part entre la première et la troisième hypothèse proposée.

Le tableau qui précède indique concrètement les écarts dont il est question. Le rendement réel du Fonds des générations, pour toute la durée de son existence, correspond à 27 %, 36 % ou 61 % du rendement présumé par le gouvernement. Pour la seule année 2020-2021, il est question de sommes variant entre 233 millions de dollars et 390 millions de dollars. Il s’agit là d’écarts importants qui gagneraient à être présentés clairement lorsque vient le temps de débattre du bien-fondé de l’outil d’épargne forcée qu’est le Fonds des générations.

Plus fondamentalement, si le service de la dette sert à financer le Fonds des générations, il convient de s’interroger sur l’idée de maintenir les rendements générés hors du périmètre comptable du gouvernement. Ajouter les rendements du Fonds au budget de l’État pourrait alors générer une marge de manœuvre budgétaire entre 203 M$ et 360 M$.

Le ministre Girard devrait y penser…

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