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Le PIB est-il encore le meilleur indicateur pour mesurer le bien-être économique ?

22 janvier 2019

  • Bertrand Schepper

Généralement, lorsqu’on tente de déterminer si l’économie va bien, on se fie à l’observation du produit intérieur brut (PIB). Cet indicateur provient de l’estimation de l’ensemble des activités sur un territoire donné pendant une période donnée. Lorsque le PIB est en croissance, l’économie est réputée comme en bonne situation; à l’inverse lorsque celui-ci régresse, alors l’économie est considérée comme en mauvaise posture.  Ainsi, aux yeux de certains, qui associe croissance économique et qualité de vie, l’étude du PIB permet d’évaluer le bien-être et la prospérité.

Or, le PIB a des failles importantes qu’il importe de souligner à nouveau. En effet, le PIB ne calcule pas l’impact de l’épuisement des ressources naturelles, de la concentration de la richesse, des changements climatiques, etc., alors que l’ensemble de ces variantes peuvent avoir un effet sur l’économie à long terme. Alors que la majorité des États, dont le Canada et le Québec, disent vouloir favoriser une économie plus verte ou plus sobre en carbone, se fier uniquement au PIB est une erreur.

Ce constat est de plus en plus partagé puisque les chef-es d’État du G7 réunis à Charlevoix en 2018 ont déclaré que « les pays doivent commencer à compiler des mesures axées sur la prospérité et le bien-être à long terme » (p.2).

De nombreux indicateurs tentant de capter ces mesures existent déjà. Au Québec, nous pouvons penser à l’indice du progrès véritable (IPV), tel qu’établi par Harvey Mead, ex-Commissaire au développement durable. Cet indicateur tente de prendre en compte les activités économiques non monétaires, dont par exemple le bénévolat, le travail domestique, ainsi que l’effet de la perte des ressources naturelles et les dégâts liés aux inégalités sociales comme les maladies, les délits, le chômage, etc.

Au Canada, l’Institut international du développement durable (IISD) a présenté l’indice du patrimoine global. Cet indicateur, contrairement au PIB, tente de compiler les données afin de faciliter la prise de décision «  axée  sur la prospérité et le bien-être à long terme » (p.2). Pour ce faire, l’indice prend en compte différents facteurs économiques, environnementaux, sociaux et de connaissance d’un État. En bref, il s’agit d’une forme de PIB affinée.

À noter, selon le plus récent rapport de l’IISD, lorsque l’on évalue la croissance du PIB  au Canada entre 1980 et 2015, on remarque un taux de croissance annuel de 1,47 %, alors que celui  du patrimoine global est de 0,23 %. (p.7).  Cela veut dire que si l’on adhère aux thèses de l’IISD, la prospérité canadienne, à long terme, est moindre que si l’on évalue uniquement les activités économiques. Cela s’explique, toujours selon l’IISD, par trois facteurs importants:

  1. L’endettement des ménages a atteint un niveau record depuis 1980. Cet endettement s’expliquerait, entre autres, par le fait que les Canadien-nes ont investi davantage dans les logements suite à la crise des années 1980. Cela a causé une inflation des prix des logements et a participé à augmenter l’endettement envers des firmes étrangères.
  2. Les changements climatiques sont devenus une menace réelle, car ils causent une augmentation des événements météorologiques extrêmes, comme des inondations, qui créent une hausse des dépenses. Au travers du PIB, ces dépenses seraient perçues comme positives, alors que dans les faits, il ne s’agit pas d’un impact positif.
  3. Les investissements du Canada dans le capital (bâtiments et les machines) se concentrent principalement dans deux secteurs : le logement et les infrastructures d’extraction pétrolière et gazière. En 2015, 25 % du capital produit connexe au secteur commercial était investi dans des actifs liés à l’extraction du pétrole et du gaz, par rapport à 9 % en 1980. Ainsi, la hausse du PIB est propulsée par le secteur pétrolier non renouvelable qui n’est pas viable à long terme.

En bref, ce sont des facteurs qui ne peuvent être bien définis par le PIB, mais qui peuvent avoir de réels effets sur la prospérité des Canadien-nes. D’où la nécessité de le raffiner avec des indicateurs tels que le patrimoine global. Cela permet d’éviter de se laisser aveugler par les bons résultats économiques à court terme.

Évidemment, comme pour le PIB, il faut rester prudent quant à l’utilisation d’indicateurs économiques. Aucun d’entre eux ne sera en mesure de capter l’ensemble des effets des activités économiques d’une population. Cependant, il devient pressant de favoriser la mise en place d’une diversité d’indicateurs et de favoriser un raffinement du PIB.

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