Les assistés sociaux
21 novembre 2014
Une étude conjointe du Center for Effective Government et de l’Institute for Policy Studies publiée hier révèle que le montant versé aux PDG de 7 des 30 plus grandes corporations américaines est plus élevé que celui qu’elles ont payé en impôt fédéral en 2013. Malgré des profits avant impôt de 74 milliards de dollars, elles ont reçu un remboursement global de 1,9 milliard de la part du Internal Revenue Service (IRS, l’équivalent de notre agence du revenu). Sur les 100 PDG les mieux payés aux États-Unis, 29 ont en outre touché une rémunération supérieure à ce que leur entreprise a versé au fisc l’année dernière. L’étude souligne aussi que les entreprises où travaillent ces fortunés dirigeants exploitent globalement 237 filiales dans des paradis fiscaux.
Chez nous, une étude du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) parue en 2011 montrait qu’en 2009, 198 entreprises du S&P/TSX (indice boursier qui regroupent les plus grandes entreprises du pays) avaient réalisé 50% plus de profits et payé 20% moins d’impôt qu’en l’an 2000. L’équivalent de 12 milliards de dollars de moins par année dans les coffres de l’État, soulignait alors le CCPA. Quant aux PDG canadiens, leur situation financière n’a que très peu à envier à celle de leurs confrères américains. Le revenu moyen des 100 PDG les mieux rémunérés au pays s’élevait à près de 8 millions de dollars en 2012.
Ces données nous permettent de braquer les projecteurs sur une grande absente du débat actuel sur le redressement des finances publiques : l’austérité est une politique que ne connaissent généralement ni les grandes entreprises, ni leurs administrateurs. Prenez par exemple l’industrie financière : au Canada dans les années qui ont suivi la crise de 2008, le gouvernement fédéral a apporté une aide ponctuelle d’au moins 114 milliards de dollars aux grandes banques pour leur permettre de continuer à fonctionner normalement – et, au passage, d’engranger quelques milliards en profits.
En revanche, on réserve aux salariés ordinaires le soin de se serrer toujours un peu plus la ceinture pour le bénéfice de l’équilibre budgétaire. Alors que les gains médians des travailleurs et des travailleuses canadiennes font du surplace – ils ont diminué de 1700$ (-5,36%) entre 1976 et 2011 –, on se demande bien comment ils et elles vont pouvoir absorber de nouvelles hausses de tarifs et de taxes.
Si l’équilibre budgétaire était un exercice honnête, nos gouvernements ne s’acharneraient pas simplement à contrôler le niveau des dépenses publiques. Ils seraient aussi soucieux, notamment, de faire correspondre la contribution sociale des grandes entreprises à l’aide que lui consent la collectivité via les subventions, crédits d’impôts, allégements fiscaux, etc. À défaut de quoi on ne peut qu’acquiescer devant l’idée que l’austérité est une mesure avant tout idéologique.