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La vie privée est une marchandise comme une autre

19 novembre 2013

  • FF
    Francis Fortier

L’IRIS publiait dernièrement une brochure qui exposait de quelle manière les avancées technologiques se retrouvent au service de la spéculation boursière. Il n’y a rien de bien surprenant de constater que la technologie est utilisée dans le but de générer encore plus de profit. On dirait que l’autonomisation du traitement de l’information nous ramène à de vieux classiques de la science-fiction. Sauf que cette fois-ci, la réalité a peut-être dépassé la fiction. Aujourd’hui, avec la technologie numérique, le fait d’être branché partout, tout le temps est devenu si commun que l’on parle de 81,6% des ménages au Québec qui sont branchés ou encore de 2 personnes sur 3 qui possèdent un cellulaire. Et, il ne faut pas oublier qu’à cela s’ajoute l’engouement de créer des villes intelligentes comme la ville de Québec. Ça fait tellement partie de nos vies que l’on oublie par moment que la technologie que nous possédons nous facilite la vie, mais a pour raison d’être et d’existence d’être viable économiquement.

Pour comprendre l’impact de la vitesse de traitement de l’information à laquelle nous sommes confrontés, nous n’avons qu’à penser aux différentes pubs qui nous assaillent à chaque fois que l’on consulte nos courriels. Les annonces qui nous sont soumises ne sont pas le fruit du hasard. Il y a une série d’algorithmes qui traitent l’information que l’on met sur le web. En fonction de qui on est, à qui on parle et de quoi on parle, on nous soumet des propositions de produits qui devraient nous intéresser, et par conséquent que l’on devrait consommer. C’est un peu la vie privée des usagères et usagers et que l’on scrute pour adapter l’offre de produits. Imaginez maintenant une compagnie qui aurait accès à des recoupements de nos actions dans le nuage numérique. Il y a eu des tentatives, par des compagnies privées en Angleterre, de s’approprier ce genre d’information sur les individus. Le moyen qu’elles avaient trouvé : mettre des poubelles intelligentes à tous les coins de rue qui analysent les données transmises par les téléphones intelligents.

Nos vies privées deviennent donc des marchandises intéressantes, voire indispensables à l’économie numérique. Et nous ne sommes pas dans la science-fiction. Une compagnie américaine, Acxiom, se spécialise dans la vente de données personnelles, ce que l’on appelle des Data brokers. Ils possèdent des données à propos de plus de 700 millions d’individus dans le monde et ont dégagé des revenus d’environ 1,5 milliard de dollars en 2012. Il est vrai que les compagnies auxquelles nous transmettons nos données personnelles émettent des politiques relatives à la protection de la vie privée (mais est-ce que nous lisons tous les petits caractères du contrat avant de cocher «j’accepte»?). Il y a aussi la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, au niveau fédéral, et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, au niveau provincial, qui nous protègent. Mais le Commissariat à la vie privée du Canada expose les limites des politiques nationales :

«Il est important de savoir que lorsque vos renseignements personnels se trouvent entre les mains d’un tiers fournisseur de services dans un pays étranger, ils sont assujettis aux lois de ce pays, et qu’aucun contrat ne peut permettre d’y déroger. Cela signifie, par exemple, que l’organisation pourrait être obligée de donner suite à une assignation à témoigner ou un autre mécanisme qui permettrait aux responsables de l’application de la loi d’avoir accès à vos renseignements personnels.»

Et avec la mondialisation de l’économie, la vitesse à laquelle circulent les marchandises, dans ce cas-ci les données sur la vie privée, ce n’est pas des plus encourageants. Mais il est possible de suivre les bons conseils du CEO de Google, Éric Schmidt : «Si vous faites quelque chose et que vous ne voulez pas que les gens le sachent, peut-être devriez-vous déjà commencer par ne pas le faire.» Au moins, nous savons à quoi nous en tenir : la vie privée n’existe pas pour ces compagnies, c’est une marchandise comme une autre.

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