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Budget 2013-2014 – Un budget de continuité?

20 novembre 2012


La grosse nouvelle du budget 2013-2014 est que le Québec sortira du déficit. Mais à quel prix? Ce billet vise à présenter les coupures auxquelles se livre le gouvernement pour atteindre son objectif budgétaire. Nous verrons aussi en quoi le gouvernement poursuit le travail du gouvernement précédent et les mesures qui nous semblent les plus intéressantes d’un point de vue socio-économique.

Réduction du déficit et de la dette

Le gouvernement cherchait à réduire un déficit d’environ 1,5 G$. Comment y parvient-il? D’abord, il se propose de réduire l’augmentation des dépenses de programme à 1,8% en moyenne, ce qui lui permet d’économiser 1 G$ de dollars. Par exemple, il réduit le budget du ministère des Transports de 10 M$, alors que ce ministère aurait besoin, au contraire d’un réinvestissement important pour améliorer son expertise interne et ainsi éviter de faire une plus grande place à la sous-traitance des travaux publics. Cependant, il ne révèle qu’une partie de son jeu car 100 M$ (36% des réductions de dépenses) sont mentionnées comme devant être obtenues à travers les « entités consolidées du gouvernement », sans préciser lesquelles ni comment. Mentionnons qu’une des entités du gouvernement est la Société d’habitation du Québec (SHQ) où des coupures poseraient d’importants problèmes du côté du logement social, surtout quand on prend en considération les changements présentement en cours à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

Le 500 M$ supplémentaire est obtenu en grande partie grâce à des « gestes d’efficience ». Parmi ceux-ci, le plus important est une demande d’économie de 225 M$ à Hydro-Québec qui se concrétisera en une coupure par attrition de 2 000 emplois dès 2013. Dans un contexte où le gouvernement peine à réduire le taux de chômage et où des pertes d’emplois importantes ont été enregistrées dans d’autres secteurs, cette décision paraît mal avisée, en particulier quand elle vise une entreprise publique qui rapporte des sommes importantes au gouvernement.

Cet intérêt marqué pour le déficit est accompagné d’une volonté claire de réduire la dette, à l’instar du gouvernement précédent. Contrairement à ce qu’il avait promis en campagne électorale, le Parti québécois choisit de ne pas décaisser l’argent mis au Fonds des générations. De plus, il décide de financer ce dernier davantage : les redevances minières, pétrolières et gazières, ainsi qu’une nouvelle taxe sur l’alcool iront rembourser la dette tout comme l’indexation du prix de l’électricité du bloc patrimonial.

Le Plan Nord se poursuit

Aucune modification n’a été annoncée quant au régime de redevances minières, malgré des attentes importantes à l’effet d’une transition vers un système basé sur la valeur, beaucoup plus avantageux pour le contribuable. On dit vouloir réaliser une consultation avec l’industrie et d’autres acteurs concernés avant de proposer une réforme, qui, aux dires du ministre Marceau, sera annoncée dans les prochains mois. Il faudra donc s’armer de patience avant de voir à quoi ressemblera ce nouveau régime, qui vise un secteur dans lequel le gouvernement a, historiquement, beaucoup sacrifié en matière de droits miniers.

Par ailleurs, le gouvernement prévoit verser la totalité des redevances minières au Fonds des générations à partir de 2015-2016. En 2011, les redevances versées se chiffraient à 365 M$. En plus du fait que ce montant n’aura pas un impact substantiel sur la réduction de la dette (qui se chiffre en dizaines de milliards de dollars), le gouvernement confond le rôle primaire des redevances prélevées sur des ressources non renouvelables. Il faut rappeler que, contrairement aux autres catégories de revenus fiscaux, les redevances sont censées compenser la collectivité à deux niveaux : d’abord pour la cession, à des intérêts privés, de ressources dont l’État est propriétaire; ensuite pour l’exploitation et surtout l’épuisement d’une ressource non renouvelable qui ne sera pas disponible aux générations futures une fois extraite. Plutôt que de les utiliser pour éponger la dette publique, les redevances pourraient donc plutôt être attribuées à un fonds de diversification économique dans les régions ressources qui pourraient être affectées à long terme par les cycles économiques ou l’épuisement des ressources.

