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Burger King et Tim Hortons : est-ce que le Canada a gagné à la loterie de l’exode fiscale?

29 août 2014

  • FF
    Francis Fortier

Dans un précédent billet, nous avons expliqué pourquoi le Canada était une juridiction intéressante sur le plan fiscal pour y déménager son siège social. Nous y exposions que le Canada participait à la fois à faciliter les planifications fiscales agressives pour les multinationales et offrait par le fait même une ouverture alléchante de ses frontières pour l’exode fiscal que connait actuellement les États-Unis.

Au-delà des considérations d’une planification fiscale agressive de la part de 3G Capital et de Burger King, nous pourrions tout de même nous réjouir du déménagement et des retombées anticipées pour le Canada. L’ampleur de ces retombées est encore inconnue, et présentement à l’étude par le gouvernement conservateur.  Il est impossible de nier qu’il y aura quelques emplois de créés pour faire rouler le siège social, mais cela risque d’être assez marginal

Nous pouvons aussi souligner un nouvel apport en impôt pour le Canada. Mais ce serait un peu comme si l’on apprenait que quelqu’un qui a gagné 50 000$ au casino qu’on que l’on se disait : «WOW, il le mérite bien, après tous les efforts investis pour gagner!». On oublie que cette personne a investi sa maison, sa voiture, deux hypothèques et sa bague de mariage… C’est malheureusement ce que le Canada et ses provinces font et continuent de faire. Le Canada a diminué ses taux d’imposition de 38% à 15% afin d’attirer et de garder les entreprises sur son territoire, ou encore pour dégager du capital pour l’investissement. Les taux canadiens sont près de 20% plus bas que la moyenne internationale. Ces baisses ont généralement été justifiées par la nécessité de demeurer compétitif sur le plan fiscal au niveau international.

On a donc un gouvernement qui d’un côté, accepte de baisser fortement les impôts aux entreprises dans l’ardente espérance qu’il en attirera de nouvelles, se privant alors de revenus importants. De l’autre côté, ce même gouvernement coupe dans les services sociaux et hausse les tarifs sous prétexte qu’en période d’austérité, il faut bien se serrer la ceinture et que chacun.e doit faire sa part. Je suis sûr que beaucoup d’exemples vous viennent à l’esprit…

La question qu’il faut donc se poser est la suivante : est-ce que ces «sacrifices» en valent la chandelle? L’arrivée du siège social de la nouvelle entité Burger King/Tim Hortons/3G Capital à Oakville en Ontario ne couvrira pas le manque à gagner engendré par les baisses massives d’impôt décrétées depuis 40 ans et ce, même s’il nous était possible d’additionner les revenus fiscaux encourus par toutes les entreprises qui sont venues s’installer ou qui ne sont pas parties. En conséquence, il nous semble paradoxal de sauter au plafond à cause de ces nouveaux revenus, alors que les stratégies de réduction de revenus des gouvernements qui ont engendré une privation de plusieurs milliards de dollars.

Le plus inquiétant se trouve probablement dans les actions à venir de la part des différents gouvernements. Présentement, le problème de l’exode fiscal ou de l’inversement fiscal semble être compris et appréhendé uniquement comme un problème de taux d’imposition trop élevé.

Partout dans le monde, les entreprises ont accès à des taux d’imposition historiquement bas. Les États-Unis, dans une logique de compétitivité, d’austérité et de réduction des dépenses, tendront-ils vers une accélération des baisses d’impôt des entreprises? C’est ce qui semble se dessiner au Congrès américain alors que républicains et démocrates se mobilisent en ce sens, ne s’entendant cependant pas sur l’ampleur de la baisse. Alors que ce ne sont pas les taux d’imposition des entreprises qui sont au centre de l’exode fiscal, appliquer une telle solution ne serait qu’un cadeau aux entreprises, qu’ils  le demandent plus par habitude que comme nécessité fiscale. Les États-Unis pourraient donc entrer encore une fois dans une surenchère des baisses d’impôt et hypothéquer leurs revenus et les services en se disant : «J’le sens, c’te machine-à-sous là est due pour gagner…»

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