Quand le Québec se replie : retour sur « l’affaire Haroun Bouazzi »
5 Décembre 2024
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La récente controverse autour des propos tenus par le député de Québec solidaire Haroun Bouazzi nous révèle à quel point la logique du « deux poids, deux mesures » constitue une dimension fondamentale du racisme systémique. Si plusieurs études et rapports ont démontré que les personnes racisées en font les frais dans l’espace public, au travail et dans la communauté, le traitement médiatique et politique de l’élu solidaire illustre le fait qu’elles en subiront les conséquences si elles osent soulever la question de la part de responsabilité qui incombe à des institutions telles que l’Assemblée nationale.
Qu’a dit Haroun Bouazzi? Dans le contexte d’un événement caritatif communautaire, le député de la circonscription de Maurice-Richard a affirmé qu’il voyait à l’œuvre « à tous les jours à l’Assemblée nationale » le mécanisme du racisme, « la construction de cet Autre […] qui est maghrébin, qui est musulman, qui est noir, qui est autochtone et de sa culture qui, par définition, serait dangereuse ou inférieure ».
La publication de ces propos a provoqué une tempête médiatique et politique. Les réactions outrées de plusieurs journalistes et chroniqueurs ont rapidement été reprises par la classe politique, même par Québec solidaire qui s’est montré bien peu solidaire de son député. Haroun Bouazzi a dû s’expliquer, s’excuser et « rentrer dans le rang ». Or, avait-il factuellement tort?
Dès son arrivée au pouvoir en 2018, la CAQ a fait des enjeux identitaires une priorité. Mobilisant les craintes et angoisses des Québécois·es, le gouvernement a légiféré sur le port des signes religieux pour certains employé·e·s de l’État ou des services publics en argumentant qu’il s’agissait d’une manière de protéger les valeurs québécoises. Cette loi est actuellement contestée devant les tribunaux étant donné son caractère discriminatoire, entre autres envers les femmes de confession musulmane portant le voile. En 2020, dans la foulée de l’affaire George Floyd, le gouvernement Legault a refusé de reconnaître la dimension systémique du racisme alors que le concept de racisme systémique s’est imposé partout dans la littérature académique et dans l’espace public nord-américain. En 2021, après la mort de la patiente attikamek Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette, le premier ministre a persisté dans son refus de reconnaître le racisme systémique même si le rapport du coroner lui recommandait explicitement de le faire. Il a aussi refusé de reconnaître le « principe de Joyce » dont l’objectif est de garantir aux personnes autochtones un droit d’accès équitable aux services sociaux et de santé.
Pire, plusieurs députés et ministres caquistes ont tenu dans les dernières années des propos discriminatoires, voire carrément racistes. Jean Boulet, alors qu’il était ministre de l’Immigration en 2022, a déclaré que « 80 % des immigrants s’en vont à Montréal, ne travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise ». Après avoir nié l’existence d’une crise du logement, le premier ministre François Legault a récemment affirmé que « 100 % du problème de logement vient de l’augmentation du nombre d’immigrants temporaires » et qu’il faudrait en expulser plus de 80 000 vers d’autres provinces. Ces quelques exemples témoignent de discours et d’attitudes qui, volontairement ou non, ont pour effet de stigmatiser les personnes qui ne sont pas blanches ou d’origine canadienne-française tout en niant par ailleurs les torts qu’elles subissent du fait d’être racialisées (et altérisées).
Cette « surenchère identitaire » ne se limite pas à la CAQ. Le Parti québécois et son chef Paul St-Pierre Plamondon intègrent de plus en plus à leur discours l’argument selon lequel l’immigration exerce une trop grande pression sur nos services sociaux, contribue à la crise du logement et nuit à la natalité. D’ailleurs, le PQ propose désormais de réduire substantiellement les taux d’immigration. Au PQ comme à la CAQ, les immigrant·e·s, ces « autres venus d’ailleurs », sont constamment dépeints comme une source de problèmes pour le présent et le futur de la collectivité. Si le Parti libéral et Québec solidaire n’ont pas tenu ce genre de rhétorique démagogique jusqu’à maintenant, la réaction scandalisée de Marwah Rizqy (PLQ) et l’attitude « mal à l’aise » de Christine Labrie (QS) face aux propos de Bouazzi laissent entrevoir que même les parlementaires se réclamant de la tolérance et de l’antiracisme craignent les sensibilités populaires et le tapage politico-médiatique lorsqu’il est question de racisme.
