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Et si on liquidait le Fonds des générations?

26 janvier 2021

  • Philippe Hurteau

La suspension des versements au Fonds des générations est au cœur du débat prébudgétaire de cette année. Si un consensus semble prendre place en faveur d’une suspension partielle, cette demi-mesure maintiendrait malheureusement en vie un Fonds dont il est urgent de remettre en question l’existence même.

Diminution de la capacité budgétaire de l’État

En consacrant une part de ses revenus au Fonds des générations, le gouvernement rend indisponibles des sommes d’argent qui auraient dû être attribuées à différents services à la population. Entre le moment de l’instauration du Fonds des générations et l’année budgétaire 2020-2021, le solde budgétaire du Québec est globalement négatif de 8,6 milliards de dollars. Toutefois, en incluant dans ce solde les revenus dédiés au Fonds des générations, le portrait change du tout au tout. Il est alors question d’un excédent de 8,5 milliards de dollars. C’est donc dire qu’il existe un écart de 17,1 milliards de dollars, durant cette période, selon que le calcul du solde budgétaire comprend ou non le Fonds des générations.

 

Surplus ou taux de profit?

Consacrer une part importante de ses revenus aux Fonds des générations oblige le gouvernement à extraire chaque année une marge bénéficiaire du budget de l’État. Québec doit, chaque année, générer plus de revenus que de dépenses, singeant du même coup le fonctionnement des organisations à but lucratif en instaurant une règle voulant qu’il doive générer des excédents d’opérations afin de nourrir un fonds d’investissement.

De 2006-2007 à 2020-2021, les revenus gouvernementaux consacrés au Fonds des générations sont passés de 582 millions de dollars à 2,105 milliards de dollars. Aujourd’hui, Québec donne 2,6 % de l’ensemble de ses revenus autonomes au financement de ce Fonds, alors que cette proportion n’était que de 0,7 % en 2006-2007.

Financiarisation des revenus gouvernementaux

Si la situation budgétaire est présentée sous un jour moins favorable en raison des versements qui y sont dédiés et que cela indique une mutation de l’État calquée sur le fonctionnement des organisations à but lucratif, nous pouvons également constater que ces deux premiers éléments viennent en nourrir un autre : le déplacement des revenus fiscaux de l’État vers les marchés financiers.

L’objectif du Fonds étant de générer des revenus qui dépassent le coût des emprunts du gouvernement, nous trouvons en son cœur une logique spéculative propre à l’économie financière. Le gouvernement se trouve en effet à alimenter un portefeuille d’investissements à même ses revenus autonomes, ces mêmes revenus qui, en principe, doivent servir au financement des services à la population. Ce type de disposition institutionnelle n’est pas nouveau : le financement des retraites par capitalisation, par exemple, procède d’une logique similaire.

Cependant, le Fonds des générations introduit une nouveauté en ce qu’il rend l’atteinte des objectifs budgétaires du gouvernement dépendante des marchés financiers. Alors, pendant que d’un côté l’argent manque pour justement voir au financement de ces services, de l’autre, l’État se contraint à générer des surplus. Les véritables gagnants de cette logique sont donc les acteurs dominants de l’économie financière, qui parviennent à orienter davantage de fonds publics vers les marchés financiers.

Les tenants du néolibéralisme au Québec ont en somme réussi à implanter un outil dont l’utilisation impose une plus grande discipline à l’État en ce que celui-ci doit se soumettre d’abord et avant tout à des objectifs de nature financière. Difficile de trouver un meilleur exemple de ce que peut être le détournement de l’État.

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