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Le budget Morneau manque (encore) d’ambition

6 mars 2018

  • Bertrand Schepper

Les libéraux se montrent parfaitement incapables de traiter efficacement des enjeux fondamentaux de notre époque. Les conservateurs fiscaux font beaucoup de tapage depuis le dépôt du budget Morneau, mardi dernier. La véritable aberration, c’est qu’on attaque le gouvernement fédéral sur le déficit, alors qu’il est dérisoire. La preuve : la taille du déficit est tellement petite que la dette fédérale ne cesse de diminuer lorsqu’on la compare au produit intérieur brut (PIB) !

Un chiffre utilisé seul – par exemple, le déficit de 18,1 milliards de dollars du budget 2018-2019 du gouvernement fédéral – peut faire peur à certains. Mais il est futile, voire malhonnête, de jauger l’importance d’un chiffre comme le déficit d’un gouvernement sans le comparer à l’activité économique. Pour ce faire, on utilise le ratio déficit/PIB.

Or, le déficit du gouvernement fédéral est de seulement 0,8 % du PIB.

Ainsi, ce déficit est tellement faible qu’il permettra la réduction de la taille de la dette fédérale par rapport au PIB. Puisque l’objectif est de stabiliser et de diminuer cette proportion dans l’économie, l’État perçoit davantage de revenus pour éventuellement payer sa dette lorsque son activité économique est grande. D’ailleurs, les mesures financées par le déficit, comme les congés parentaux pour l’ensemble des Canadiens, auront un effet plus important sur l’économie à long terme que les coûts engendrés.

C’est pourquoi l’on peut prévoir réalistement que la dette fédérale passera, comme prévu, sous la barre des 30 % du PIB en 2019-2020 ; soit une baisse de 1,2 point de pourcentage par rapport à 2016-2017. Ce ratio est de loin le plus faible de l’ensemble des pays du G7, tel que calculé par le Fonds monétaire international (FMI).

Les libéraux dépensent-ils trop ?

Bien sûr que non. Présentement, l’ensemble des dépenses de programmes du Canada en 2017-2018 représentera 14,2 % du PIB. En 2022-2023, ce ratio est estimé à 13,6 %. À titre indicatif, en 1982-1983, il se situait à près de 21 % et en 1966-1967, soit avant l’arrivée des baby-boomers dans les finances publiques, ce pourcentage était de 14,3 %.

De manière similaire, les revenus de l’État canadien sont estimés en 2017-2018 à 14,5 % du PIB, alors que ces revenus se chiffraient à 18,2 % en 1982-1983 et à 15,4 % en 1966-1967.

En bref, le gouvernement dépense moins et perçoit moins d’argent que lors de l’arrivée des baby-boomers dans l’économie. Il dépense même moins qu’avant la mise en place de programme comme le soutien financier à l’assurance maladie, les régimes de pensions du Canada ou le Supplément de revenu garanti, alors qu’il ne les finançait pas en 1966 et qu’il les finance aujourd’hui. C’est une démonstration éloquente de la baisse du rôle de l’État dans l’économie. Il semble donc absurde de penser que ses dépenses sont incontrôlées.

Un gouvernement qui s’empêche de faire mieux

Les mesures sociales timides mises en place par le gouvernement, comme les congés parentaux, ne devraient pas nous faire perdre de vue que les libéraux pourraient utiliser davantage la marge de manœuvre dont ils bénéficient. Au contraire, ils se montrent parfaitement incapables de traiter efficacement des enjeux fondamentaux de notre époque, tels que la montée des inégalités, la pauvreté ou les changements climatiques.

Le gouvernement aurait pu investir massivement dans la création et la rénovation d’infrastructures ayant d’importants effets sur l’économie en profitant de faibles taux d’intérêt. Or, il a préféré créer la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC), un organisme dont on sait peu de choses, outre qu’il favorisera le partenariat public-privé (PPP) dans le financement d’infrastructures. Comme tous les PPP, cela reviendra, à terme, plus coûteux pour les contribuables.

À la suite de l’important recul de Bill Morneau sur la réforme de la justice fiscale, la bataille contre les paradis fiscaux et la taxe Netflix, on en vient à se demander si le gouvernement ne cherche pas à se priver de marge de manœuvre pour investir dans des mesures structurantes qui auront un impact aujourd’hui et pour les générations à venir.

Bref, si le gouvernement a fait des erreurs budgétaires en période de reprise économique, c’est surtout en évitant de récupérer des revenus et en se refusant de faire des dépenses en infrastructures qui lui permettraient de faire face aux enjeux à venir.

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