La privatisation du système de santé s’accompagne d’un risque accru de mortalité
20 novembre 2025
Montréal, 20 novembre 2025 – Alors que des médecins menacent de quitter le système public en réaction au projet de loi 2 (PL2), une nouvelle étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), en collaboration avec le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA), montre qu’il existe un lien clair entre la présence du privé en santé et des taux de mortalité plus élevés.
« Les données confirment que non seulement le privé n’améliore pas l’accès aux soins, comme l’ont déjà démontré de nombreuses études, mais qu’il nuit carrément à la santé des populations. On peut s’inquiéter dans ce contexte de voir plusieurs médecins indiquer qu’ils et elles vont aller pratiquer dans le secteur privé », soutient Anne Plourde, chercheuse de l’IRIS et autrice de l’étude.
Parmi les 25 pays membres de l’OCDE étudiés, ceux laissant une plus grande place au secteur privé à but lucratif dans le domaine de la santé obtiennent de moins bons résultats pour 7 indicateurs de mortalité. Ce constat s’applique tant pour le financement privé que pour la prestation privée des services de santé.
Les pays comptant une plus grande proportion d’hôpitaux privés à but lucratif, comme l’Allemagne, l’Autriche et les États-Unis, ont en moyenne une espérance de vie plus faible et des taux plus élevés de mortalité évitable, de mortalité maternelle et de mortalité suite à un infarctus ou un AVC. Il en va de même pour la plupart des indicateurs de mortalité dans les pays accordant une place importante aux assurances privées et aux frais chargés aux patient·e·s dans le financement des services de santé, comme le Canada, le Portugal et la Grèce. Les pays combinant un financement privé élevé et une forte présence du privé dans la prestation des services sont ceux qui obtiennent en moyenne les pires résultats en matière d’espérance de vie et de mortalité.
« Lorsque les gens ont de la difficulté à se faire soigner parce qu’ils sont incapables de se payer une assurance privée, ou lorsqu’on confie la prestation des services à des hôpitaux privés qui priorisent le profit plutôt que la qualité, il faut s’attendre à ce que ça ait des conséquences sur l’espérance de vie et la mortalité », soutient la chercheuse.
Des études ont également démontré que la recherche de profit nuit à la qualité des services de santé offerts dans le secteur privé, en partie parce que les entreprises privées investissent une moins grande part de leurs revenus dans les services directs aux patient·e·s.
Résultats médiocres au Canada
« Le Canada, qui obtient déjà des résultats plutôt médiocres en matière d’espérance de vie et de mortalité, a des leçons à tirer de ces chiffres et devrait contrer de manière plus agressive toute forme de privatisation des services ».
Malgré des dépenses totales de santé plus élevées que la moyenne, le Canada fait pire que la moyenne pour cinq des sept indicateurs de mortalité analysés. En ce qui concerne la mortalité maternelle, il se démarque négativement avec un taux presque deux fois plus élevé que la moyenne, et avec un taux 50 % plus élevé pour ce qui est de la mortalité infantile.
« Bien que le Canada ne compte pratiquement aucun hôpitaux privés à but lucratif, il laisse une place importante aux assurances privées et aux frais chargés directement aux patient·e·s pour ce qui est de l’accès aux médicaments, aux soins en santé mentale, aux soins de longue durée ou à la physiothérapie », explique la chercheuse.
Projet de loi 2 : le gouvernement et la FMOQ se trompent de cible
« Le problème avec le projet de loi 2, c’est qu’il ne fait rien pour remettre en question la place du privé en santé et qu’il ne va pas assez loin dans sa réforme du mode de rémunération des médecins. Le gouvernement continue de confier aux GMF une place prépondérante en première ligne, alors que ce sont pour la plupart des cliniques privées à but lucratif. Il ne remet pas non plus en question le statut des médecins qui sont des entrepreneurs privés payés par l’État », déplore Anne Plourde.
Si le gouvernement du Québec reconnaît les problèmes importants provoqués par le recours aux agences privées de placement de personnel et par l’exode des médecins vers le secteur privé, au point où il a décidé de légiférer pour limiter ces pratiques, il défend fortement une place accrue pour le secteur privé pour de nombreux services de santé : chirurgies, télémédecine, soutien à domicile, etc.