Les jeunes qui ne sont ni étudiants ni employés
12 septembre 2012
Statistique Canada a publié il y a quelques mois une étude portant sur Les jeunes qui ne sont ni étudiants ni employés. Je n’ai pas l’intention de la résumer ici, entre autres parce que Statistique Canada l’a déjà fait dans le communiqué qui annonçait sa diffusion. Je préfère ajouter de la valeur à cette étude en comparant les résultats globaux du Canada à ceux du Québec, qui ne sont pas présentés dans cette étude. Cela dit, ce type d’étude étant relativement récente, il serait bon de commencer par quelques explications sur le champ d’études et les données utilisées.
Quelques explications…
Cette étude porte sur les jeunes que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) appellent les «NEET», soit les jeunes âgés de 15 à 29 ans Not in Education, Employment, or Training ou en français pas aux études, ni en emploi, ni en formation. J’utiliserai donc l’acronyme PEEF dans ce billet, même si ni Statistique Canada, ni l’OCDE n’ont cru bon de traduire l’expression NEET.
«Le concept NEET a été utilisé pour la première fois dans les années 1990 lorsqu’on craignait que les jeunes de plusieurs pays d’Europe sans emploi et n’allant pas à l’école ne se découragent et ne se désengagent.»
Il s’agit donc d’un indicateur très intéressant, car un haut pourcentage de PEEF peut indiquer des problèmes d’intégration au marché du travail persistant tout au long de la vie de ces jeunes.
«L’expression a été utilisée pour la première fois en Grande-Bretagne après le constat qu’un nombre croissant d’adolescents plus âgés cessaient d’étudier et demeuraient sans emploi pendant de longues périodes (Social Exclusion Unit, 1999).»
Les données
En fait, Statistique Canada et l’OCDE utilisent les données sur les personnes âgées de 15 à 29 ans qui ne sont ni étudiantes ni employées. L’élément «en formation» semble inclus dans les données des jeunes aux études (à moins qu’il ne soit que redondant ou utilisé uniquement pour créer un «bel» acronyme…). Pour obtenir les données sur les PEEF, il faut regarder celles sur :
- les étudiantEs;
- les personnes en emploi qui ne sont pas étudiantEs;
- les personnes en chômage qui ne sont pas étudiantEs;
- les personnes inactives.
Les PEEF sont le total des personnes en chômage qui ne sont pas étudiantEs et des personnes inactives, les deux derniers éléments de cette liste. Les résultats L’étude de Statistique Canada contient une analyse de nombreuses données croisées. Cela vaut la peine d’en prendre connaissance. Par contre, Statistique Canada ne les diffusent pas toutes. Alors, je me contenterai de présenter ici les données globales, qui proviennent toutes du tableau cansim 282-0095.
– Pourcentage des jeunes en emploi et aux études
Ce graphique montre l’évolution de la proportion des jeunes âgés de 15 à 29 dans les deux catégories qui ne font pas partie des PEEF, au Québec (Q) et dans le reste du Canada (RdC). Il est remarquable de constater à quel point le pourcentage des jeunes en emploi a diminué et à quel point le pourcentage d’étudiantEs a augmenté, à la fois au Québec et dans le reste du Canada. On doit aussi noter que le pourcentage d’étudiantEs au Québec (ligne jaune) était inférieur à celui du reste du Canada (ligne bleue) en 1976 et qu’il lui est égal ou supérieur depuis environ une vingtaine d’années. Par contre, le pourcentage de jeunes en emploi au Québec (ligne verte) est demeuré tout au long de la période inférieur à celui du reste du Canada (ligne rouge), mais avec un écart de plus en plus petit, ce qui est quand même positif compte tenu que le Québec montre maintenant un pourcentage plus élevé d’étudiantEs.
