Les suggestions de l’IRIS pour les Fêtes
15 Décembre 2025
Lecture
7min
Elles sont de retour, nos traditionnelles suggestions de lecture et d’écoute pour le temps des Fêtes! Non exhaustive, vous trouverez néanmoins dans cette liste des ouvrages et des œuvres qui nous ont marqués cette année et qui ont accompagné notre travail de réflexion critique sur l’économie et la société.
Des livres
Difficile de ne pas recommander l’essai Séparés mais égaux (Lux Éditeur, 2025) du sociologue Christophe Allaire Sévigny sur l’école à trois vitesses alors que l’IRIS a publié trois études sur ce sujet incontournable (en 2017, 2022 et 2024). Or, ce n’est pas simplement pour cette raison qu’il se retrouve dans cette liste, mais bien pour la force de la démonstration qu’il contient. Allaire Sévigny expose avec clarté et concision les ravages de la ségrégation scolaire sur les enfants, surtout ceux qui sont exclus des programmes particuliers, mais aussi sur l’ensemble des élèves qui se trouvent privés des avantages de la diversité que l’école publique devait incarner. L’auteur montre bien combien le Québec s’est éloigné de l’idéal démocratique qui était au cœur de la vision éducative que proposaient les artisans de la Révolution tranquille dans le rapport Parent. Si la société québécoise est de plus en plus inégalitaire, c’est notamment parce que l’élite politique a abandonné cet idéal et, par le fait même, l’école publique.
Une partie importante du travail de l’IRIS consiste à participer aux débats publics par des interventions dans les médias et par un travail de vulgarisation et de diffusion de ses recherches dans la sphère publique. Avec Intrigues: petit manuel pour une critique des relations publiques (Lux Éditeur, 2025), Simon Tremblay-Pepin, un des chercheurs de l’IRIS, pose un regard critique sur ce champ d’activité qui consiste à tenter d’influencer l’opinion publique par l’entremise de stratégies de communication pas toujours recommandables. Ayant lui-même pratiqué jadis le métier de relationniste, il nous offre une réflexion « de l’intérieur » et se questionne sur la possibilité d’utiliser les outils développés par les relations publiques dans une perspective progressiste.
Dix ans après Le sujet du féminisme est-il blanc ?, qui remettait en question le « nous » du mouvement féministe afin de mettre de l’avant le travail et l’expérience vécue des femmes racialisées et remédier à leur invisibilisation, Naïma Hamrouni et Chantal Maillé réunissent à nouveau 25 autrices racialisées et leurs alliées pour réfléchir l’avenir de la solidarité féministe au Québec. Les autrices de ce deuxième tome paru aux Éditions du remue-ménage combinent rétrospective sur le mouvement féministe de la province ainsi qu’analyses décoloniales et antiracistes, tout en proposant différentes visions d’une véritable coalition féministe qui refuse de sacrifier l’une ou l’autre pour atteindre sa libération.
L’IRIS s’intéresse depuis toujours aux enjeux de classe et de pouvoir. Dans Les nouveaux oligarques : comment les milliardaires américains imposent leur vision au monde (Les Arènes, 2025), Thomas Snégaroff et Philippe Corbé se penchent sur la montée en puissance d’une poignée d’entrepreneurs richissimes et bien décidés à utiliser leur argent pour faire avancer leurs intérêts économiques et politiques. Alliés de Donald Trump depuis sa réélection en 2024, ces hommes jouent désormais le rôle d’idéologues et de bailleurs de fonds des mouvements conservateurs, réactionnaires et même d’extrême droite. Les auteurs font un parallèle historique entre cette situation, l’ère des « barons-voleurs » au 19e siècle et le coup d’État oligarchique d’Athènes en 404 avant l’ère chrétienne. L’ouvrage présente également le profil et la trajectoire de Peter Thiel, Elon Musk, Mark Zuckerberg et Jeff Bezos, les principaux oligarques s’étant ralliés à Trump, tandis qu’une attention spéciale est accordée à la toute fin à J.D. Vance.
Comme beaucoup l’ont remarqué, le ralliement récent de ces « nouveaux oligarques » à Donald Trump contribue à une montée de l’extrême droite aux États-Unis et fait craindre le pire pour la démocratie américaine. Mais dans la mesure où l’essor électoral de l’extrême droite a commencé il y a plus de trente ans en Europe, le maître de conférences à l’Université de Lille Ugo Palheta nous propose de revenir sur le contexte et les conditions ayant pavé la voie à cette extrême droite. Extrême droite : la résistible ascension (Éditions Amsterdam, 2024) se veut un ouvrage collectif reposant sur différentes contributions d’intellectuel·le·s des sciences sociales dont plusieurs sont associés à l’Institut La Boétie. Ce livre s’intéresse aux « causes profondes » et opte pour une analyse sociohistorique centrée sur les rapports de classe, le racisme et l’idéologie. Différents types de données sont mobilisés, notamment celles en provenance des études électorales.
