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Pas si payant, le retour des Expos

30 mars 2018

  • Bertrand Schepper

Il y a de cela quelques jours, la fièvre du baseball a enflammé la ville, alors que les Blue Jays affrontaient les Cardinals au Stade olympique. Avec un auditoire d’environ 25 000 spectateurs par partie, il est normal que la question du retour des Expos ait été abordée par plusieurs personnalités du monde politique et des affaires. Cela a évidemment mené au sempiternel débat du financement public d’un nouveau stade.

D’emblée, selon Stephen Bronfman, qui est à la tête d’un groupe d’investisseurs, la Ligue majeure de baseball (MLB) considère que le Stade olympique ne pourrait pas être utilisé. Ainsi, selon lui, la construction d’un nouveau stade serait la meilleure solution pour permettre la venue des Expos 2.0.

En supposant que cela soit vrai, la plus récente étude financée par la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain sur le sujet estime à plus de 1,02 G$ (p.28) les investissements nécessaires pour la construction d’un nouveau stade et l’achat d’une équipe de baseball. L’État serait sollicité pour un montant de l’ordre de 335 M$.

Sans chercher à déterminer si le retour du baseball est souhaitable ou non à Montréal, tentons de voir s’il est intéressant pour les contribuables d’investir dans un nouveau stade.

Les promoteurs de la construction de nouveaux stades prétendent que l’investissement dans les nouveaux stades crée d’importantes retombées économiques et que l’État a donc avantage à subventionner (p. 30). Spontanément, on peut croire qu’un nouveau stade et une nouvelle équipe vont créer suffisamment d’emplois et d’activité économique pour permettre à l’État de se rembourser.

Ce n’est malheureusement pas le cas. Si l’on se rapporte aux conclusions du livre de Roger G. Noll et d’Andrew Zimbalist, intitulé Sports, Jobs, and Taxes : The Economic Impact of Sports Teams and Stadiums et de nombreuses études et articles, l’on peut affirmer que les nouvelles installations sportives ont des effets extrêmement faibles, voire négatifs sur l’activité économique. En ce sens, selon ces deux professeurs d’économie spécialistes des cas de constructions de stades de sport professionnel en Amérique du Nord, ces installations n’ont pas rapporté suffisamment de recettes fiscales pour s’autofinancer et encore moins pour avoir un rendement.

Dans les faits, du point de vue de l’État, le sport professionnel est économiquement intéressant que s’il devient une industrie d’exportation ; une industrie attirant des touristes et des acheteurs de droits de télédiffusion de partout sur la planète. Or, ce n’est pas vraiment le cas, puisque les équipes sportives ciblent avant tout les amateurs de leur région respective. Il n’y a donc pas suffisamment de potentiel de tourisme pour justifier un tel projet. De plus, rares sont les équipes professionnelles qui vendent des droits de diffusion à grande échelle. On peut alors supposer que ce ne sera pas le cas d’une équipe comme les Expos 2.0.

Or, pour l’État, cela n’a pas vraiment d’incidence si l’amateur·trice local·e au portefeuille limité dépense pour aller voir les Expos 2.0, plutôt que pour toute autre activité sur son territoire : cela n’enrichira que les propriétaires de l’équipe, sans plus.

Évidemment, l’arrivée d’un nouveau stade créerait des emplois ayant des répercussions économiques positives, mais seulement pour le temps de sa construction. Cependant, si l’on se rapporte à plus long terme, l’État n’y gagnera pas beaucoup de bénéfices, puisque les salaires liés à une équipe de baseball ont relativement peu d’effets sur les revenus d’États. Les athlètes n’habitent généralement pas là où ils jouent et leurs dépenses dans cette région sont limitées. De plus, les emplois directement liée à l’opération d’un stade sont en grande partie des emplois à temps partiel à faible valeur ajoutée en terme de retombées économiques.

À long terme, il n’y a donc pas de retombée économique ou fiscale suffisante liée à la création d’emplois au sein d’un nouveau stade ou du sport professionnel. C’est sans compter que si un stade occupe un terrain du centre-ville, il empêche un autre type d’industrie avec plus de retombées économiques de s’installer.

Est-ce que ça veut dire qu’il ne faut pas soutenir le baseball ?

Une chose m’apparaît claire : si le gouvernement du Québec ou la Ville de Montréal subventionnent le retour des Expos, ce sera une perte économique pour les contribuables. Sachant cela, on peut refuser de subventionner le retour des Expos ou le faire en pleine connaissance de cause. C’est pourquoi je crois que Valérie Plante a raison de proposer un référendum sur la question du financement public du stade, si on demande des fonds à Montréal. Et puis, si des gens d’affaires veulent investir, c’est parce qu’ils considèrent qu’il y a des profits à faire.

Plutôt que de subventionner, l’État peut utiliser divers moyens pour devenir un partenaire financier et recueillir un retour juste et équitable sur ses investissements. Cela m’apparaît beaucoup plus intéressant que de simplement faire un chèque en blanc pour financer une entreprise privée sans effets réels sur l’économie.

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