La fin de l’immigration
1 octobre 2012
Ah ces patrons, toujours plus vites et plus astucieux que nous ! Devant l’ensemble des menaces et pièges qu’a entraîné la mondialisation pour les travailleuses et les travailleurs d’ici (délocalisation, concurrence avec le « cheap labor », pressions à la baisse des législations sociales, etc.), restait toujours la mince consolation que les emplois des secteurs des services et des ressources naturelles ne pouvaient être exportés. Le restaurant du coin avait beau se plaindre de la hausse du salaire minimum, il ne pouvait pas déménager son comptoir dans le Maine… les clients étant attachés à leur quartier. Les minières avaient beau menacer de réduire leurs investissements si les employés ne faisaient pas de concessions… l’or allait attendre sagement qu’une autre entreprise plus clémente accepte de payer le juste prix pour l’extraire.
La stabilité des marchés locaux et des ressources constituait le dernier rempart face à la mobilité du capital et des technologies. Il s’agit des derniers espaces économiques locaux qui permettaient aux institutions du travail, elles aussi ancrées localement, de jouer leur rôle dans la défense des conditions de travail. Nenni ! Les employeurs ont trouvé la manière de contourner cette « rigidité spatiale » ; ils importent désormais leurs employés à rabais par les mécanismes de l’immigration temporaire.
Ce programme d’immigration permet aux employeurs qui font la « démonstration » qu’ils n’arrivent pas à trouver la main-d’œuvre nécessaire d’importer des travailleurs et des travailleuses pour une période limitée et d’en disposer à leur guise. Cette pratique vient créer une seconde classe de résidents du pays. Les immigrants temporaires ne peuvent pas obtenir la citoyenneté, cela même s’ils cumulent les contrats depuis plus de trois ans. Leur droit de résidence est attaché à leur contrat de travail. En cas de congédiement, d’incapacité de travailler pour des raisons de santé ou un accident ou en cas de ralentissement des activités de l’entreprise, les immigrants temporaires devront retourner dans leur pays, sans même avoir la chance de trouver un nouvel emploi.
Bien qu’ils soient couverts par les normes minimales du travail, leur application est ardue : comment se défendre si l’on doit retourner chez soi en cas de conflit au travail ? Qui osera se plaindre, si l’employeur peut, par la simple annulation du contrat de travail, nous expulser du pays ?
Depuis quelques années, le nombre de personnes immigrantes temporaires que le Canada reçoit a dépassé le nombre de résidents permanents accueillis. Ce virage est en train de transformer le visage du Canada comme « terre d’accueil ».
Dans un documentaire intitulé La fin de l’immigration ?, Marie Boti et Malcolm Guy s’intéressent à ce phénomène. Pour bien comprendre les impacts de ce programme sur les conditions de vie des immigrants temporaires, les cinéastes ont décidé de les mettre en contraste avec la situation de la génération précédente d’immigrants qui ont adopté le Canada comme pays (et qui y ont été accueillis !). Ce film pose une question fondamentale : souhaitons-nous institutionnaliser un système de castes au Canada ?
Les intéressé-e-s pourront voir le film en première mardi prochain, à l’Écomusée du fier monde, dans le cadre de la Journée internationale pour le travail décent.