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La dette souveraine dans la tourmente

8 octobre 2013

  • PB
    Pierre Beaulne

Dans une récente note, l’IRIS traite de la dette souveraine. Nous assistons présentement à la première grande crise de la nouvelle économie financiarisée et mondialisée, crise consécutive à l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis qui a entraîné l’implosion d’un système financier débridé et mené le monde au bord du gouffre à l’automne 2008. Cette crise dont les pays avancés ne parviennent toujours pas à s’extirper, et qui plombe maintenant l’essor des pays émergents et en développement, ne constitue que le dernier avatar de l’évolution d’un système chaotique qui intensifie le saccage de l’environnement. Celle-ci a provoqué un gonflement des dettes d’un grand nombre d’États, obligés d’éponger les dégâts : déficits alourdis en raison de la chute des recettes fiscales, déboursés accrus pour les protections sociales et les mesures économiques de stimulation, coût du sauvetage des banques et du soutien du crédit, effets de la spéculation, etc.

Selon le Fonds monétaire international (FMI), la dette brute moyenne de l’ensemble des administrations publiques des pays avancés a bondi de 73,7 % du PIB en 2007 à 108,4 % en 2013, tandis que la dette nette, une mesure qui tient compte des actifs financiers, grimpait de 46,3 % du PIB à 78,1 %. (Pour le Canada, moins secoué par la récession, les chiffres correspondants pour 2013 sont de 87 % et de 35,8 % du PIB). Plusieurs pays dont la dette publique n’avait rien d’alarmant auparavant, comme l’Irlande, l’Islande, l’Espagne, Chypre, ont vu celle-ci exploser à cause des crises bancaires.

les États sont plus endettés aujourd’hui, le secteur privé, particulièrement le secteur bancaire, l’est encore bien davantage. Depuis les années 1980, la taille des banques, mesurée par leurs prêts par rapport au PIB, a presque doublé. Mesurée par leur actif par rapport au PIB, leur taille a triplé. Les sources traditionnelles d’approvisionnement des banques, comme les dépôts et le capital de base, ne comptent plus que pour 30 % du total. Le plus gros du financement provient d’autres sources : titrisation de dettes, dépôts étrangers, emprunts à court terme et autre financement sur le marché de gros. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, la situation s’est inversée. À l’époque, les États étaient lourdement endettés, tandis que les prêts bancaires étaient modestes. Aujourd’hui c’est le contraire, même après la récession, ce qui déplace le point focal du risque vers le secteur financier. Mais cet aspect de la réalité est largement ignoré, voire occulté.

Ce qui est plutôt pointé comme menace, c’est la montée du « risque souverain ». Ce qui est exigé par les milieux d’affaires, c’est la mise en œuvre de politiques antisociales qui font supporter aux  classes moyennes et populaires le poids de l’assainissement des finances publiques et du rétablissement de la compétitivité économique. Entre-temps, les réformes bancaires plutôt modestes préconisées dans divers forums internationaux sont demeurées lettre morte ou ont été édulcorées. En fait, le capital financier continue à se répandre impunément dans les paradis fiscaux, à verser des rétributions insensées à ses gestionnaires, à reconstituer les produits financiers toxiques qui ont mené au désastre, à se dilapider en spéculations boursières, rachats d’actions, acquisitions de concurrents, accumulation de réserves, ballotage des capitaux d’une région à l’autre au gré des humeurs des marchés financiers.

Les questions d’endettement public aujourd’hui doivent être réfléchies dans le contexte de la nouvelle économie financiarisée et mondialisée. Certains préceptes pour une saine gestion de la dette existent depuis fort longtemps. Il est judicieux de s’y référer. Mais quand la dette devient excessive, divers recours s’offrent : monétisation, restructuration, rachat des créances à escompte, défaut ou répudiation partielle ou totale. Toutes ces solutions impliquent des coûts et comportent des inconvénients. La question est de savoir qui doit les subir. La doctrine de la dette odieuse présente à cet égard des enseignements intéressants.

La mondialisation néolibérale s’est nourrie de la déréglementation tous azimuts au point d’engendrer l’hypertrophie du phénomène d’endettement. L’alourdissement des dettes publiques ces dernières années est directement tributaire des ratés de cette économie de surendettement. C’est au capital financier et non aux populations victimes de ses excès et dérapages que revient la responsabilité des réparations. Pour y parvenir, diverses possibilités s’offrent, comme taxer les transactions financières, éliminer les paradis fiscaux, ou encore réorganiser le système financier international en commençant par re-réglementer les banques.

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