« L’affaire Bouazzi » a de quoi inquiéter. Comme l’a souligné le professeur à l’École d’innovation sociale de l’Université St-Paul Jonathan Durand Folco, elle est le symptôme d’une évolution du débat public qui a pour effet de normaliser les discours xénophobes et racistes et de condamner les discours progressistes. Constamment répétés et rabâchés par sensiblement les mêmes acteurs médiatiques et politiques à l’origine de cette affaire, les thèmes de la droite réactionnaire et populiste (pensons au « grand remplacement » ou à « l’entrisme religieux ») sont progressivement intégrés au lexique de la vie politique québécoise alors que les théories et notions liées aux mouvements progressistes sont vilipendées et qualifiées de « wokisme », nouvel épouvantail de la droite après le communisme et le terrorisme. Dans ce contexte politique et idéologique délétère, parler de racisme revient à s’aventurer sur un terrain miné où ceux et celles qui, au nom du vivre ensemble et du respect des droits, ont le malheur de le dénoncer, courent le risque de se faire rejeter.
Haroun Bouazzi alimente un racisme qui n’existe pas. Pourquoi le Québec reçoit-il autant de migrants et de demandeurs d’asile? Le Québec fait plus que sa part. Cessez d’être malhonnête en tentant de faire parler les chiffres selon vos priorités. Même le fédéral a accepté de dire publiquement que l’immigration était trop élevée et qu’elle allait réduire ce nombre. Vous comprenez pas les limites de nos capacité en temps et argent. Vous voudriez que le Québec accueil au delà de sa capacité au détriment de la cohésion sociale. Vous voulez qu’on accepte que le Québec devienne une favelas à ciel ouvert. Regardez la mairesse Plante. Avec son non intervention dans les manifestations violentes qui se déroulent à Montréal. Regardez la mairesse Plante qui a créé des conditions idéales pour la détresse dans les rues avec une explosion des sans-abris. Cette hausse est 100% dû à son incompétence et son incompréhension de ce qu’est une ville sanctuaire. Vous êtes votre pire ennemi pour faire la démonstration de vos valeurs.
Merci à M.Fortin de l’IRIS pour l’article bien “tourné” sur la subtilité du racisme systémique au Québec notamment chez M. Legault. Les réactions des médias notamment radio Canada 24/60 su sujet d Haroun Bouazzi … c’était même scandaleux d’entendre leurs propos ce soir-là au sujet cu député de QS , parce que QS, Parti de gauche sans aucun doute.
Le problème de l’Immigration mondial s’explique pour des raisons économiques. Le capitalisme en est la première cause. Les gens risquent tout en quittant leur pays pour essayer de vivre mieux ailleurs. Nous. vivons une période de décadence et fin de l’EMPIRE !!! le chaos est partout . Au Québec avec la droite au pouvoir, c’est l’aveuglement -socio économique et politique . Comment QS va-t-il résister à cette période ? Ce n’est pas fini. Courage camarades!!!
Je suis en partie en désaccord avec votre analyse concernant l’affaire Haroun Bouazzi . Affirmer que l’Assemblée Nationale du Québec est un lieux où se manifeste des comportements racistes est un fausse affirmation. D’ailleurs même l’aile politique de QS n’était pas en appui aux dires de Bouazzi. Je ne suis pas raciste au contraire c’est au contact des autres que j’ai appris à apprécier ma culture, mais il est certain que pour moi les religions et les signes propres à celles-ci n’a pas sa place dans l’espace et les institutions publiques. Comme le mentionnait le sociologue Guy Rocher nous avons déconfessionnalisé l’état et nous ne devons pas revenir en arrière.
Merci M.Fortin pour votre chronique. Je suis d’accord avec vous. La construction de « l’autre » existe belle et bien malheureusement, et ce n’est pas de hier.
Peut-être il aurait fallu que M. Bouazzi s’exprime autrement, choisir mieux ces mots, peut-être d’un façon plus diplomatique?
Moi même je suis une immigrante, mais de Danemark, de la race blanche sans religion, invisible, donc je passe partout sans problème.
L’enjeu des immigrant.e.s devrait être traiter avec plus de sensibilité, de compréhension et de respect. Les mots de Jean Boulet démontre une grande ignorance et étaient inacceptable! À ma grande déception les médias, le monde et politicien.e.s ne réagissaient vraiment pas fortement. Personne avait l’air scandalisé d’entendre les mots qui sortaient de la bouche de M. Boulet. Par contre c’est toute le contraire, les réactions qu’on entendent suite au mots de M. Bouazzi.
Aaah, je dois être une de ces « wokes» !
Entièrement d’accord avec vos propos.
J’ai dit à ma fille qui habite en Europe, des propos comme on a plus de service en santé et je lui ai dit: il y a tellement d’immigrants. Ma fille m’a dit : mais voyons donc, es-tu rendue raciste???? J’ai réalisé que c’est effectivement le discours que l’on entend de nos élus. Et bien, non je ne suis pas raciste. Je vais surveiller de plus près ce discours qui nous amène à modifier notre pensée.