Je répète ici que ces données ne tiennent pas compte des étudiantEs qui travaillent. Cela est important car la proportion d’étudiants qui travaillent est beaucoup plus élevée au Québec que dans le reste du Canada. Par exemple, en 2011, le taux d’emploi des étudiantEs du Québec de cette tranche d’âge (15 à 29 ans) était de 46,0 %, tandis que celui des étudiantEs du reste du Canada était de 38,6 %.
– Pourcentage des jeunes en emploi et inactifs
Ce n’était peut-être pas évident dans le graphique précédent, mais les pourcentages de jeunes aux études ont augmenté plus rapidement que ceux des jeunes en emploi ont diminué. Le résultat est que ceux des personnes en chômage et inactives ont diminué. Je dois ici préciser que le pourcentage des jeunes en chômage ici présenté n’a rien à voir avec le taux de chômage. En effet, il s’agit du nombre de personnes qui ne sont pas aux études et qui sont en chômage divisé par le nombre total de jeunes, qu’ils soient aux études ou pas. Le taux de chômage, lui, est calculé en divisant le nombre de personnes en chômage par le nombre de personnes en emploi ou en chômage, bref en activité.
C’est un peu difficile de le voir, mais on doit souligner que qu’il y avait un pourcentage plus élevé de jeunes du Québec en chômage en début de période (ligne jaune) que dans le reste du Canada (ligne bleue) et que ces pourcentage étaient presque égaux de 2009 à 2011. Du côté des personnes inactives, il y en avait proportionnellement plus au Québec (ligne verte) en début de période que dans le reste du Canada (ligne rouge) et moins dans 8 des 9 dernières années de la période. La situation ne s’est donc pas seulement améliorée au Québec, mais elle s’est davantage améliorée que dans le reste du Canada.
– Pourcentage des PEEF
J’aurais souhaité originellement présenter cette dernière donnée dans le même graphique que le précédent, mais on ne voyait plus rien… Par ailleurs, comme c’est le résultat de l’exercice, ce n’est pas mauvais de le montrer séparément!
Ces deux courbes représentent simplement le total des deux courbes du graphique précédent pour chacun des deux territoires considérés. On voit encore plus clairement que le pourcentage de jeunes pas aux études, ni en emploi, ni en formation (PEEF) a diminué bien plus fortement au Québec que dans le reste du Canada. En fait, l’écart entre les deux favorisait le reste du Canada de 4,0 points de pourcentage en 1976, écart qui s’est accentué lors de la récession du début des années 1980 pour atteindre son sommet en 1982 (5,5 points), mais qui s’est réduit graduellement par la suite pour même s’inverser au cours des trois dernières années de la période (0,6 point de pourcentage en faveur du Québec en 2011). Même si le pourcentage de PEEF a légèrement augmenté depuis 2008 en raison de la récession de 2008-2009, on peut tout de même se réjouir de constater qu’il fut en moyenne de 2009 à 2011 environ deux fois plus faible que pour la moyenne des trois premières années de la période (1976 à 1978). Dans le reste du Canada, il a aussi baissé, mais de 37 % «seulement».
Je ne présenterai pas les résultats pour les tranches d’âge de 15 à 19 ans, 20 à 24 ans et 25 à 29 ans (le billet est déjà long…), mais j’ai fait les mêmes calculs pour ces tranches d’âge et je peux souligner que le mouvement des écarts entre le Québec et le reste du Canada est quasi identique : écarts négatifs entre trois et cinq points de pourcentage au début de la période et écarts positifs de moins d’un point de pourcentage à la fin.
Conclusion
Cette étude est intéressante et encourageante. On voit que la proportion de PEEF, indicateur d’exclusion potentielle du marché du travail, a grandement diminué au Québec, encore plus qu’au Canada. En plus, on peut constater que la baisse fut encore plus forte chez les personnes inactives (15% des jeunes en 1976 et moins de 6 % en 2011), population potentiellement la plus vulnérable à l’exclusion.
On ne s’étonnera pas maintenant qu’on connaît ces résultats de constater que la jeunesse québécoise est aussi allumée, et plus qu’avant!