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Confondre innovation et éducation

27 janvier 2016

  • Philippe Hurteau

Hier, Robert Gagné et son équipe du Centre sur la productivité et la prospérité y sont allés de la 7e édition de leur bilan sur la productivité au Québec. Comme chaque année, le même verdict fatal tombe: le Québec n’est pas assez productif.

M. Gagné propose des solutions pour rattraper ce «retard» de productivité. Il faudrait donc, à la base, le croire sur parole quand il affirme que nous trainons de la patte. Or, voici le portrait :

Notre productivité économique a bel et bien progressé. Depuis 30 ans, on parle d’une augmentation de plus de 30 %. Le problème, que ne soulève pas M. Gagné, c’est que ces gains ne se sont pas traduits en augmentation salariale pour le commun des mortels. Le mythe qu’il faille travailler plus pour gagner plus ne fonctionne tout simplement pas. En fait, les salarié.e.s québécois doivent vivre avec un déficit salarial de 6000 $ par année simplement parce que les gains de productivité ne se traduisent pas en salaire.

Aussi, rappelons que la fable voulant que le Québec accuse un retard de productivité économique est faux. Mon collègue Mathieu Dufour a démontré à plusieurs reprises que le Québec a en fait connu une croissance de sa productivité plus forte qu’ailleurs au Canada.

L’éducation obligatoire jusqu’à 18 ans

Dans le rapport de M. Gagné, il est proposé d’étendre l’école obligatoire de 4 à 18 ans. Le seul moyen d’y échapper plus tôt serait d’obtenir un DEP et ainsi pouvoir quitter les bancs d’école. Bien entendu, travailler à étendre la scolarisation n’est pas pour déplaire à l’IRIS. Cependant, la proposition de M. Gagné et son équipe souffre de quelques lacunes.

D’abord, il n’est jamais indiqué comment financer une telle mesure. Pire, on trouvera dans le même rapport la recommandation de couper en culture et de baisser les contributions fiscales des entreprises par l’élimination du FSS, une taxe sur la masse salariale destinée au financement de la santé. Déjà qu’un bon nombre d’entreprises ne paie pas d’impôt, éliminer le FSS reviendrait à les soustraire de leur obligation de participer au financement de services dont elles profitent. Donc, il semble qu’il faille étendre la scolarisation obligatoire au même moment que l’on coupera dans les sources de revenu devant financer notre système de santé. Au nom de l’innovation et de la productivité, il faut financer l’éducation à tout prix. Quitte à couper partout ailleurs!

Plus important, la proposition de M. Gagné fait peu de cas de la réalité du phénomène du décrochage scolaire. Parmi les décrocheurs, nombreux sont à décrocher dès 12, 13 ou 14 ans. Le tout malgré le fait que l’éducation soit déjà obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Le premier pas pour améliorer nos efforts de scolarisation devrait donc être une lutte contre les déterminants sociaux qui poussent certains à quitter l’école dès l’adolescence.

Une politique qui favorise l’innovation et la prospérité ne peut pas juste s’arrêter à vouloir produire plus simplement pour produire plus, comme si c’était une fin en soi. M. Gagné reproche aux gouvernements des dernières décennies de ne pas avoir eu de vision globale et cohérente en investissement et innovation. Là-dessus, on peut lui donner, il n’a pas tort. Il faut effectivement déterminer vers quoi nous dirigeons nos politiques d’innovation. Si M. Gagné – et le gouvernement du Québec – veulent réellement innover, ils devraient s’attaquer aux principaux enjeux de notre époque : l’augmentation des inégalités et les changements climatiques. Déjà, en finançant des projets qui créent des emplois durables et de qualité et qui tendent vers une transition écologique, on serait bien partis. Parce que oui, l’innovation c’est bien. La prospérité c’est bien. Mais ce sont là deux objectifs qui ne se suffisent pas à eux-mêmes. Il faut savoir pourquoi on veut innover.

Là-dessus, le rapport de M. Gagné reste silencieux.

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