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L’incertitude

10 juillet 2015

  • Julia Posca

L’inquiétude monte suite à la victoire du « non » lors du référendum qui, dimanche dernier, a permis au peuple grec de se prononcer sur la proposition des créanciers européens. 

Les citoyennes et les citoyens grecs, en osant refuser la discipline austéritaire de la Troïka, plongeraient selon certains l’Europe dans l’incertitude à cause de la possible sortie de la Grèce de la zone euro. Il n’y a pas à dire, on entre en terrain inconnu. Cette crainte affichée par plusieurs a tout de même de quoi surprendre, car l’instabilité est au cœur du régime économique et financier actuel. Il faut se rappeler que la crise de la dette grecque découle de la crise financière de 2008, qui elle est une crise des dettes privées. Elle trouve son origine dans la surabondance de crédits bon marché et les innovations financières (telle que la titrisation) qui l’ont rendue possible. La Grèce, dont l’insuffisance des revenus fiscaux s’explique en bonne partie par les déséquilibres qu’a entraîné son entrée dans la zone euro, s’était durant la même période massivement endettée pour financer son déficit (Éric Pineault résumait cette situation dans une entrevue récemment diffusée sur les ondes du 98,5FM). Cela ne semblait pas poser problème avant que n’éclate la bulle immobilière qui s’était formée au cours de la décennie 2000.

À ce moment, les créanciers de la Grèce, dont des banques françaises et allemandes, ont commencé à craindre qu’elle ne soit en mesure de les rembourser. Cette crainte a alimenté le marché des credit default swap (CDS), une forme d’assurance contre le défaut de paiement. Les agences de notation interprétant cela comme le signe d’une faillite à venir, ont abaissé la note de la Grèce, ce qui a fait augmenter les taux d’intérêt qui lui sont imposés et, par ricochet, le fardeau de son endettement. C’est ce cercle vicieux qui a mené à la situation que l’on connaît aujourd’hui.

Ce serait maintenant la faute des Grecs si l’on ne peut prédire le futur de l’Europe ? L’incertitude marque le capitalisme, qui n’a rien à faire du long terme, mais cela est bénéfique tant que les fondements du régime ne sont pas ébranlés. Les refuser au nom d’un certain encadrement politique de l’économie, donc pour faire place à plus de prévision, devient synonyme de désordre. Le monde à l’envers quoi !

Pendant ce temps, de ce côté-ci de l’Atlantique, le Canada pourrait être en récession si le PIB recule au deuxième trimestre de l’année, ce qu’ont prédit la semaine dernière les économistes de Desjardins, de la Bank of America et de la banque Nomura, et maintenant la Banque TD. La baisse des cours du pétrole serait notamment en cause dans cette débandade de l’économie canadienne, qui profitait depuis quelques années de la vigueur du secteur énergétique albertain.

Un des contrecoups de la morosité albertaine : la baisse des prix de l’immobilier, qui avaient explosé dans la dernière décennie. Si cette chute du prix des maisons, combinée à la faiblesse perçue ou réelle de l’économie, décourage les Canadiens et les Canadiennes de dépenser davantage pour mieux réduire leur niveau d’endettement, cela affecterait précisément la croissance du PIB, qui repose en grande partie sur la consommation des ménages. Le maintien par la Banque du Canada du taux directeur à un niveau très faible (0,75% à ce jour) indique que c’est précisément cette tendance qu’elle cherche à contrer.

Bref, on nage ici aussi dans l’incertitude. Mais tant que la crise n’éclate pas, on fait peu de cas de la non-viabilité du modèle en cause. Ici, la combinaison entre le modèle extractiviste, sensible aux fluctuations des prix des ressources, et la consommation à crédit pourrait rapidement montrer ses limites. Qu’à cela ne tienne ! La perspective d’une récession semble compter bien peu aux yeux de ceux qui tirent profit de la situation, soit, pour ne pas les nommer, les entreprises des secteurs énergétique et bancaire. De toute façon, les vrais risques, les pertes d’emplois, les catastrophes écologiques, la faillite, tout cela, ce sont en dernière instance la population et le gouvernement qui vont en faire les frais. À moins que, comme le peuple grec, l’on ne décide que ce n’est pas toujours aux mêmes de payer le prix de l’incertitude.

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