Le déficit écologique du Québec
11 Décembre 2013
Le Québec a tendance à se considérer plus vert que bien des pays dans le monde. Principalement basée sur le développement de l’hydro-électricité et des comparaisons avec des États plus pollueurs tels que l’Alberta et les États-Unis, cette perception n’est pas tout à fait juste.
Émissions annuelles de CO2 par habitant·e en 2010 (t CO2)
Comme le graphique le démontre, le Québec est largement au-dessus de la moyenne mondiale quant à l’émission de CO2. Il produit 11 millions de tonnes de gaz carbonique de trop chaque année et le déficit ne semble pas en voie de se résorber. C’est ce que révèle le budget carbone présenté par Renaud Gignac chercheur associé à l’IRIS dans une note socio-économique auquel j’ai contribué et qui est disponible ici. Cet indicateur démontre aussi que les efforts prévus par le gouvernement sont présentement largement insuffisants pour stabiliser le réchauffement climatique à 2°C, seuil recommandé par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) mandaté par l’ONU pour étudier le climat.
Le budget carbone mesure la quantité totale de CO2 qui peut être émise dans l’air sans causer un réchauffement climatique de plus de 2°C. Une telle hausse de température provoquerait selon les experts une rupture de l’équilibre naturel. Cela aurait pour conséquence de provoquer nombre de désastres dans le monde (ouragans, hausse du niveau des mers, disparition de certains États, désertification, etc.). Outre, les conséquences humaines et écologiques, les effets du réchauffement climatique de plus de 2°C sont chiffrés à plus de 1 billion (million de millions) de dollars par année. Plus les interventions face aux changements climatiques sont reportées à plus tard, plus les coûts anticipés risquent d’augmenter tel que démontré ici et ici (p. 712). Au Québec, bien que les effets soient moindres, on verrait se multiplier les feux de forêt, les inondations et autres dégâts naturels.
Le budget carbone du Québec est calculé à partir des analyses du GIEC. Il en résulte que d’ici la fin du siècle, le Québec ne peut émettre plus de 2 100 mégatonnes de CO2 (Mt CO2) dans l’atmosphère. Considérant qu’il faudra une période d’adaptation, cela veut dire que le Québec devra émettre autour de 50 Mt CO2 annuellement. Or, pour le moment, le Québec produit par année près de 62 Mt CO2.
Comparaison des trajectoires d’émissions globales (4,8 °C) actuelle et viable (1,8 °C) 2000–2010 (Gt CO2)
Puisque la situation actuelle mondiale tend vers une hausse de la température de 4,8 °C, il est clair que la lutte au réchauffement climatique doit dépasser le stade des bonnes intentions et se diriger vers des actions concrètes. C’est ce qui motive l’ajout d’un indicateur comme le budget carbone afin que le Québec participe à l’amélioration de la situation. Bien que la classe politique semble se soucier uniquement des répercussions sur les finances publiques des investissements sur le territoire, il semble sain d’établir des objectifs qui correspondent à la réalité physique du climat. Qu’on le veuille ou non, il y a une quantité limitée de carbone qui peut être émise dans l’atmosphère. En ce moment, le Québec la dépasse et continuera de le faire si des moyens efficaces ne sont pas mis en place.