Économie 101: l’offre et la demande
30 mars 2021
PIB, externalités, inflation… Le discours économique est rempli de termes qui sont rarement définis. Leur utilisation répétée ne veut pas dire pour autant qu’ils sont maîtrisés. Au contraire, on a parfois l’impression qu’ils sont employés afin d’exclure les non-initiés de débats de société importants. Afin de mieux s’outiller dans de telles situations, l’IRIS propose de définir quelques notions de base en économie. Aujourd’hui, parlons de l’offre et de la demande.
DÉFINITION CLASSIQUE
Un des principes de base les plus connus en économie, c’est l’offre et la demande. Même si vous connaissez peu de choses à l’économie, vous avez sûrement entendu parler de ce concept et vu le graphique qui l’illustre. Il part du principe que l’on peut comprendre le prix des choses en utilisant deux variables: l’offre et la demande. Un bien coûtera cher s’il est rare (faible offre) ou s’il est très populaire (forte demande). Au contraire, si personne n’est intéressé par le bien ou le service (faible demande), ou si le marché en est inondé (offre élevée), on devrait pouvoir se le procurer à petit prix. La théorie veut qu’il existe un point d’équilibre représentant le prix qui permet au producteur de maximiser son profit et à l’utilisateur de se procurer le bien désiré au meilleur prix.
Selon la vision classique du marché, les acteurs libres de leurs choix trouveront par eux-mêmes ce point: le prix parfait qui reflète à la fois le coût de production et la capacité de payer. C’est, en quelque sorte, l’action de la main invisible du marché qui permet aux volontés parfois contradictoires des acteurs économiques rationnels de s’accorder. Selon cette théorie, il faut donc éviter de trop réglementer les marchés, ce qui aurait pour conséquence de créer des distorsions dans le prix des marchandises.
ANGLES MORTS
Si seulement c’était si simple… Le graphique représentant les courbes de l’offre et de la demande n’est pas conforme à la réalité: il simplifie à outrance des dynamiques qui influencent les échanges sur un marché en mettant l’accent uniquement sur deux facteurs. De plus, il se base sur des prémisses fausses, soit celle de la rationalité économique parfaite motivant les choix et du suprême intérêt du profit. Bien entendu, le prix joue un rôle dans nos choix économiques. Toutefois, il est loin d’être le seul ou le plus important facteur dans toutes nos décisions. Des considérations environnementales, politiques ou émotionnelles, notamment, peuvent entrer en ligne de compte.
Ajoutons à cela que personne ne peut prétendre comme le suppose à l’origine le concept d’équilibre de l’offre et de la demande détenir une information parfaite à propos d’un marché. Simplement prendre le temps de comparer tous les modèles de brosse à dents, leur spécificité, leurs conditions de production, la culture de l’entreprise, etc. prendrait un temps fou (et il y aurait sûrement 12 nouveaux modèles à comparer une fois le premier tour terminé). C’est un poids qu’un individu ne peut porter. Les grandes entreprises sont mieux équipées pour y faire face, ce qui crée un déséquilibre important entre les deux parties de l’équation, ainsi que pour les plus petits producteurs.
L’offre sera aussi influencée par les pratiques prédatrices de certaines entreprises. Il n’est pas rare de voir des multinationales acquérir de plus petits joueurs, soit pour les intégrer, soit pour les empêcher de nuire. Dans d’autres cas, des compagnies avec des reins financiers plus solides accepteront de vendre à perte pendant un temps pour forcer à la faillite des compétiteurs, puis profiter de l’absence de concurrence pour augmenter les prix par la suite.
ET SI ON UTILISAIT PLUTÔT…
En fait, on peut bien continuer d’utiliser l’offre et la demande pour comprendre certains phénomènes économiques. Il ne s’agit pas d’un principe erroné sur toute la ligne: on cherche effectivement généralement à faire le meilleur usage des ressources dont on dispose, que l’on soit producteur ou acheteur. Toutefois, force est d’admettre qu’on ne peut pas non plus se limiter à ce principe: il n’y a pas que l’argent qui compte dans nos vies. Les comportements humains sont basés sur une certaine rationalité, mais qui n’est pas purement économique. Différentes personnes feront différents choix avec les mêmes informations.
Il est également important de rappeler que le modèle de base de l’offre et de la demande, avec ses courbes lisses et parfaites, n’existe que dans un monde idéal où la compétition est parfaite, tous les acteurs sont égaux et l’accès à l’information est parfait. Cet univers fantasmé n’a jamais existé, et nous sommes loin de nous en approcher. Et ce n’est pas en déréglementant le marché qu’on y arrivera, bien au contraire.