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Regards sur la CAQ: le projet économique de François Legault

18 novembre 2011

  • Eric Martin

L’ex-souverainiste François Legault a choisi sa nouvelle patrie : la valeur. Legault dit en effet vouloir « encourager la création de valeur » au Québec : « Le succès économique du Québec dépend des compétences des Québécois, de leur volonté à investir pour le futur, de leur capacité à innover et de leur créativité ». En clair, le nouveau projet mobilisateur n’est pas l’indépendance nationale, mais bien la course à l’innovation. On sait, et ce n’est pas nouveau pour François Legault, père des contrats de performance en éducation, que la rhétorique de « l’économie du savoir » allie le leitmotiv de la créativité personnelle à la mobilisation des institutions d’enseignement supérieur dans le but de produire des découvertes commercialisables et d’attirer les investissements en capital de risque. Il faut être « créatif » pour développer des brevets et attirer les investissements étrangers.

Legault prétend que cela rendra l’économie québécoise « plus productive ». Mais on sait que le modèle de « l’innovation ouverte » signifie surtout que les entreprises cherchent à profiter de recherche pour laquelle elles ne veulent pas débourser en recherche et développement (R-D). Dans l’ancien modèle « d’innovation interne », la grande entreprise avait son laboratoire maison et développait de nouveaux produits. L’open innovation préconise plutôt le développement d’un « réseau », d’une collaboration université-entreprise, où les fonds publics servent à développer une recherche qui est ensuite privatisée avant d’être commercialisée : socialiser les coûts, privatiser les profits. Loin de réinvestir, les entreprises conservent cet argent dans le but d’acheter d’autres brevets, des entreprises concurrentes ou de spéculer en bourse. Il s’agit d’une forme de détournement de fonds publics.

Par exemple, il est question d’augmenter les crédits d’impôts aux entreprises qui investissent en technologie. Ces crédits d’impôts sont souvent offerts comme incitatifs à la collaboration-université entreprise, ce qui signifie: détourner les universités de leur mission d’enseignement, faire développer des nouvelles technologies au moyen de fonds et de ressources publiques, puis les céder au privé. Les gains de productivité annoncés ne sont pas au rendez-vous, mais les gains des entreprises se portent bien, puisqu’elles se font subventionner leur R-D.

Au détournement des universités, Legault ajoute le tourisme et le divertissement, bref, l’économie spectaculaire. Plutôt que de consacrer des fonds publics à développer des services pour la population, il faudrait, dans le but d’attirer des investissements étrangers, mettre tout en œuvre pour transformer le Québec en plaque tournante du tourisme et du jeu vidéo. Cette nouvelle économie du tourisme et du numérique risque elle aussi d’engloutir quantité de fonds publics sans se traduire en meilleures conditions de vie pour les québécois-e-s.

Le mantra de l’économie du savoir est une idéologie. Même L’OCDE reconnaît qu’aucun indicateur ne permet de prouver que le développement d’une économie « de l’innovation » améliore le sort des pays qui l’appliquent. À n’en pas douter, par contre, il s’agit d’une façon de satisfaire une demande émise par les entreprises de capital de risque, qui veulent réduire leurs coûts de R-D, principalement dans la recherche exploratoire et le développement précommercial de brevets, ce qui représente la phase la plus coûteuse et la plus risquée de la recherche.

Pour créer de la valeur en bourse pour les startups de l’économie du savoir, pour attirer des touristes et des compagnies informatiques, François Legault propose de détourner les universités et les infrastructures publiques vers l’attraction d’investissements internationaux, alors que les théories économiques qui vantent ce genre de modèle n’ont révélé aucun impact positif pour les populations. Ici, encourager la création de valeur signifie avant tout prendre des richesses publiques, du bien commun, et le mettre au service d’objectifs dictés par les besoins des acteurs corporatifs de l’économie financiarisée . L’adéquation apparente entre augmentation de la valeur s’effondre, et l’on découvre que ce qui constitue de la valeur pour les gestionnaires a tous les airs d’une perte pour les peuples.

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