Quant à la transformation locale des ressources minières extraites, malgré des mesures incitatives au plan économique par l’entremise du Capital Mines Hydrocarbures et du nouveau congé fiscal pour les investissements (C21), aucune mesure juridique contraignante n’est annoncée en ce sens. Par ces nouvelles structures, le gouvernement souhaite aider à la relance du secteur manufacturier minier et à la génération subséquente accrue d’emplois et de valeur ajoutée. Toutefois, on peut douter que ces seuls mécanismes soient suffisants pour garantir que les retombées économiques attendues se matérialisent. Il est difficile de croire que ces mesures non contraignantes permettront de garantir la transformation locale de la vaste quantité de minerai que renferme le sous-sol québécois, surtout sachant que les plus grands projets sur le territoire nordique (notamment d’extraction de fer) prévoient plusieurs infrastructures de transport et l’expédition par bateau du minerai à l’état brut.

Vive l’économie du savoir!

Tout comme le gouvernement précédent, le gouvernement actuel défend que la croissance de l’économie doit passer par le renforcement de l’économie du savoir. Cette vision est particulièrement claire dans le développement de partenariats privé-public dans le secteur pharmaceutique.

« Une enveloppe de 125 millions de dollars sera mise en place afin de financer des projets de partenariat de recherche avec les entreprises pharmaceutiques, et ce, dans les principaux créneaux pour lesquels le Québec présente des forces.

L’objectif est de soutenir quelques organismes ciblés de renommée mondiale, notamment des centres de recherche universitaires et hospitaliers spécialisés, en mesure d’attirer au Québec des investissements considérables.

Cette initiative, complémentaire aux mesures existantes, permettra le financement de projets de grande envergure, en partenariat avec l’industrie pharmaceutique. »

L’IRIS a fait la démonstration à de nombreux endroits des écueils potentiels de cette stratégie de développement, en particulier pour l’autonomie et l’avenir des universités.

Quelques bonnes idées

On note, cela dit, des mesures qui aideront la situation socio-économique du Québec.

L’augmentation du nombre de places en garderie permettra non seulement de donner du temps libre à nombre de ménages, mais aussi de dégager des revenus pour éviter de s’endetter davantage alors que le niveau de dette des ménages est préoccupant.

La création d’un fonds de 200 M$ pour la relance du secteur manufacturier à travers l’électrification des transports et le développement d’énergie vertes est également une bonne initiative, étant donné l’urgence de réduire la consommation d’énergies fossiles. Toutefois, le montant prévu n’est pas suffisant en regard des besoins à venir dans ce domaine dans le futur. On n’a qu’à penser aux dizaines de collectivités dont les débouchés seront réduits après la fin du présent boom minier. De plus, il semblerait que l’argent provienne de 80 M$ du Plan Action Changements Climatiques (PACC) 2006-2012 et 120 M$ du PACC 2013-2020: ce qui voudrait dire qu’aucune nouvelle enveloppe budgétaire ne serait consacrée à l’électrification des transports.

Le gouvernement choisit aussi d’aller chercher davantage d’argent dans les coffres des institutions financières. Comme ces institutions font d’importants profits, ce n’est pas une mauvaise idée de leur demander des contributions plus importantes. Cependant, il est intéressant de noter que ce montant ne permet pas de combler les réductions d’impôt qui leur ont été attribuées dans les dernières années.

Enfin, des changements sont prévus au Plan Québécois des infrastructures et au cadre de gestion des projets d’infrastructures afin d’assurer un meilleur contrôle des dépenses en infrastructures publiques et d’éviter les dépassements de coûts comme dans le cas du prolongement de la route 167. On a également annoncé la possibilité pour le gouvernement de négocier afin de soutirer davantage de revenus d’un projet d’exploitation et d’infrastructure minière que le gouvernement soutient financièrement. Par exemple, il sera possible pour l’État de négocier une option de participation dans un projet minier ou bien d’imposer une tarification aux entrepreneurs pour l’utilisation d’infrastructures (routières par exemple) financées en partie par des fonds gouvernementaux.

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