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Conflit israélo-palestinien: quelles conséquences sur le soutien philanthropique à l’État d’Israël?

18 mai 2024

Lecture

5min

  • Maxim Fortin

La crise des otages et l’offensive militaire israélienne dans la bande de Gaza ont replacé au cœur du débat public le conflit israélo-palestinien et exacerbé les tensions qui l’alimentent. Le chaos et la mort qu’ont causés les actions du Hamas servent désormais de prétextes pour infliger une punition collective à la population palestinienne, détruire les infrastructures de ce que pourrait être un futur État palestinien et poursuivre l’annexion de territoires. 

La politique de guerre quasi totale du gouvernement et de l’Armée israélienne a toutefois amené une vague de critiques et de dénonciations qui ont effrité le soutien politique et diplomatique de certains pays envers l’État hébreu. Le Canada a tout récemment fait savoir qu’il songe à modifier sa position sur la reconnaissance de l’État palestinien dans la mesure où « le gouvernement Nétanyahou est en train de bloquer de façon inacceptable tout parcours vers une solution à deux États ».

Est-ce possible que le conflit actuel entraîne d’autres conséquences pour l’État israélien? Sachant que ce dernier a historiquement bénéficié d’un important soutien philanthropique, jetons un regard sur les conséquences que ce conflit pourrait avoir sur le soutien philanthropique à la cause sioniste et à l’État d’Israël.  

La philanthropie a été fort généreuse envers l’État israélien depuis sa création. Dès 1948, le nouvel État reçoit 150 millions de dollars américains de la diaspora juive américaine, un montant quatre fois supérieur au montant total des dons amassés par la Croix rouge cette année-là. Il est estimé qu’au tournant des années 1940, l’État juif avait reçu plus d’un demi-milliard en soutien philanthropique, situation qui amène certains à affirmer que « sans cette aide, il est possible d’affirmer qu’Israël n’existerait pas aujourd’hui ». Tout au long des décennies suivantes, les dons ont continué d’affluer. Israël reçoit en moyenne 2,5 milliards de dollars de la diaspora juive américaine chaque année. Plusieurs riches philanthropes soutiennent activement la cause sioniste, voire l’effort de guerre de l’État hébreu. C’est notamment le cas du gestionnaire de capital de risque Paul E. Singer, contributeur régulier des Friends of Israel Defense Force, une association de soutien aux soldats des Forces de défense d’Israël. 

Bien que la tournure autoritaire et conservatrice du gouvernement de Benjamin Nétanyahou déplaise à un nombre croissant de juives et de juifs nord-américains politiquement libéraux ou progressistes, le soutien philanthropique à l’égard d’Israël est demeuré fort durant les dernières années et a même connu un essor depuis la crise des otages. En effet, l’indignation face aux actions du Hamas a « stimulé un niveau historique de philanthropie juive ».

Sylvan Adams, promoteur immobilier canado-israélien, incarne cette tendance. Le 3 décembre 2023, Adams verse 100 millions de dollars à l’Université Ben-Gourion. L’allocution qu’il prononce alors démontre à quel point ce don s’inscrit dans une visée nationaliste et belliciste : « Après le massacre de civils israéliens par le Hamas le 7 octobre, il est essentiel que nous renforcions le sud d’Israël pour que les Israéliens se sentent en sécurité et puissent rebâtir leur vie dans le Néguev. Le premier ministre d’Israël, David Ben Gourion, avait une vision : il comprenait que le Néguev représente le cœur battant d’Israël, la prospérité et l’avenir du pays. Nous disons à nos ennemis et au monde entier que nous sommes ici pour de bon ».

Ce don ne sort pas de nulle part. Depuis son arrivée en Israël en 2016, Sylvan Adams tente de redorer le blason et la réputation de l’État israélien sur la scène internationale. Propriétaire de l’équipe de cyclisme professionnel Israël-Premier Tech (IPT), il utilise notamment le sport à cet effet. C’est d’ailleurs sous la bannière et avec le maillot d’Israël-Premier Tech qu’un premier québécois, Hugo Houle, a pu remporter une étape du Tour de France en 2022. Notons que ce type de « diplomatie sportive » est pratiqué par d’autres tels que l’Arabie Saoudite. 

Cet essor du soutien philanthropique à l’égard d’Israël ne doit pas nous amener à présumer qu’il existe une unanimité ou un consensus au sein de la communauté juive sur cette question ou même au sein des milieux philanthropiques. Des tensions importantes apparaissent au contraire dans les cercles philanthropiques de la communauté juive. Pour l’instant, ces tensions sont causées par le virage autoritaire et ultraconservateur du gouvernement Nétanyahou, par ses projets de réformes judiciaires déstabilisant l’équilibre des pouvoirs dans une société de droit démocratique. Le philanthrope canadien Charles Bronfman incarne cette autre tendance, critique du gouvernement Nétanyahou. Dans une lettre ouverte publiée avant le conflit de cet automne, un groupe de riches donateurs dont il fait partie exhortait le gouvernement israélien à reconsidérer ses projets de réforme et à entrer en dialogue avec la société civile. 

Bref, le soutien philanthropique à l’égard d’Israël demeure important bien que le gouvernement Nétanyahou soit contesté par une partie de la diaspora juive, une grande partie de la société civile israélienne et désormais condamné par plusieurs institutions internationales l’accusant de crimes de guerre. Bien avant le conflit déclenché cet automne, il avait déjà été démontré que des organisations sionistes canadiennes utilisaient la philanthropie pour des projets bénéficiant à l’Armée israélienne. Il serait donc prudent de surveiller et de garder un œil sur les prochaines initiatives philanthropiques dont bénéficiera l’État israélien dans les années à venir.

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1 comment

  1. Si on se fie aux médias et aux historiens, Israël commet des crimes, de guerre, meurtres et autres exactions, depuis 77 ans en commençant avec le non respect de la résolution 48 de l’ONU.
    Comment quelqu’un peut-il songer un instant à fournir un soutien philanthropique à une bande criminelle?