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Qu’est-ce que le « sportwashing » ?

10 février 2022

Lecture

4min

  • Bertrand Schepper

Depuis quelques années, des pays jouissant d’une mauvaise réputation internationale et en quête de légitimité géopolitique ont démontré de l’intérêt pour les événements sportifs internationaux. Ceux-ci dépensent des sommes astronomiques pour organiser de telles rencontres et redorer leur image dans l’espoir de faire oublier leurs pratiques condamnables sur le plan des droits de la personne. Cette pratique est connue sous le nom de « sportwashing » ou « blanchiment par le sport ».  

À l’image du « greenwashing », où des compagnies polluantes consacrent des fonds importants en marketing pour publiciser de petits gestes écologiques, les juridictions qui font du « sportwashing » dépenses des sommes faramineuses pour attirer les caméras vers une dimension idéalisée de leur société, celle de la saine compétition dans le sport. Cette pratique est devenue suffisamment courante pour que nous puissions considérer 2022 comme l’année du « sportwashing ». 

En effet, à la fois la Chine et le Qatar, tous deux vivement critiqués pour leur non-respect des droits de la personne, seront les hôtes des deux événements sportifs les plus regardés sur la planète, soit les Jeux olympiques et la Coupe du monde de soccer. 

Rappelons que la Chine, hôtesse des Jeux olympiques d’hiver, est régulièrement pointée du doigt par la communauté internationale en raison de sa volonté de prendre le contrôle de Hong Kong et de la répression qu’elle fait subir à la communauté musulmane des Ouïgours.

Quant au Qatar, qui accueillera la Coupe de Monde de soccer l’été prochain, le pays est reconnu pour ses nombreuses violations des droits de la personne, dont notamment des restrictions à la liberté d’expression, la criminalisation des unions de même sexe ou la tolérance envers la violence faite aux femmes. De plus, la construction des stades où se joueront les matchs de la Coupe du monde a mené à des traitements inhumains d’employé·e·s migrant·e·s· qui auraient causé des milliers de morts

L’Arabie saoudite commandite elle aussi cette année à coup de milliards de dollars des événements sportifs de tout acabit : Formule 1, combat de boxe, lutte professionnelle, etc. Le pays est d’ailleurs en train de construire une nouvelle ville qui aura pour vocation de recevoir ce type d’événements. Bref, pour ce pays du Golfe persique, le blanchiment par le sport est devenu une véritable stratégie diplomatique qui vise à faire oublier qu’il considère toute forme de dissidence comme du terrorisme passible de torture et de peine de mort. 

Pourquoi accepter de telles pratiques ? 

Mentionnons d’abord que, d’un point de vue économique, les grands événements sportifs coûtent cher et les retombées économiques ne sont généralement pas au rendez-vous. C’est pourquoi de nombreux pays choisissent de ne pas accueillir de telles compétitions, laissant ainsi la place à des pays autoritaires dont plusieurs sont menés par des dirigeants aux poches profondes et devant composer avec peu d’opposition politique. 

De plus, il ne faut pas compter sur le compas moral des organisations internationales de sport, telles que le Comité international olympique (CIO), la Fédération internationale de football association (FIFA) ou la Formule 1, qui ont été par le passé accusées de corruption. Ces organisations sont heureuses de pouvoir compter sur des dirigeants bien nantis prêts à investir d’importantes sommes d’argent pour construire des infrastructures sportives qui ne serviront que pour une courte période.

Le « sportwashing » d’entreprise

Sur le plan symbolique, certains associent la pratique du sport et de l’olympisme aux droits de la personne en raison de leurs valeurs cardinales telles que l’éducation et le partage des cultures. 

Malheureusement, le sport de haut niveau a tendance à se « marchandiser » et les intérêts publicitaires des grandes multinationales impliquées dans de tels événements encouragent une forme de dépolitisation du sport. Ces compagnies tentent d’associer les valeurs du sport à leur image de marque, par exemple le dépassement de soi. C’est pourquoi une marque comme Coca-Cola, pourtant aux antipodes de la saine nutrition, se retrouve à commanditer les Jeux olympiques. 

À titre d’exemple, les dépenses publicitaires réalisées dans le cadre des jeux de Tokyo, qui se sont tenus l’an dernier, ont été estimées de manière prudente à 2,7 milliards de dollars américains. On ne peut donc s’étonner que les grosses corporations qui dépensent de telles sommes veuillent protéger leurs investissements et fassent tout pour dépolitiser les jeux. 

Le sport n’est en soi ni bon ni mauvais ; tout dépend de la manière dont il est utilisé. On ne peut certainement pas blâmer les athlètes de vouloir participer à l’idéal olympique. Malheureusement, les grands rendez-vous sportifs sont de plus en plus utilisés par des régimes autoritaires en quête de légitimité et des mégacorporations avides de profits. Le « sportwaching » ne semble pas prêt à être abandonné à titre de stratégie diplomatique. 

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1 comment

  1. La désinformation est l’arme la plus puissante que le XXI siècle aie vu naître.

    La politique du “pain et des jeux” est omniprésente.

    L’ignorance en est le premier symptôme…
    L’impuissance en est le second symptôme…
    La destruction du monde entier en est la conséquence.

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