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Entreprises responsables : faire bien ou faire mieux?

24 octobre 2013

  • Eve-Lyne Couturier

Cet été, le Québec a vécu deux événements importants qui ont chaque fois soulevé la question de la responsabilité sociale des entreprises. D’abord, la tragédie de Lac-Mégantic a mis à jour les stratégies dangereuses mises en place par des compagnies ferroviaires pour économiser de l’argent. Ensuite, il y a eu la découverte de BPC entreposés illégalement à Pointe-Claire et le long silence de l’entreprise fautive à propos de ses activités réalisées dans l’ombre.

Drôle de hasard : le magazine L’Actualité publiait justement cet été un dossier spécial sur les entreprises canadiennes les plus responsables socialement. À partir du palmarès dressé par Sustainanlytics, on nous présentait l’ensemble des entreprises primées, avec une description qui mettait en lumière les critères particuliers qui ont permis à celles-ci de se distinguer des autres. Les entreprises impliquées dans les deux cas cités sont absentes de la liste. Au moins. Reste que plusieurs choix sont discutables.

Dans la catégorie Énergie, on trouve Suncor et Cenovus qui exploitent les sables bitumineux. On retrouve aussi Talisman, qui fait la promotion des gaz de schiste. L’IRIS a récemment montré que les sables bitumineux sont particulièrement polluants et destructeurs pour l’environnement. Notons que Talisman est dans un autre palmarès, celui du top 3 des entreprises qui ont commis le plus d’infractions en Pennsylvanie. À tout cela s’ajoute l’implication de l’entreprise dans plusieurs conflits internationaux

Vient ensuite la catégorie Matériaux. La compagnie IAMGOLD s’y trouve pour son travail de cartographie de la biodiversité censé favoriser la conservation. Pourtant, cette entreprise multinationale a semé la controverse en Équateur où elle s’est acharnée durant huit années contre des populations locales. IAMGOLD voulait y exploiter du pétrole dans une zone où les habitant.e.s souhaitaient plutôt protéger l’écosystème précaire.

Quant à Potashcorp, on les félicite certainement d’avoir « adopté l’approche consultative sur la rémunération, qui permet aux actionnaires d’exiger la tenue d’un vote non contraignant sur la rémunération des dirigeants ». Ainsi, il suffit de demander l’avis de ses actionnaires, sans avoir à le respecter pour être « responsable ». Bien entendu, on remarque aussi leurs efforts à la conservation de l’eau, et leur capacité à dépasser leurs propres projections en diminution de gaz à effet de serre. Toutefois, ça n’empêche pas la compagnie d’essayer d’obtenir les permis nécessaires pour exploiter des zones humides sensibles.

On notera aussi la présence de Loblaws, qui a pourtant mis en lock-out les employé.e.s de plusieurs de leurs entrepôts au Québec (Québec en 2010, Rouyn-Noranda et Témiscaming 2012), une situation qui met une couche d’absurdité sur leur politique d’achat local : dans la région de la Capitale-Nationale, les fraises de l’Île-d’Orléans doivent être expédiées à Montréal avant d’être rapatriées dans les commerces de la ville de Québec et des environs. Notons aussi que malgré la fermeture de l’entrepôt impliqué dans le conflit, l’entreprise torontoise refuse de reconnaître la fin du lock-out afin d’éviter de payer les indemnités de départ à ses anciens employé.e.s. Peut-être donne-t-elle des bourses d’étude et que sa politique d’achat de produits de la mer est intéressante, mais est-ce suffisant pour contrebalancer ses agissements envers sa main-d’œuvre?

Voilà quelques exemples qui laissent songeur quant à la « responsabilité sociale des entreprises ». Il faut comprendre que ce genre de classement s’inscrit dans notre système économique dont la logique première est la recherche de profit.  Ainsi, seules les entreprises cotées en bourse et détenant une « capitalisation boursière notable » sont retenues. Déjà, un biais. Ensuite, on ne s’intéresse pas tant aux pratiques des entreprises elles-mêmes, qu’aux améliorations de celles-ci dans le temps.

Si une compagnie choisit de déverser ses produits polluants dans en aval plutôt qu’en amont d’un village, voilà qui est innovant, et encore mieux si son département de marketing met en valeur cette nouvelle politique révolutionnaire. L’eau est toujours aussi polluée, mais les villageois.e.s se portent mieux. Finalement, plutôt que de souligner des pratiques intéressantes, c’est l’entreprise au complet qui est célébrée. Il est bien entendu important de reconnaître que des efforts sont entrepris pour essayer de conserver l’environnement, pour améliorer l’acceptabilité sociable de projets, pour augmenter la transparence dans la gestion, etc. Mais est-ce que cet « engagement citoyen » à la pièce est suffisant pour créer des « champions » de la « responsabilité sociale »?

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