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Rendre l’achat québécois obligatoire ?

7 septembre 2017

  • Bertrand Schepper

Un reportage du Journal de Montréal révélait toute l’ampleur des problèmes liés à l’usine d’assemblage de Bombardier à La Pocatière. Cette usine où ont été construits depuis 1974 plus de 6000 wagons de train et de métro risque de fermer ses portes d’ici 2020 si Bombardier met à exécution son plan de transformation. Pour que Bombardier maintienne l’usine, il faudrait que celle-ci augmente significativement son carnet de commandes. Alors qu’un habitant sur dix de la région travaille à l’usine, il est clair que la réussite de Bombardier est préoccupante pour le Bas-St-Laurent.

L’usine de Bombardier exemplifie bien tout le problème du secteur manufacturier au Québec et au Canada. Considéré par le passé comme la colonne vertébrale de l’économie (p.16), le secteur s’effrite décennie après décennie (p.18). Afin de régler ce problème, le gouvernement s’est lancé dans de nombreuses « politiques de relance », de soutien à l’innovation et de plan stratégique, mais le secteur peine à augmenter ses exportations, et ce, même lorsque le huard est faible.

Une autre tendance est de faire comme les États-Unis et d’établir des clauses pour faciliter l’achat de produits assemblés aux États-Unis lorsque le gouvernement fédéral participe au financement.

Comment ça marche? Datant des années 1930 et ayant connu diverses transformations, le « Buy American Act » adopté sous Obama en 2009 s’assure que les marchandises et les produits manufacturés achetés par le gouvernement proviennent et soient assemblés aux États-Unis. Il y a bien sûr des exceptions, mais vous comprenez le principe.

Il existe une variante dans le domaine du transport public, secteur pour lequel les achats sont très importants. Pour le transport public, les achats de plus de 100 000 $ US avec un financement fédéral doivent avoir au moins 60 % de contenu provenant des États-Unis et l’assemblage final doit être complètement fait au pays. Il est d’ailleurs prévu que ce ratio passe à 70 % d’ici 2020.

Cette politique permet aux États-Unis de maintenir une industrie dans un secteur clé de leur économie. Le Canada fait en partie les frais de ce type de politique alors que ses industries peinent à percer le marché étatsunien.

Faisons-nous la même chose ici?

Nous pourrions croire que le Québec adopte le même type de positions. Plusieurs grandes entreprises telles que Bombardier Transport, Prévost et NovaBus font partie des plus grands employeurs du Québec. Eh bien non… En fait, ici, c’est tout le contraire. L’AMT a fait passer ses exigences de contenu canadien de 25 % à 15 % pour la construction de 24 trains de banlieue, ce qui s’est soldé par l’octroi du contrat à une firme chinoise. De son côté, la Caisse de Dépôt du Québec (CDPQ) ne demande aucun contenu pour le REM. À lire les dernières nouvelles au sujet de Bombardier, on pourrait penser qu’il s’agit d’un choix judicieux. Il n’est cependant pas uniquement question de Bombardier, mais bien de l’ensemble du secteur québécois qui perd la chance de développer des technologies utiles au profit d’entreprises basées à des milliers de kilomètres.

On exige donc peu de contenu canadien pour acheter des produits provenant de l’étranger avec de l’argent public, et on finit par subventionner l’entreprise locale qui n’a rien fourni. C’est exactement ce qui s’est produit dans le cas de l’achat des wagons de l’AMT. C’est complètement absurde.

Les dogmatiques de la main invisible du marché considèrent que, dans cette situation, la chose à faire serait de laisser le marché parler et en fin de compte de favoriser les entreprises étrangères et d’arrêter de subventionner les entreprises locales. Cela permettrait d’avoir des produits à moindres coûts. Je ne suis pas de cet avis. Si, à court terme, cela peut sembler judicieux, à long terme, il y a plus à gagner en favorisant le contenu local. En plus de défendre l’emploi direct et indirect qui soutient l’économie locale, une telle mesure assure que l’argent public soit utilisé pour la création d’expertises chez nous. De plus, les besoins en transport étant moins grands et l’énergie utilisée au Québec étant généralement moins polluante, l’empreinte environnementale des projets manufacturiers est significativement moins élevée. Alors que le Québec répète vouloir atteindre ses objectifs de réduction de GES, voici un moyen très concret de le faire.

Évidemment, l’objectif d’une telle mesure n’est pas de fournir des avantages indus à des entreprises incapables de se gérer, mais d’assurer que les entreprises qui veulent profiter des contrats publics contribuent à l’économie de l’État qui les finance. Dans ces conditions et alors que l’on parle d’investir en transport en commun à Montréal, pourquoi ne pas favoriser l’achat de contenu québécois dans les contrats publics ?

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