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Budget fédéral : Pourquoi pas l’approche BC ?

27 février 2018

  • Guillaume Hébert

Demain, le ministre des Finances du Canada Bill Morneau déposera son troisième budget. Les attentes sont basses. Pourtant, à la suite du dépôt de son premier budget, l’espoir était immense. Le deuxième budget en 2017 a tôt fait de montrer à quel point l’audace progressiste du gouvernement Trudeau est cantonnée dans une sphère, celle des relations publiques. Pourtant, il est possible de passer de la parole aux actes. La preuve : le budget adopté mardi dernier en Colombie-Britannique.

La brise de Victoria

C’est une nouvelle digne d’intérêt. En Colombie-Britannique, le gouvernement néo-démocrate et son allié, le Parti vert, ont adopté un budget nettement progressiste. On croyait que le modèle était discontinué. Peut-être finalement est-ce une voie d’avenir ?

Le gouvernement pose d’abord les jalons d’une taxation foncière progressive en imposant une taxe sur la spéculation que devront payer les propriétaires qui ne paient pas leurs impôts en Colombie-Britannique. Combinée à deux autres taxes qui visent les propriétés qui valent plus de 3 millions de dollars et les acheteurs étrangers, ces mesures rapporteront un demi-milliard de dollars.

Toujours pour répondre aux besoins criants en matière d’habitation, le nouveau budget annonce aussi la construction de 34 000 unités abordables, une dépense de 1,3 G$. Le gouvernement met également 450 M$ à la disposition des établissements d’études post-secondaires pour financer des projets d’habitations étudiantes.

La mesure phare est la mise en place d’un programme de garderies publiques. C’est une politique de grande envergure puisqu’à l’exception du réseau des CPE au Québec, ça n’existe pas au Canada et les parents doivent payer de fortes sommes pour faire garder leurs enfants. Le programme coûtera un milliard et donnera accès à des garderies publiques à 86 000 familles. Le gouvernement néo-démocrate n’a toutefois pas honoré sa promesse d’offrir des places à 10 $.

La taxe sur la masse salariale des entreprises a été rehaussée pour les grandes entreprises et éliminée pour les PME. Une surtaxe est imposée sur les véhicule de luxe qui valent plus de 125 000 $

Est-ce dire que la Colombie-Britannique s’est lancée dans une orgie de dépenses ? Non, puisque le niveau des dépenses publiques de cette province demeurera d’ici 2020 en-dessous du niveau moyen qui a prévalu sous le gouvernement précédent depuis 2000.

La neutralité de Morneau

Pendant ce temps, à Ottawa, le gouvernement fédéral est au neutre.

Dès le premier budget Morneau, malgré les envolées discursives du nouveau gouvernement, ma collègue Eve-Lyne avait relevé que les annonces se résumaient souvent à des promesses de « consultations ». Cette façon de faire revenait une quarantaine de fois dans la documentation budgétaire. La manœuvre semble donc avoir fonctionné puisque les résultats obtenus par le gouvernement Trudeau sont à mille lieues de l’audace qu’affichaient les Libéraux lorsqu’ils ont remporté la dernière élection.

Le budget faisait aussi plusieurs annonces à « long terme ». Par exemple, les organisations qui réclament du logement social ont dénoncé que parmi des grandes annonces du gouvernement Trudeau dans ce domaine, 70 % des dépenses promises seront réalisées seulement dans un éventuel deuxième mandat.

Plus largement, la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC), dont les activités demeurent marquées par une grande opacité, ne s’est guère activée. Le deuxième budget Morneau avait d’ailleurs échoué à répondre aux inquiétudes relativement à une subordination des infrastructures canadiennes à l’intérêt des bailleurs de fonds privés.

L’un des rares dossiers sur lequel le gouvernement Trudeau a agi, celui des réformes fiscales visant à mettre fin à certains privilèges indus, s’est largement décomposé avant qu’elles ne soient adoptées. Elles ne rapporteront au final que 250 M$ au trésor (sur un budget de 329 G$), dont près de la moitié a été immédiatement offerte aux PME sous forme de baisses d’impôts.

De façon plus significative encore, plutôt que de combattre l’évasion fiscale, le gouvernement Trudeau et en particulier sa ministre du Patrimoine canadien Mélanie Joly sont en voie de passer à l’histoire pour l’aplaventrisme dont ils font preuve vis-à-vis des multinationales du commerce électronique et de l’information qui se constituent en véritables « monopoles transnationaux » et méprisent les lois fiscales des États.

Le budget alternatif est tout écrit

Le caractère progressiste d’un projet politique n’a pas à se limiter à son vernis. La solidarité humaine peut réellement caractériser l’essence d’un budget. Et c’est ce que fait le « Budget fédéral alternatif » rédigé année après année par le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA).

Le gouvernement fédéral pourrait appliquer ce budget et ce faisant prendrait pour une fois le parti de la majorité plutôt que celui des élites libérales ou conservatrices. Le CCPA calcule que les mesures contenues dans la présente édition du Budget fédéral alternatif permettrait de tirer rapidement 600 000 personnes de la pauvreté, de rendre effective une authentique transition économique ainsi que de rompre avec la logique coloniale imposée aux peuples autochtones et la discrimination subie par les femmes sur le marché du travail.

Cette avenue budgétaire rendrait également la fiscalité plus progressive et par conséquent permettrait aux familles d’accroître leur revenu disponible et l’accès aux programmes sociaux. La stimulation de l’activité économique créerait ou permettrait de maintenir 600 000 emplois et hausserait les recettes de l’État de 10 G$.

Pour connaître tous les détails du Budget fédéral alternatif, c’est ici.

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