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Entreprises privées : Des piles d’argent et pas d’investissement

29 janvier 2015

  • Eve-Lyne Couturier

Combien avez-vous dans votre compte de banque présentement? Assez pour tenir une semaine? Un mois? Six mois? Que diriez-vous d’avoir 111 milliards $ en réserve? Pour vous donner un ordre de grandeur, c’est presque le tiers du PIB du Québec. Ou encore, c’est plus de trois fois le budget de l’État au complet, service de la dette compris. C’est aussi le montant d’épargne qui est attribué pour les entreprises au Québec. Oui. D’épargne.

En d’autres mots, ce sont les sommes que les entreprises préfèrent voir dormir dans les coffres de banque plutôt que de les investir dans l’amélioration des conditions de travail de leurs employé·e·s, dans les dividendes qu’elles paient à leurs actionnaires (qui sont souvent des fonds de retraite) ou même directement dans leur entreprise (améliorations technologiques, recherche et développement, etc.). Et au Canada? On parle plutôt de 604 milliards $.

Bien entendu, il est normal que les entreprises gardent une certaine réserve pour pouvoir répondre à leurs besoins financiers même lorsque les temps sont plus durs. Par contre, selon The Economist, un taux d’épargne normal pour les entreprises devrait se situer entre 10 et 20% du PIB de leur pays. La revue met en garde contre la surépargne telle qu’on la pratique en Corée et au Japon où les taux s’approchent plutôt respectivement de 34% et 44% du PIB. Au Canada et au Québec, avec un taux de 32%, la situation est préoccupante.

On pourrait croire que c’est l’effet de la crise, que devant l’incertitude économique, les entreprises réagissent avec prévoyance. Ce serait se méprendre. L’argent s’accumule depuis beaucoup plus longtemps que la récession, à un rythme toujours plus grand. Entre 1999 et 2012, les sommes épargnées par entreprise ont presque doublé. Pendant la même période, leur taux d’endettement a plutôt suivi le chemin contraire.

En fait, depuis 1998, ce sont les entreprises qui œuvrent dans l’exploitation du pétrole ou dans le secteur minier qui expliquent l’augmentation des investissements au Canada. Pour ce qui est des entreprises manufacturières et des autres secteurs non-financiers, les montants injectés dans l’économie diminue par rapport au PIB année après année. Pire encore, on a réduit leur contribution à l’État en disant stimuler par la même occasion les investissements et les emplois, sans succès.

Investissements en proportion du PIB, entreprises incorporées, Canada (1990-2013)

C’est ainsi qu’aujourd’hui, elles paient une part beaucoup plus petite de leur profits à l’État grâce non seulement à des baisses d’impôts, mais également à toute une fiscalité à leur avantage. Malgré de nombreuses promesses, de telles mesures n’ont pas permis d’augmenter leurs investissements. Au contraire, dans un climat économique où les consommatrices et consommateurs sont déjà surendettés et où les salaires de la majorité stagnent, les entreprises ne semblent pas avoir envie de miser sur la stimulation de la consommation. Baisser leurs impôts leur donne donc plus de liquidités qu’elles peuvent ensuite accumuler. En ces temps d’austérité, il suffit de peu d’imagination pour penser à des utilisations plus judicieuses des 111 milliards $ d’épargne dormante attribuée au Québec…

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