8 mars: d’abord ne pas nuire
6 mars 2025
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Selon le Conseil du statut de la femme, l’objectif de la Journée internationale des droits des femmes « est de dénoncer les discriminations, les inégalités et les violences vécues par les femmes. Il s’agit d’un moment propice à la réflexion et à la recherche de solutions visant à améliorer la condition de chacune des femmes, tout en soulignant le chemin parcouru. »
À la question « comment pourrions-nous, dans le contexte actuel, améliorer les conditions de vie des femmes au Québec », le contexte nous oblige à répondre qu’il faudrait déjà s’assurer de ne pas les faire reculer. Car, c’est ce qui pourrait se produire si l’on cède à nouveau à la sempiternelle idée selon laquelle le Québec « est dans le rouge » et n’a plus les moyens de se payer les programmes sociaux et les services publics dont il s’est doté au fil du temps. Si le Québec met le cap sur l’austérité, ce sont encore une fois les femmes qui en paieront démesurément le prix.
L’État-providence en faillite: une vieille idée
La Presse publiait récemment un dossier au sujet de l’État-providence dont le point de départ est qu’« on ne peut pas être en déficit éternellement comme on l’est » et que, ce faisant, le Québec se retrouve « à l’heure des choix ». C’est du moins l’explication qu’en a donnée Stéphanie Grammond à l’émission Dans les médias, où elle et sa collègue Marie-Ève Fournier ont aussi dit « [espérer] qu’une série comme celle qu’on fait va mener à des actions concrètes ».
Dans les faits, la situation financière de l’État québécois a été plus d’une fois dépeinte de manière catastrophique au cours des trois dernières décennies et chaque fois, ce « constat » a permis de justifier des périodes de rigueur budgétaire.
D’ailleurs, l’éditorialiste en chef de La Presse ne dit pas autre chose que le gouvernement lui-même : prétextant une situation budgétaire difficile, le gouvernement de François Legault a choisi l’an dernier de se lancer dans un exercice de révision des dépenses gouvernementales. Il exige aussi depuis quelques mois des centres de services scolaires, des cégeps, des établissements du réseau de la santé et des services sociaux, et de l’administration publique en général qu’ils trouvent des moyens de réduire leurs dépenses.
L’incertitude économique actuelle pourrait mener le gouvernement à revoir sa stratégie de retour à l’équilibre budgétaire, mais pour l’instant, force est de constater que nous sommes entrés dans un nouveau cycle d’austérité.
L’austérité, une politique aux effets genrés
Si l’austérité budgétaire ne vise jamais délibérément les femmes, l’analyse des récents épisodes austéritaires qu’a connus le Québec montre qu’elles sont désavantagées plus que les hommes par la réduction des dépenses publiques. Pourquoi? Puisque le personnel du secteur public est majoritairement féminin, les compressions dans la santé, les services sociaux ou l’éducation entraînent des pertes d’emploi chez les femmes et une surcharge de travail pour les travailleuses restantes. Le sous-développement du réseau public des services de garde nuit quant à lui à la participation des jeunes mères au marché du travail et, partant, à leur indépendance financière. Le resserrement des programmes de soutien du revenu a également pour effet de maintenir davantage de femmes dans la pauvreté.
Rappelons par ailleurs que les femmes sont doublement affectées par les coupes dans les services publics. En effet, à cause de la division genrée du travail de soin (care), elles auront plus souvent tendance à compenser pour les besoins non comblés de leurs proches, par exemple en leur offrant du soutien psychologique ou en s’occupant des personnes malades ou âgées.
L’économie publique contre l’économie privée?
Le gouvernement est donc prêt à « sacrifier » une fois de plus les Québécoises pour mieux équilibrer son budget. Dans un des articles qu’elle a préparés pour son dossier sur l’État-providence, la journaliste Marie-Ève Fournier prétend que le Québec n’est pas assez riche pour se payer un filet social aussi étendu que celui qu’il offre à sa population et que, par conséquent, il faudrait améliorer la productivité des entreprises pour « accroître notre richesse collective ».
Là encore, le gouvernement serait sans doute d’accord avec cette affirmation, lui qui a fait de la création de richesse un des objectifs de son gouvernement (et de son dernier budget). Mais l’austérité budgétaire permettra-t-elle de l’atteindre? Est-ce un choix budgétaire et économique censé?
Rappelons d’abord que les dépenses publiques n’ont pas explosé lorsqu’on les compare à la taille de l’économie québécoise. Elles se sont plutôt maintenues à peu près sous la barre des 50% du PIB depuis pas moins de quatre décennies! Quant à la dette nette du gouvernement, elle a eu tendance à diminuer en proportion du PIB depuis une quinzaine d’années – et ce malgré les baisses d’impôt des dernières années, qui ont privé l’État de revenus. Enfin, le déficit n’a jamais représenté plus de 1,5% du PIB depuis 20 ans et pendant ce temps, le service de la dette n’a cessé de reculer en proportion des revenus de l’État.
Et contrairement à l’idée selon laquelle le poids de l’économie publique nuirait au secteur privé, il faut rappeler que l’intervention de l’État dans l’économie est bénéfique pour les entreprises et que les politiques de restriction budgétaire ont, au contraire, pour effet de plomber tant la croissance économique que les investissements privés et le revenu disponible des individus.
La raison en est fort simple : quand le gouvernement dépense moins, cela signifie qu’il emploie moins de gens qui ont donc moins de sous à dépenser dans l’économie, ou bien qu’il réduit ses investissements et donne donc moins d’ouvrage à des entreprises qui doivent elles aussi embaucher moins de personnel.
Au fond, Marie-Ève Fournier et Stéphanie Grammond ont raison de souligner que l’État-providence relève d’un choix de société. Le gouvernement pourrait faire des choix budgétaires différents. S’il choisissait de bonifier les services à la population ainsi que les conditions de travail dans le secteur public, il pourrait non seulement éviter l’exode des travailleuses et les ruptures de services, il pourrait aussi se targuer d’améliorer les conditions de vie des femmes – et de soutenir l’économie du Québec!

Photo: Société des musées du Québec
Pour bien des Québécoises et Québécois, la thèse défendue par La Presse semble logique. Je ne suis ni économiste, ni fiscaliste, aussi même si instinctivement je sens que quelque chose cloche dans cette thèse, je peux comprendre que plusieurs adhèrent à cette thèse malgré ses effets néfastes sur la société. Merci de nous aider à comprendre en quoi leur analyse repose sur des prémisses idéologiques qui, quel hasard, s’enlignent avec la vision des dirigeants et dirigeantes de la Fondation qui soutient La Presse.
Merci ! Vous êtes le remède au syndrome TINA (Their Is No Alternative). Il est choquant, mais pas surprenant, que les médias comme La Presse, le Journal de Montréal, Radio-Canada, etc, ne vous inventent que très rarement.
Ne pas nuire, c,est bien.
SI au départ, le respect de la constitution du Canada était factuel, on constaterait deux choses:
1- Nos gouvernements ne peuvent emprunteur que sur leur valeur à eux-seuls.
2- Les taxes collectées par nos gouvernements doivent revenir au peuple sous forme de bien et de services.
En fait, comment se fait-il que nos gouvernements peuvent endetter les citoyens sans que ceux-ci aient un mot à dire?
Je croyais que seul un juge peut affecter le droit de propriété de quiconque.