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Coupe du monde : business as usual

15 juin 2018

  • Julia Posca

La Coupe du monde de soccer masculin s’ouvre aujourd’hui en Russie. L’événement, qui offre pendant un mois des joutes sportives de haut niveau, est attendu religieusement par les amateurs des quatre coins de la planète. En 2014, c’est pas moins d’un milliard de personnes qui ont regardé la finale Argentine-Allemagne. La beauté de cette compétition, qui explique l’engouement des supporters, ne diminue en rien son caractère souvent déraisonnable, tant sur les plans économique que politique.

Il est cocasse que l’événement se déroule cette année en Russie, alors que vient de se clore à La Malbaie une rencontre du G7 qui excluait justement le pays dirigé par Vladimir Poutine. Les autres membres du G8 avaient décidé en 2014 d’expulser la fédération russe après qu’elle ait annexé la Crimée, une région qui faisait jusque là partie de l’Ukraine. Depuis, la collaboration avec le régime de Bachar el-Assad dans la guerre civile syrienne, les soupçons d’ingérence dans l’élection américaine et l’empoisonnement d’un ancien agent du renseignement russe et de sa fille en Angleterre sont autant d’incidents qui n’ont pas aidé à réchauffer les relations entre la Russie et les autres puissances occidentales.

La Coupe du monde fait dans ce contexte office de démonstration de force pour la Russie, mais l’événement ne se déroulera pas sans qu’elle soit pointée du doigt pour de nombreuses offenses, parmi lesquelles des accusations de malversations pour obtenir la compétition, les comportements racistes et homophobes de certains amateurs de foot russes, de même que le dopage possible de ses joueurs. Les commanditaires ont d’ailleurs été refroidis par ces circonstances et sont cette année moins au rendez-vous qu’à l’habitude.

L’univers du sport n’est ainsi jamais complètement déconnecté des enjeux de nature géopolitique. La sélection argentine a par exemple refusé de participer à un match amical de préparation qui devait se tenir à Jérusalem contre l’équipe d’Israël, alors que la région est une fois de plus le théâtre de tensions suite à la décision des États-Unis de déplacer leur ambassade dans la capitale disputée.

Il n’est pas rare, cela dit, que ces événements sportifs se placent au-dessus des considérations éthiques ou diplomatiques, leur préférant la politique du business as usual. C’est d’ailleurs il y a exactement quarante ans qu’avait lieu la Coupe du monde en Argentine. À l’époque, le pays latino-américain était dirigé par une junte militaire qui était arrivée au pouvoir deux ans auparavant grâce à un coup d’État, et qu’on soupçonnait déjà d’être responsable de la disparition et de l’assassinat de milliers d’opposants et de militants politiques. Malgré des dénonciations venant notamment des Pays-Bas et de la France, le Mundial a eu lieu et c’est le dictateur Jorge Rafael Videla qui a remis la Coupe à l’équipe argentine, vainqueur du tournoi. Les annonceurs comme Coca-Cola ont pu quant à eux tirer leur épingle du jeu, à une époque où commençaient à être mises en place des stratégies publicitaires utilisant les joueurs.

À ce propos, il va sans dire que dans ce type d’événement, c’est surtout le public qui prend les risques et le privé qui ramasse les bénéfices. Cette édition de la Coupe du monde devrait coûter à la Russie 13 milliards de dollars, dont 60% ont été assumés par le gouvernement fédéral, 14% par des gouvernements locaux, et le reste par des entreprises privées, selon Le Devoir.

Le Canada, avec les États-Unis et le Mexique, entrera bientôt dans le bal en devenant l’hôte de la Coupe du monde de 2026. La candidature conjointe nord-américaine a notamment été retenue étant donné les moyens financiers dont dispose le trio et les importantes retombées que les trois pays ont promis de générer pour la FIFA, responsable de l’événement.

La FIFA est, rappelons-le, entachée par une affaire de corruption qui a éclaté au grand jour en 2015 et qui se serait étalée sur plus de vingt ans. Pas étonnant que l’événement qu’elle organise aux quatre ans soit si peu exemplaire.

Sur ce, que le meilleur gagne !

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