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Comment le Canada a sauvé ses banques… et à quel prix

9 juillet 2012

  • Louis Gaudreau

Depuis le déclenchement de la crise mondiale de la fin des années 2000, le gouvernement fédéral ne tarit pas d’éloges à l’endroit du système financier canadien dont la solidité aurait permis aux banques de traverser cette période difficile sans le support de l’État.

Cette affirmation ne pourrait être plus fausse. Comme on peut le lire dans une étude récemment publiée par le Centre canadien de politiques alternatives, les grandes banques canadiennes ont, entre 2008 et 2010, puisé des dizaines de milliards de dollars (114 pour être plus précis) dans différents programmes publics destinés à leur venir en aide. Parmi ceux-ci, le Programme d’achat de prêts hypothécaires assurés (PAPHA) a joui d’une popularité toute particulière. Contrairement aux autres qui permettaient aux institutions financières d’avoir accès à du crédit des banques centrales américaine et canadienne, celui-ci leur offrait des injections directes de liquidités. En plus d’aider le secteur bancaire à maintenir ses larges marges de profit, le PAPHA a également entretenu une forte croissance immobilière qui, comme nous le soulignions dans notre récente mise à jour sur la question du logement, comporte d’importants risques autant pour l’économie que les ménages canadiens.

Bien qu’il ait coûté très cher au Trésor public, le PAPHA est l’une des mesures les moins connues du Plan d’action économique du Canada lancé par le gouvernement fédéral en 2008 pour stimuler l’activité économique ralentie par la crise. Ce programme, dont la mise en œuvre a été confiée à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), a permis à cette dernière d’acheter aux banques des titres hypothécaires. Ceux-ci sont constitués au terme d’une opération appelée « titrisation » par laquelle une institution financière regroupe ses prêts hypothécaires pour ensuite les revendre à d’autres investisseurs sous la forme de titres financiers. La technique  de la titirisation a fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières années en raison du rôle de premier plan qu’elle a joué dans l’effondrement du marché américain des prêts subprime. Elle permet essentiellement à une institution financière de vendre un engagement hypothécaire à long terme, c’est-à-dire de réaliser immédiatement des revenus qui auraient normalement pris plus de temps à voir le jour, dans le but d’investir les sommes ainsi dégagées dans l’octroi de nouveaux prêts. Ces nouvelles créances peuvent à leur tour être « titrisées », puis vendues, alimentant une fois de plus l’investissement dans le marché hypothécaire. Bref, la titrisation fournit aux banques de nouvelles liquidités à réaffecter dans l’expansion de leurs activités de crédit.

En prenant appui sur la technique de la titrisation, le PAPHA a ainsi permis d’injecter 69 milliards de dollars d’argent neuf dans le système bancaire canadien, ce qui lui a entre autres donné les moyens de prêter davantage, notamment dans le secteur de l’immobilier, qui a d’ailleurs maintenu, au cours de cette période, un niveau d’activité nettement supérieur au reste de l’économie. Cette aide publique très lucrative pour les banques a donc également profité au marché résidentiel dont l’essor est aujourd’hui devenu une source importante d’instabilité pour l’économie canadienne. Non seulement la frénésie immobilière des dernières années a-t-elle entraîné une hausse généralisée du coût de l’habitation, le rendant de cette manière moins accessible aux personnes à faible revenu, mais elle a également été rendue possible par une croissance de l’endettement des ménages. Cet endettement, qui augmente d’autant plus que le prix des maisons s’accroît, s’élève aujourd’hui à 152% du revenu disponible des ménages canadiens.

En faisant de l’endettement des personnes qui désirent accéder à la propriété la pierre angulaire de son programme d’aide aux banques, le gouvernement fédéral s’est lui-même exposé à d’importants risques, puisque les créances titrisées pour les fins du PAPHA étaient toutes garanties par la SCHL en vertu de son programme d’assurance-prêt hypothécaire. Cela signifie que si l’actuelle surchauffe immobilière menait à un effondrement du marché résidentiel, la SCHL et, en définitive, le gouvernement fédéral pourraient avoir à éponger les pertes des banques relatives à ces prêts hypothécaires titrisés.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la vigueur tant vantée du système financier canadien a un prix dont il est, en fin de compte, le seul à ne pas porter les risques potentiels.

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