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Vive l’impôt!

23 avril 2025

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  • Anne Plourde

La campagne électorale fédérale est marquée par une surenchère des partis politiques qui promettent presque tous une forme ou une autre de baisse d’impôt pour les contribuables. Ce type de promesses est toujours très populaire, notamment au Québec où divers sondages montrent, année après année, qu’une forte majorité de la population se considère trop taxée et est favorable à des baisses d’impôt. La comparaison entre le Canada, les États-Unis et la Suède montre pourtant que l’impôt, considéré par certains de ses pourfendeurs comme du «  braquage fiscal », est en fait une base essentielle à la construction d’une société plus égalitaire, plus en santé… et plus heureuse.

L’impopularité de l’impôt vient peut-être en partie du fait que très souvent, lorsqu’il est question de finances publiques, les débats entourant la colonne des revenus gouvernementaux (les taxes et impôts) ignorent les discussions qui concernent la colonne des dépenses (le financement des services publics). Ainsi, les politicien·ne·s qui choisissent de réduire les impôts préviennent rarement les contribuables que ces décisions auront éventuellement pour effet de provoquer un nouveau cycle d’austérité budgétaire et de miner la capacité financière de l’État à répondre aux besoins de la population en matière de santé, d’éducation, de protection de l’environnement ou de sécurité des transports, entre autres.

L’inverse est d’ailleurs tout aussi vrai : on traite souvent les dépenses sociales sans mentionner la colonne des revenus. Dans un dossier récent, La Presse remettait en question la capacité financière du Québec à soutenir son modèle d’État-providence et les dépenses publiques qui l’accompagnent, sans toutefois mentionner qu’au fil des années, l’État québécois s’est lui-même privé de revenus importants en procédant à des baisses d’impôt et en raison d’une complaisance fiscale ayant surtout profité aux grandes entreprises et aux mieux nantis de la société.

Mettre ces deux colonnes de chiffres en lien l’une avec l’autre permet toutefois de montrer que, loin d’être une malédiction, des taux d’imposition élevés sont associés à une multitude de bienfaits. Pour s’en convaincre, on peut comparer le Canada avec deux pays ayant des modèles d’État-providence opposés : les États-Unis et la Suède.

Sur le plan des revenus, notre voisin du sud se distingue par un niveau d’imposition des salaires plutôt faible, avec des ponctions fiscales totales qui, dans le cas des salaires moyens, représentent 29,9 % des coûts de main-d’œuvre, contre 42,1 % pour la Suède. Avec un taux de 31,9 %, le Canada est plus proche du modèle états-unien que suédois.

Sur le plan des dépenses, le « fardeau fiscal » plus léger dont jouissent les contribuables états-uniens s’accompagne toutefois d’investissements gouvernementaux plus faibles dans les services publics (5,5 % du PIB, contre 6,6 % en Suède), l’éducation (5,6 % du PIB contre 6,7 % en Suède) et la protection sociale (12,1 % du PIB contre 18,5 % en Suède) (les données pour le Canada ne sont pas disponibles). Les travailleuses et les travailleurs du pays de Donald Trump bénéficient également d’un filet social beaucoup moins solide en cas de chômage : alors que le revenu des Suédois·es est remplacé à 82 % en cas de perte d’emploi, celui des États-Unien·ne·s ne l’est qu’à 49 %, et celui des Canadien·ne·s à 64 %. Après un an de chômage, ce taux se maintient à 64 % en Suède, mais chute à 10 % aux États-Unis et à 22 % au Canada.

Or, l’État-providence plus généreux financé par des impôts plus élevés en Suède se traduit en bienfaits très concrets pour la population. Ainsi, les Suédois·es jouissent d’une espérance de vie (83,1 ans) plus élevée qu’aux États-Unis (76,4 ans) et qu’au Canada (81,6 ans), et leurs indicateurs de santé sont nettement meilleurs, tant pour la mortalité évitable que pour la mortalité maternelle et infantile. Ceci est vrai même si les dépenses totales de santé des États-Unis sont beaucoup plus élevées que celles de la Suède.

La Suède se distingue également par des taux de pauvreté plus bas (9,2 % en Suède, contre 15,2 % aux États-Unis et 10,5 % au Canada), des inégalités de revenu moins élevées, un plus haut niveau de « développement humain » et… plus de bonheur! À ce sujet, une analyse conduite par La Presse en 2023 sur vingt-cinq pays comparables au Canada démontrait un lien positif très clair entre des contributions fiscales plus élevées et un classement plus favorable dans le Rapport mondial sur le bonheur.

Il semble donc que c’est l’impôt et la solidarité sociale, plus que l’argent qu’on réussit à garder dans nos poches, qui fait le bonheur et la santé! 

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