L’aspect passablement déconcertant des bouleversements actuels nous amène à nous poser la question: « mais comment en sommes-nous arrivés là? ». C’est en partie à cette question que tente de répondre l’auteur Simon-Pierre Beaudet dans Hubris : une histoire des années 10 (Moult éditions, 2025). Avec humour et sens critique, l’auteur revient sur cette décennie marquée par l’orgueil, la démesure, la polarisation, la répression et la contestation. Le style descriptif et pince-sans-rire nous replonge dans les détails des pires et meilleurs moments de la décennie. Ce livre est une forme d’étude de caractère de la décennie 2010, de réflexion sur ses « humeurs », de retour sur les protagonistes qui lui ont apporté une couleur. Contrairement à ce que son titre pourrait laisser présager, cet ouvrage n’est nullement un manuel d’histoire générale. C’est un commentaire sur la situation politique, sociale, économique et culturelle des sociétés occidentales, notamment, et sur la société québécoise.
La Canadienne Naomi Klein est l’une des principales intellectuelles de la gauche mondiale depuis la fin des années 1990. Elle a été une figure de proue du mouvement altermondialiste avec des ouvrages phares sur le fonctionnement des corporations (No Logo), le capitalisme (La stratégie du choc) et les changements climatiques (Tout peut changer; La maison brûle), entre autres. Dans son dernier ouvrage, Le Double : voyage dans le monde miroir (Actes Sud, 2024), Naomi Klein prend son lectorat complètement par surprise. Elle met tous ses dossiers de recherche habituels de côté et plonge de manière obsessionnelle dans le parcours de son « double » (ou doppelganger en anglais), la conspirationniste étasunienne Naomi Wolf avec qui de nombreuses personnes la confondent de plus en plus au fil du temps. Cette exploration permet à Naomi Klein de partager une réflexion aussi passionnante qu’angoissante sur une nébuleuse d’extrême droite qui pourrait être elle-même le « double » de la gauche qui se fait supplanter par cette dernière.
Des balados
Le saviez-vous? En 1975 avait lieu l’Année internationale de la femme. À 50 ans de l’événement, la journaliste Ariane Labrèche propose Sœurs de lutte (Ohdio), un balado produit par Alexandra Viau. On se transporte à une époque pas si lointaine où les femmes n’avaient pas les mêmes droits que les hommes, mais où grâce à leurs mobilisations, elles ont réussi à transformer en profondeur la société québécoise. Les témoignages de celles qui comme Monique Simard, Nicole Brossard ou Nicole O’Bomsawin se sont battues pour faire valoir leurs droits ou ont pris la parole en faveur de l’égalité, nous rappellent l’importance de défendre les acquis sociaux menacés aujourd’hui par la montée en force du conservatisme.
Dans des épisodes fouillés et bien racontés, le balado canadien Cited réfléchit aux interactions complexes entre science et société. Une saison consacrée aux sciences économiques aborde notamment l’histoire de l’invention du PIB, les limites de cet indicateur et les idées pour le remplacer. Elle se penche aussi sur l’évolution des politiques économiques aux États-Unis, dont l’influence se fait sentir ici. La plus récente saison, sortie cet automne et intitulée « Green Dreams », est consacrée à l’histoire de la pensée environnementale. En montrant comment certains penseurs se sont servis de l’écologie pour justifier des idées racistes ou élitistes, elle nous rappelle la nécessité d’adopter une perspective intersectionnelle et explicitement anticapitaliste.
Et un peu d’autopromotion!
L’année 2025 a été marquée par le 25e anniversaire de la fondation de l’IRIS. Notre campagne de financement nous a permis de récolter de précieuses sommes pour poursuivre notre travail. Nous avons d’ailleurs plusieurs projets dans nos cartons : produire davantage d’études sur les politiques industrielles et la transition écologique, réaliser plus de courtes vidéos de vulgarisation, collaborer davantage avec le milieu académique, etc. Si vous avez fait un don ou êtes devenu·e membre récemment, du fond du cœur, nous vous remercions ! Et si vous n’avez pas encore contribué à notre campagne, mais que vous souhaitez le faire, ce serait nous faire le plus beau cadeau de Noël!