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Le 3G$ de surplus est-il soluble dans le temps?

16 novembre 2018

  • Philippe Hurteau

Au début du mois, le ministère des Finances a publié la mise à jour mensuelle de ses résultats budgétaires.  Seulement au mois d’août, Québec a enregistré un solde budgétaire excédentaire de 1 567 M$, portant le surplus pour les cinq premiers mois de l’année à 2 988 M$. Cela a suffi pour mettre le feu aux poudres de la planète politique : Québec nagerait dans les surplus. Chacun y est donc allé de ses demandes : réinvestissement, baisses d’impôts, remboursement de la dette, etc.

Il n’en fallut pas plus pour que le premier ministre s’active à diminuer les attentes en déclarant « [qu’il] faut se demander si c’est vraiment un surplus de 3 milliards » Pour un premier ministre qui s’était engagé, trois jours avant le vote du 1er octobre, à utiliser la moindre parcelle de marge de manœuvre budgétaire pour donner des baisses d’impôts à la population, tant de prudence a de quoi surprendre.

Son ministre des Finances, Éric Girard, est allé dans le même sens en minimisant l’ampleur de des surplus. À son avis, ces surplus n’en seraient pas vraiment, puisqu’ils ne sont, au final, que le résultat des cinq premiers mois d’opération de l’année financière. La prudence serait de mise dans ces conditions, puisque la fin de l’année pourrait cacher un revirement de situation.

Bien sûr, une approche prudente dans la gestion des finances de l’État n’est pas un principe à repousser du revers de la main. Cependant, quand le ministre Girard dit s’inquiéter de l’évanouissement pur et simple de l’excédent de début d’année, s’agit-il là d’une crainte légitime?

Pour répondre à cette question, le graphique ci-dessous présente les résultats mensuels des quatre dernières années afin de voir de quelle manière les tendances de début d’année se poursuivent ou non dans les mois qui suivent.

Graphique 1 : Solde budgétaire du gouvernement du Québec des cinq premiers et des sept derniers mois de l’année, 2014-2015 à 2017-2018, en M$*

Source : Rapport mensuel des opérations financières – 2014-2015 à 2017-2018, Finances Québec.

* L’année financière est divisée en onze mois puisque avril et mai sont jumelés dans le même rapport.

  1. L’étude des résultats mensuels indique que les tendances des cinq premiers mois de l’année se confirment lors des sept derniers (pour un total de onze mois en raison du regroupement des mois d’avril et mai). En 2014-2015, par exemple, le déficit des cinq premiers mois (- 618 M$) s’est poursuivi en fin d’année (- 1 193 M$). En 2015-2016 et pour les années qui suivent, les dynamiques de début d’année se trouvent également reportées pour la fin de l’année, mais cette fois en zone de surplus.
  2. Il n’est pas possible, en nous basant sur les données des quatre dernières années, de confirmer les craintes du ministre des Finances de voir le surplus budgétaire actuel disparaître de lui-même. En 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018, les périodes de fin d’année ont affiché des surplus respectifs de 709 M$, 1 498 M$ et 5 77 M$.

On ne peut prédire maintenant les résultats de fin d’année, mais il serait surprenant que les surplus gouvernementaux fondent d’eux-mêmes. Cette évaporation appréhendée des surplus est encore moins probable considérant que les projections du dernier budget misaient sur une croissance économique de 2,1 %, projections qui risquent fort d’être dépassées par la réalité. Une croissance à 3 %, par exemple, aurait comme conséquence de mousser les revenus de l’État de quelque 700 M$, ce qui améliorerait encore le bilan du gouvernement.

En fait, le principal risque pour les finances publiques ne vient pas de la conjoncture budgétaire « objective » de l’État, mais bien des choix du gouvernement Legault. Rappelons-nous sa promesse de diminuer les taxes scolaires de 700 M$, alors qu’elle fragilisera invariablement le budget du Québec.

Une bonne manière de faire suite aux appels à la prudence du premier ministre et de son ministre des Finances serait de ne pas répéter les erreurs du passé. Depuis le tournant des années 2000, chaque fois que le gouvernement a atteint le déficit zéro, il s’est empressé de diminuer ses propres revenus en accordant des baisses d’impôts mal avisées.

Bernard Landry a appliqué cette politique, tout comme Jean Charest et Philippe Couillard après lui. Chaque fois, les impératifs électoralistes ont pris le pas sur ceux de la gestion prudente des finances. En dilapidant les surplus de l’État, les derniers gouvernements ont affaibli notre capacité collective à bien réagir aux périodes de crises et de ralentissements économiques. C’est ce genre de choix qui a instauré la spirale permanente d’austérité budgétaire, puisque ce sont les compressions budgétaires qui  financent, au final, les cadeaux fiscaux envoyés aux contribuables.

Il ne nous reste qu’à souhaiter que le gouvernement Legault ne suive pas la même voie que ses prédécesseurs. Malheureusement, tout indique qu’à ce jour, ce souhait ne se matérialisera pas.

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