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Est-ce que la PCU a corrompu une génération ?

5 mars 2021

  • Guillaume Hébert

Mario Dumont m’a invité ce matin à son émission pour discuter de sa chronique de mercredi au sujet de la PCU. Dans ce texte, il critique le fait que plusieurs personnes – des jeunes notamment – aient épargné une partie de l’argent reçu d’Ottawa dans le contexte de la pandémie. Il en conclut que la PCU a fait « pleuvoir beaucoup trop d’argent ». Notre point de vue est tout autre : la PCU aura été bénéfique tant pour l’économie dans son ensemble que pour les ménages et elle nous enseigne certaines leçons pour l’avenir.

Affirmons d’emblée que la PCU était nécessaire pour sauver l’économie canadienne. Un effondrement causé par des faillites en série des individus ou des entreprises aurait été absolument catastrophique. La réaction du gouvernement Trudeau à cet égard était appropriée. Même ceux qui jugent que c’était trop seront sans doute d’accord avec l’idée que « trop » était préférable à « pas assez ».

Quant à la situation budgétaire du Canada, elle reste la meilleure des pays du G-7 même après toutes ces dépenses. Aucune inquiétude de ce côté.

Toutefois, vis-à-vis des dernières données de Statistique Canada qui montrent que plusieurs personnes ont économisé une partie de l’argent de la PCU plutôt que de le dépenser en entier immédiatement, certains affirment que ce transfert aurait dû seulement servir à payer pour des « urgences » et non pas à « s’enrichir ». Et donc, que l’on a trop distribué d’argent avec la PCU.

Je suis en désaccord avec cette conclusion.

D’abord, la principale menace qui plane sur l’économie canadienne, ce n’est pas la dette du gouvernement mais bien l’endettement des ménages. Depuis de nombreuses années, le Canada a été identifié comme l’un des pays où l’endettement privé est jugé le plus dangereux pour la stabilité économique. Si la PCU permet de réduire un peu l’endettement des ménages, c’est une bonne nouvelle.

Ensuite, c’est un peu cavalier d’affirmer que les particuliers se sont «enrichis » avec la PCU. La plupart des personnes qui ont vu leur revenu augmenter grâce à cette entrée d’argent sont des travailleuses et des travailleurs qui gagnent un salaire de crève-faim. Il faudra bien plus qu’une prestation d’urgence temporaire pour les « enrichir ». Cela dit, il se pourrait que l’effet de ce transfert soit de réduire un peu les inégalités au Canada et encore là, si ça se concrétise, c’est une autre bonne nouvelle. Reste plus qu’à faire le pas suivant et de mettre en place un véritable impôt sur la fortune.

Enfin, on devrait s’intéresser davantage aux origines de cette hausse de l’endettement des ménages. Jetons un œil au graphique 1 tiré de la proposition de plan de relance du Centre canadien de politiques alternatives. On s’aperçoit que la mise en place des politiques de déficit zéro dans les années 90 coïncide avec le moment où l’endettement du gouvernement fédéral (ligne couleur lime) s’est mis à diminuer et le moment où l’endettement des ménages (ligne couleur fuchsia) s’est mis à augmenter. Il semble donc y avoir un lien entre l’austérité budgétaire et l’endettement privé. C’est-à-dire que lorsque le fardeau de l’investissement ne repose moins sur l’État, il repose davantage sur les individus (ou les entreprises).

 

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La PCU semble valider cette idée alors qu’une réduction de l’endettement des ménages est rendue possible par une intervention publique qui vient injecter de l’argent dans l’économie.

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Dans sa chronique Mario Dumont ajoute qu’en envoyant des chèques aux jeunes, on « corrompt une génération » puisqu’on lui apprendrait à recevoir de l’argent sans travailler. Je pense d’une part que ça prend plus qu’une prestation de quelques mois pour corrompre une génération et d’autre part qu’on pourrait aussi y voir une leçon de solidarité sociale et de l’importance de maintenir un filet social.

Mais surtout, les faits sont qu’aucune étude véritable et aucune donnée – au-delà des anecdotes – permettent de valider cette idée selon laquelle la PCU aurait servi à dissuader le travail. On s’aperçoit que le taux d’activité des jeunes était plus élevé en août 2020 qu’en 2019, et donc que plusieurs mois de PCU n’avait pas empêché le nombre de jeunes au travail (ou en recherche de travail) d’être plus élevé que l’année précédente. Et d’ailleurs, après la fin des prestations le 3 octobre, on a pas observé de hausse de l’emploi chez les jeunes. Si la PCU incitait à ne pas travailler, son retrait aurait dû avoir l’effet inverse. Or, aucun chiffre ne montre cela.

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La pandémie de coronavirus chamboule bien des choses autour de nous. C’est tout aussi vrai pour les finances publiques. Bien que des transformations économiques importantes surviennent depuis la dernière crise économique il y a dix ans, il est maintenant frappant pour tous et toutes que la gestion de l’économie par les gouvernements est entrée dans une nouvelle ère.

En vertu de cette nouvelle approche des finances publiques, on remet en question jusqu’à la pertinence d’équilibrer les budgets. C’est un véritable dogme qui est en train de tomber et c’est, de notre point de vue, une excellente nouvelle. Il est vrai qu’un gouvernement ne peut pas imprimer de l’argent à l’infini. Mais un gouvernement n’est pas une famille et, s’il respecte certaines conditions (comme le Canada les respecte actuellement), il peut très bien fonctionner tout en réalisant des déficits budgétaires année après année.

Tant mieux, parce qu’on a besoin de ces ressources pour mieux appuyer la population canadienne marquée par des décennies de stagnation des revenus et de dégradation des services publics, mais aussi pour enclencher la transition écologique sans laquelle ce n’est pas une génération qu’on risque de sacrifier, mais l’humanité au complet.

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