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Baisser les impôts, rembourser la dette ou changer le monde ?

10 décembre 2018

  • Philippe Hurteau

Si on regarde le portrait du Québec en ce moment, on voit que les surplus s’accumulent dans les coffres du gouvernement, alors qu’un peu moins d’un million de travailleurs québécois sont pauvres, que les écoles sont aux prises avec un trou récurent qui dépasse le milliard de dollars, que le réseau de la santé est exsangue et que le Québec enregistre une hausse de ses émissions de CO2.

Bien que les urgences ne manquent pas, le gouvernement préfère attendre, mettre en place de pâles mesures ciblées et laisser la situation générale s’envenimer en jouant la carte de la « prudence ». Avec un excédent de 4 milliards de dollars pour les six premiers mois de l’année (et même avec l’estimation exagérément conservatrice de surplus de 4,5 milliards offerte lundi dernier pour toute l’année) des reproches sont de mise, parce que le ministre des Finances refuse d’agir.

Pour l’instant, le gouvernement Legault tourne toute son attention sur la gestion de la dette québécoise.

Selon son plan : 8 milliards provenant du Fonds des générations iront au remboursement de la dette. En même temps, les surplus actuels seront entièrement affectés à des dépenses du même ordre : 2,9 milliards iront en versement au Fonds des générations et 1,7 milliard seront transférés en fin d’année dans la réserve de stabilisation.

Alors, si vous pensez que les urgences mentionnées plus haut devraient être au sommet des priorités du gouvernement, celui-ci ne partage manifestement pas votre avis.

Que faire?

Nous savons une chose : les surplus dans les coffres de l’État ne disparaîtront pas d’eux-mêmes, parce que :

  1. La croissance économique est forte et elle propulse les entrées fiscales vers de nouveaux sommets.
  2. La marge de prudence du gouvernement s’élèvera à 11,1 milliards le 31 mars prochain.
  3. Depuis trois ans, les surplus accumulés en fin d’année ont toujours dépassé ceux affichés en septembre.

Dans ce contexte, un surcroît de prudence n’est pas de mise, puisque cela empêche le gouvernement de voir activement à l’amélioration de la qualité de vie de la population.

M. Legault pourrait être tenté de répliquer en affirmant que la diminution promise des taxes scolaires vise cet objectif. Malheureusement, rien n’est plus loin de la réalité : diminuer les taxes scolaires, c’est priver les écoles de 700 millions de revenus. Si cette perte est compensée par de nouvelles subventions, c’est un autre ministère qui devra alors en écoper. Résultat : cela amènera une réduction des services à la population qui entraînera invariablement une diminution de la qualité de vie de la majorité.

Au lieu de perpétuer les mêmes arguments en faveur du remboursement de la dette ou de la diminution du « fardeau » fiscal, trois axes d’investissement seraient à privilégier :

Démocratiser l’économie

Québec devrait s’engager dans un vaste programme de financement d’entreprises à propriété collective gérées selon un mode de gestion démocratique. Ce faisant, il serait possible de diminuer notre dépendance envers les investissements de multinationales prédatrices, tout en redonnant un réel pouvoir aux travailleurs et aux travailleuses sur leur vie.

Transformer les services

À la place d’organiser les services en fonction des ressources financières, il faudrait organiser nos politiques fiscales en fonction des besoins à satisfaire de la population. Il est tout de même étonnant que l’avis des agences de notation pèse plus lourd dans la balance des choix gouvernementaux que le sort des gens habitant le territoire.

Lutter contre les changements climatiques

Reconfigurer notre réseau routier pour faire en sorte que le transport collectif devienne la norme quotidienne de tout un chacun devrait être une préoccupation de tous les instants.

Est-ce que 4 milliards de surplus suffisent pour faire tout cela ? Bien sûr que non. Il n’empêche que c’est cette direction que devrait prendre un gouvernement qui désire réellement répondre aux défis de son temps.

Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 10 décembre 2018 de La Presse.

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