Dépenses en éducation: les subterfuges du ministre Drainville
3 juillet 2025
Alors que les écoles étaient en train de boucler l’année scolaire et que les enseignant·e·s étaient à dire au revoir à leurs élèves, le gouvernement du Québec leur a envoyé une lettre annonçant qu’il n’y aurait aucun espace pour des déficits dans les budgets des établissements d’éducation pour l’année 2025-2026. Les parents, travailleurs et travailleuses ainsi que directions d’école crient à l’austérité, alors que le ministre Drainville répète sur toutes les tribunes que l’on ne fait que demander aux écoles de respecter le généreux 5 % d’augmentation attribué à l’éducation dans le dernier budget. Qui dit vrai? Décortiquons les chiffres qui circulent sur la véritable augmentation des dépenses en éducation.
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4,4 % – Il s’agit de la hausse requise pour couvrir les coûts du système selon l’IRIS. Quand on parle de l’augmentation des dépenses publiques, on les compare généralement au taux d’inflation ou alors à la croissance économique. On veut alors savoir si les hausses suivent le coût de la vie, et donc si elles suivent notre « capacité de payer ». Or, ces deux indicateurs ne disent rien sur les services publics eux-mêmes. Si tout coûte plus cher, tout ne coûte pas plus cher de la même manière. Par exemple, dans la dernière année, les vêtements ont diminué de prix, alors que le coût du logement a connu une forte hausse. L’inflation est un calcul qui mesure les variations de prix dans différentes catégories, pondérées selon les dépenses de consommation des ménages canadiens. Or, le «panier de consommation» en éducation, en santé ou dans les autres services publics ne correspond pas à celui d’un ménage. C’est pour cela que l’on distingue les « coûts de système » de l’inflation et que les hausses souhaitables pour maintenir les services varient selon les secteurs. Pour 2025-2026, en considérant les hausses de salaires, la hausse des besoins et l’inflation générale, l’IRIS estime qu’il faudrait augmenter les budgets en éducation de 4,4 % en comparaison avec les dépenses de l’année précédentes.
5 % – Il s’agirait de la hausse des dépenses en éducation, selon le gouvernement caquiste. Ce chiffre s’obtient en comparant simplement le budget de cette année avec celui de l’année dernière. En effet, lorsque le gouvernement a fait son budget pour 2024-2025, il estimait que ses dépenses seraient de 22,4 G$. Il projetait ensuite que ces dépenses atteindraient 23,5 G$ l’année suivante (cette année). Une augmentation de 1,1 G$ correspond à une hausse de 5 % du budget. Si c’était vrai, ça couvrirait les 4,4 % nécessaire selon l’IRIS. Est-ce que la CAQ aurait pris au sérieux les chiffres de l’IRIS?
2,2 % – Il s’agit de la hausse prévue en éducation dans le budget 2025-2026 du gouvernement . Lorsque l’on examine les crédits et dépenses des portefeuilles, au bas du tableau présentant les dépenses consolidées en éducation, une ligne indique que la « variation des dépenses du portefeuille par rapport à celles prévues en 2024-2025 » est de seulement 2,2 %. Comment explique-t-on que le gouvernement prévoyait, en mars 2025, une hausse de moins de la moitié (2,2 %) de ce qui est claironné (5,0 %) sur la place public depuis deux semaines? Alors que cette dernière représente la hausse entre deux projections, faites avant que commence la période sur laquelle le budget s’applique, la première compare la projection de l’année à venir avec les données disponibles sur l’année courante (qui se termine en mars). En d’autres mots, bien que le gouvernement avait prévu dépenser 22,4 G$ en 2024-2025, le ministère des Finances estimait en mars dernier que ce montant serait plus proche de 23 G$. Comme ce 2,2 % équivaut à la moitié de la hausse établie par l’IRIS comme un seuil minimum pour maintenir le même niveau de services que l’année précédente, il faut effectivement s’attendre à un manque à gagner qui se traduira en réduction des services aux élèves.
0,8% – Il s’agit de la hausse réelle, selon les estimations les plus récentes du ministère. Les calculs ne s’arrêtent pas là! Tel que mentionné dans le paragraphe précédent, le 2,2 % est calculé avant la fin de l’année financière et plusieurs données sont encore provisoires. Or, le 27 juin dernier, le ministère des Finances a publié les résultats préliminaires de son Rapport sur la situation financière du Québec. On peut y trouver les dépenses réelles, en date du 18 juin 2025, pour l’année financière 2024-2025 (qui se termine en mars, rappelons-le). Les dépenses en éducation auraient atteint 23,4 G$. Il s’agirait de l’argent réellement dépensé, donc du montant auquel les écoles et centres de services scolaires compareront leurs budgets pour l’année suivante. Autrement dit, selon les estimations les plus récentes, le budget de 2025-2026 équivaudrait à une hausse de seulement 0,8 % du budget en éducation. Rappelons par ailleurs que le poste de dépense le plus important en éducation est celui de la masse salariale. Si on part du principe que l’ensemble des employé·e·s en éducation obtiendront une hausse salariale de 2,6% pour l’année 2025-2026, le manque à gagner est évident : il faudra couper et ce sera (très) douloureux.
En somme, le 5 % d’augmentation qui est répété ad nauseam par le gouvernement est plus que trompeur. Il induit en erreur la population et opère un détournement cognitif (gaslighting) sur le milieu scolaire en les accusant de mentir ou d’exagérer alors que les chiffres sont clairs. Les écoles devront bel et bien réduire leurs services pour répondre aux exigences du ministère de l’éducation et respecter la maigre hausse de moins de 1 % qui ne couvrira même pas les augmentations salariales. Le ministre Drainville ne peut pas ne pas le savoir : ce sont les chiffres de son propre gouvernement, de son propre ministère. Le gouvernement doit être honnête envers la population: le budget de 2025-2026 force des compressions drastiques dans les écoles du Québec.