La dernière « offre » du gouvernement
7 mai 2012
Comme il semble y avoir eu certaines irrégularités dans le processus de négociation, nous parlerons ici d’une offre gouvernementales plutôt que d’une entente négociée.
Le gouvernement garde le cap sur la hausse mais propose d’instaurer un comité qui évaluerait l’utilisation des ressources dans les universités. Les économies réalisées pourraient réduire les frais afférents et compenser la hausse des frais de scolarité. L’affaire peut sembler sympathique. Mais cette concession apparente est, encore une fois, un cadeau empoisonné.
D’une part, le gouvernement ne recule pas sur la hausse et réussit à en faire reconnaître la légitimité, alors que cette mesure injuste et antisociale a été justifiée par un prétendu sous-financement complètement fallacieux. La hausse est maintenue comme s’il s’agissait d’une fatalité cosmique.
Ensuite, ce sont les étudiant·e·s qui deviennent responsables de faire le ménage dans le gaspillage et de gratter les fonds de tiroir des budgets universitaires pour essayer de regagner d’une main ce que la hausse leur prend de l’autre. C’est vrai qu’il y a du gaspillage et toutes sortes de mésusages de fonds dans l’université, mais il sera difficile d’en convaincre un comité où les étudiant·e·s (4) et le personnel (4) sont minoritaires devant les recteurs (6), les gens d’affaires (2), le gouvernement (1). Il sera encore plus difficile de trouver une somme suffisante pour éliminer complètement la hausse puisque l’offre du gouvernement vise à réduire uniquement les frais institutionnels des universités, ceux-ci n’équivalent pas à un montant comparable à 1778$.
Mais, comme nous le disions déjà ici, l’affaire la plus pernicieuse dans tout cela c’est que le gouvernement en profite pour jeter les bases d’un mécanisme « d’assurance-qualité » permanent qui aura pour tâche de contrôler en continu l’utilisation optimale des ressources universitaires en se basant sur les « meilleures pratiques », c’est-à-dire sur des critères marchands de performance et d’efficience qui viennent des modèles britanniques et américains d’universités commercialisées.
Ceci permet de retirer du pouvoir a la CREPUQ (qui adhérait déjà tout à fait à la logique de marchandisation universitaire et qui conserve quand même un nombre de sièges enviable sur le nouveau comité) pour soumettre les universités à un pouvoir d’expertise externe et à de nouvelles normes de performance qui minent l’autonomie universitaire, la liberté académique, l’indépendance institutionnelle et le contenu de l’éducation pour l’arrimer aux impératifs de la valorisation et de la croissance de l’économie.
Ce qui débarque au Québec, c’est tout le projet de l’économie du savoir recopié depuis le processus de Bologne, avec ses trois piliers : 1) réforme du financement (plus de privé), RPR et hausse des frais 2) réforme managériale de la gouvernance et 3) instauration de mécanismes d’assurance-qualité. Ironiquement, chaque offre gouvernementale sert à aller encore un peu plus loin dans cette direction. Il n’est pas besoin de s’étendre longuement sur la catastrophe que tout ceci représente pour l’éducation publique.
Bref, la hausse continue, et si les étudiant·e·s veulent regagner un peu des sous qu’ils engloutiront dans l’aventure, ils devront accepter de participer à un comité qui n’est pas véritablement intéressé à en finir avec le gaspillage universitaire. Il sera peuplé de gens qui ne veulent pas les écouter et qui pensent, du reste, que de l’argent dans l’université, il n’y en a jamais assez car il faut être « concurrentiel » dans la mondialisation et tutti quanti. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils montent les frais même si aucun argument sérieux ne le justifie, sauf peut-être le fantasme de copier le Canada, l’Angleterre et les USA. Pour être concurrentiel, il faut faire comme ceux qui ont détruit l’accès universel a l’éducation, et qui ont branché l’offre de programmes sur les injonctions de l’économie avec des mécanismes d’évaluation en continu pour savoir si on est assez collé sur le business, ou s’il faut encore s’oublier un peu plus comme universitaires. Payez ou aidez-nous a rationaliser l’université : des deux côtés, c’est du win-win pour L’État entrepreneurial…