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Données sur l’emploi aux États-Unis

19 octobre 2011

  • MJ
    Mario Jodoin

Après avoir tenté de nuancer l’interprétation des données sur l’emploi publiés mensuellement au Canada, je récidive, cette fois avec celles sur l’emploi aux États-Unis.

À tous les mois, c’est la même chose : les analystes font systématiquement des liens directs entre le nombre d’emplois qui s’est ajouté ou soustrait aux États-Unis et les variations du taux de chômage qui en découleraient. Par exemple, on pouvait lire dans l’article de Radio-Canada sur le sujet vendredi le 7 octobre :

« Il s’est créé plus d’emplois que prévu en septembre aux États-Unis. Au net, 103 000 personnes ont repris le chemin du travail. (…) Malgré cette progression des embauches, le taux de chômage ne baisse pas. Il se maintient à 9,1 %, pour un troisième mois d’affilée. »

Deux enquêtes

S’il est normal qu’il y ait un lien entre la création d’emplois et le taux de chômage, rarement mentionne-t-on dans ces articles que, contrairement à la provenance des données canadiennes, les données des États-Unis sur la création d’emplois et celles sur le taux de chômage viennent de deux enquêtes différentes!

En effet, les données sur la création d’emplois viennent de la Current Employment Survey (CES) et celles sur le taux de chômage de la Current Population Survey (CPS). La première enquête est menée auprès des entreprises. Elle estime le nombre d’emplois salariés, excluant le secteur de l’agriculture et le travail autonome. Ses résultats sont révisés, parfois de façon importante, au cours des deux mois qui suivent sa première diffusion. Son équivalent canadien est l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) que Statistique Canada préfère diffuser deux mois plus tard pour éviter les révisions.

La CPS est, elle, l’équivalent de l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada. Elle porte sur l’emploi des membres âgés de 16 ans et plus des ménages (l’EPA porte sur ceux âgés de 15 ans et plus). Elle couvre donc tous les emplois, y compris ceux de l’agriculture et du travail autonome.

Deux enquêtes, deux résultats

Ces deux enquêtes ont bien sûr des marges d’erreur. La marge d’erreur à 90 % de la CES est de 100 000 emplois (la probabilité est de 90 % que le nombre publié soit à 100 000 emplois ou moins du «vrai» nombre d’emplois, et est de 10 % que cet écart soit plus grand) et celle de la CPS est de 400 000 emplois. Compte tenu de la différence de couverture et de ces marges d’erreur, il n’est pas rare que les résultats de ces deux enquêtes soient passablement différents.

Par exemple, les résultats des deux derniers mois de la CES nous montrent des augmentations d’emploi de 57 000 en août (0 avant révision) et de 103 000 en septembre, tandis que ceux de la CPS indiquent des augmentations de 331 000 en août et de 398 000 en septembre, une différence totale de 569 000 emplois entre les résultats de ces deux enquêtes pour ces deux mois!

En fait, si le taux de chômage n’a pas baissé au cours des deux derniers mois, ce n’est pas parce que l’emploi n’a pas suffisamment augmenté, mais parce que la population active a augmenté encore plus (de 789 000 par rapport à une augmentation de l’emploi de 729 000) et que le nombre de chômeurs a aussi augmenté de 60 000! D’ailleurs, selon les données de la CPS, si le taux de chômage est demeuré à 9,1 %, le taux d’emploi est passé de 58,1 % à 58,3 %. Ce n’est pas gros comme augmentation, mais c’est loin d’être négligeable.

Alors qui a raison, la CPS ou la CES? En fait, on n’en sait rien! Comme dans le billet précédent, je conclus en répétant que « C’est la tendance qu’il faut analyser, pas les données d’un mois précis! ». Et la tendance demeure bien morose…

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