Ce que le journalisme canadien rapporte à Facebook
18 mars 2022
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Mark Zuckerberg devrait dire merci aux journalistes canadien·ne·s. Et deux fois plutôt qu’une, car non seulement ils et elles lui permettent de faire des dizaines de millions de dollars par année, mais sans leurs reportages, Facebook serait plate en titi.
Avant de juger du contenu, estimons d’abord ce que peuvent valoir, pour Meta Platforms Inc., les contenus journalistiques produits au pays.
Meta a généré près de 4 G$ de revenus au Canada en 2021
Meta est l’une des rares multinationales dont les rapports financiers nous permettent de connaître ses résultats au Canada. Selon son plus récent rapport annuel, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 3,16 milliards de dollars américains au Canada en 2021, ce qui se traduit par 3,96 milliards de dollars canadiens, selon le taux de change annuel de la Banque du Canada.
Quelle proportion de cette somme a été réalisée grâce aux contenus journalistiques ? Impossible de le savoir précisément. J’ai cependant développé une méthodologie pour l’estimer. Elle consiste à mesurer la proportion de contenu produit par des médias d’information dans un grand échantillon de publications (« posts ») sur des pages Facebook administrées au Canada. Je sais que les pages ne sont pas le seul type de contenu dans Meta. Ma méthodologie a donc ses limites, mais elle demeure la seule qu’il soit possible de tenter avec le peu de données auxquelles Meta nous permet d’accéder.
Je m’en étais déjà servi pour les 30 mois de janvier 2018 à juin 2020, puis pour l’année 2020. J’ai répété l’exercice pour 2021, mais avec un échantillon de plus de 15 millions de « posts », ce qui est huit fois plus important que l’année précédente. Le tableau 1 montre la part du contenu journalistique dans ce qui a été produit par des pages canadiennes en 2021.
Si les médias journalistiques ont produit 11 % du contenu publié sur Facebook sur des pages administrées au Canada, ils n’ont suscité qu’un peu moins de 5 % des interactions totales. En utilisant cette proportion, je calcule que Meta aurait ainsi gagné 193 millions de dollars canadiens en 2021 grâce aux contenus journalistiques canadiens. C’est moins que les 210 millions de dollars canadiens que j’avais estimés pour 2020.
Il faut noter que, au cours de l’année 2021, les contenus journalistiques ont progressivement suscité moins d’interactions sur Facebook, comme le montre le graphique 1. Cela pourrait résulter de la volonté récente de Meta de réduire le contenu politique dans le fil d’actualité de ses utilisateurs et utilisatrices au Canada. En effet, Meta assimile souvent, dans ses communications, le contenu journalistique à du contenu politique.
Que reste-t-il dans Facebook si on en retranche l’information ?
On se souviendra qu’en février 2021, quand l’Australie a adopté une loi pour forcer Google et Facebook à partager leurs revenus, le réseau social avait coupé l’information journalistique pour ses utilisateurs et utilisatrices australien·ne·s pendant près d’une semaine.
Je me suis demandé ce qui se passerait si Meta faisait la même chose au Canada et dans trois autres pays de la Francophonie en 2020. J’ai répété l’expérience avec mon corpus de 15 millions de « posts » en 2021.
Si on se concentre uniquement sur les contenus francophones et qu’on retranche les pages produites par des médias journalistiques, il ne reste presque que les contenus viraux et de divertissement de même que les publications des chrétien·ne·s évangéliques et des politicien·ne·s sans filtre, comme on peut le voir au tableau 2.
On peut conclure de cette analyse que Meta a besoin des contenus journalistiques, car sans ces derniers, la qualité de ce qui circule sur sa plateforme Facebook pâtirait. Le professeur en communications Tristan Mattelart a à cet égard bien démontré comment le réseau social s’est historiquement affairé « à courtiser les médias » dans le but de faire « croître le nombre de ses usagers et les recettes publicitaires afférentes ». C’est en ce sens qu’il est dans l’intérêt de Meta que le journalisme soit mieux financé et diffusé au pays.
Il faut admettre que Meta contribue au journalisme d’ici. Par le biais de son Facebook News Innovation Test, l’entreprise prévoit verser 8 millions de dollars à des médias canadiens entre 2021 et 2023. Elle génère aussi beaucoup d’achalandage sur les sites web des médias d’information. Mais cet achalandage seul ne suffit plus aux médias pour financer leurs opérations par la publicité. Plusieurs se tournent vers les abonnements ou la philanthropie... qui ne suffisent pas non plus. Il devient donc urgent que le gouvernement de Justin Trudeau dépose le projet de loi qu’il promet depuis l’automne 2020 et qui forcerait les géants du numérique à partager leurs formidables revenus avec des entreprises de presse afin de financer la production d’information d’intérêt public.
Jean-Hugues Roy est professeur à l’École des médias de l’UQAM où il enseigne notamment le journalisme de données. Il s’intéresse à l’impact des technologies sur le journalisme, ce qui inclut l’effet des plateformes et leurs impacts économiques.
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Ça serait bien de donner à César ce qui lui revient!
Le concept du droit d’auteur devrait s’appliquer tel quel à quiconque produit des données sur internet.
Le RGPD européen est trop petit!