Prix du livre : une règlementation sensée
19 août 2013
Aujourd’hui, j’irai déposer le mémoire de l’IRIS à propos d’une règlementation sur le prix du livre en commission parlementaire à l’Assemblée nationale. Il porte sur la proposition d’un regroupement du milieu du livre de limiter les rabais à hauteur de 10% pendant les neuf premiers mois de vie commerciale d’un livre. Globalement, après recherches et analyses, nous trouvons que cette proposition est tout à fait raisonnable.
En premier lieu, parce qu’elle ne changera pas grand chose au monde du livre québécois. En effet, ce milieu est plutôt une situation d’exception en terre d’Amérique : beaucoup de petits joueurs indépendants, présents sur tout le territoire et une vitalité d’édition peu commune pour une si petite communauté. Nous avons affaire ici à une mesure qui agira en tant que parapluie pour protéger cette exception.
Comment? En rendant impossible les guerres de prix importantes à l’égard des best-sellers. Si demain matin, un gros joueur décidait d’inonder le marché avec des produits à 50% de rabais et une campagne promotionnelle, il pourrait venir déstabiliser de façon importante le milieu du livre. Les réglementations en place permettraient aux petits joueurs de survivre un moment, mais probablement pas à une guerre de longue haleine.
Cette défense de la diversité du livre se fait-elle aux dépens des consommatrices et consommateurs, comme le défendait un article récent de La Presse et l’Institut économique de Montréal (IEDM) depuis le début de ce débat. En fait, lorsqu’on observe ce qui se produit réellement dans le monde du livre, limiter en ce moment les rabais à 10% n’aurait à peu près pas de conséquences, car les rabais supérieurs à cette limite sont relativement rares.
En effet, dans le cadre d’une enquête sommaire réalisée cet été, nous avons parcouru 14 détaillants de livres et vérifié le prix de 12 titres parus récemment. Eh bien si vous achetez vos livres dans des librairies – ce qui est le cas pour 65% des livres achetés-, vous ne rencontrez en fait, presque jamais de rabais au-delà de 10% sur les nouveautés.
C’est seulement si vous achetez vos livres chez Costco ou Walmart (qui ont 11% de la part du marché du livre) que les rabais moyens dépassent le 10% en question. Ces détaillants offrent-ils une sélection de livres intéressante? Proposent-ils une grande variété d’ouvrages écrits au Québec? En fait, ces détaillants tiennent seulement des gros vendeurs très récents et quelques formats de poche de romans policiers et de romans à l’eau de rose. S’ils étaient tenus de réduire leurs rabais à 10% aujourd’hui, l’effet sur les ventes de livres serait inférieur à 1,8%. Le tout, en supposant que les autres commerçants n’en profiteraient pas pour augmenter leurs rabais autour du 10% sur ces produits spécifiques pour entrer en concurrence avec les grandes surfaces.
Bref, la proposition avancée nous semble une protection intéressante pour préserver un milieu du livre vivant et ce, sans risque de voir une importante hausse de prix pour les livres. Pourquoi s’en priver?