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Le transport scolaire au Québec. Portrait d’un service public mis à mal

4 septembre 2024

  • Colin Pratte

Au Québec, près de 580 000 élèves du primaire et du secondaire empruntent quotidiennement quelque 11 000 véhicules scolaires pour se déplacer vers leur école1. Depuis les dernières années, on observe une augmentation des bris de service de transport scolaire, d’ailleurs rapportés périodiquement par des articles de presse2. La présente étude brosse un portrait de ce service public de transport en commun, justifié par ses récents bouleversements et le peu de documentation à jour pour comprendre les enjeux contemporains entourant le transport scolaire au Québec.

En 2011, le Vérificateur général du Québec (VG) publiait un rapport sévère à l’endroit de l’organisation du transport scolaire au Québec3. Pourtant, les recommandations reliées au modèle de financement, au mode d’attribution des contrats aux transporteurs privés et à la concentration des entreprises de cette industrie n’ont pas fait l’objet depuis de réformes politiques et réglementaires importantes.

À travers ses deux chapitres d’analyse, la présente étude démontre que le transport scolaire est toujours aux prises avec la plupart des problèmes soulevés par le VG en 2011, ce qui contribue à expliquer en partie les déficiences du service de transport scolaire observables dans les dernières années.

Suivant un portrait historique de l’organisation du transport scolaire au Québec ainsi qu’une description du modèle actuellement en vigueur, le premier chapitre propose une compilation des interruptions de service de transport scolaire. Cet exercice inédit permet de mettre en lumière les problèmes de rétention et d’attraction de main-d’œuvre dans cette industrie. La quasi-totalité des bris de service constatés est en effet causée par un manque de personnel et par des conflits de travail.

Le deuxième chapitre dresse un portrait financier des entreprises actives dans ce secteur et démontre les enjeux reliés à la concentration de la propriété du parc de véhicules scolaires.

Le dernier chapitre de cette étude avance des recommandations et des pistes de réforme du transport scolaire au Québec, tirées de modèles pratiqués ailleurs en Amérique du Nord et dans certaines localités du Québec.

1. Description du modèle d’encadrement du transport scolaire et de ses bris de service

1.1 Naissance et évolution du service

Au Québec, l’organisation du transport scolaire incombe aux centres de services scolaires (CSS) et aux commissions scolaires4, qui reçoivent un financement annuel du ministère de l’Éducation (MEQ) et sous-contractent la prestation à des transporteurs privés. La Loi sur l’instruction publique oblige les organismes scolaires à offrir gratuitement le service de transport du matin et du soir à tout élève qui habite à une distance minimale déterminée par les organismes scolaires, avoisinant habituellement 1,6 kilomètre. Les principes d’universalité, de gratuité et de financement public font du transport scolaire un service public, dont l’origine remonte aux années 1960, lors de la fondation du système d’éducation moderne5.

Le graphique 1 illustre la mise en place progressive des services de transport scolaire organisés par le réseau public entre les années scolaires 1953-1954 et 1984-1985, notamment sous l’impulsion de la naissance du réseau public d’éducation ainsi que de l’étalement urbain. Aujourd’hui, la proportion d’élèves utilisant le transport scolaire par rapport à l’ensemble de l’effectif scolaire avoisine 59 %, soit le taux moyen atteint à compter des années 1980 et de la maturation du réseau. Auparavant, le plus faible taux de fréquentation scolaire, l’absence de financement de l’État ainsi que l’existence d’écoles de rang à proximité des domiciles des élèves expliquaient l’inexistence d’un service étendu et fréquenté. À ce titre, ce sont d’abord les commissions scolaires protestantes en milieu rural qui ont organisé de façon autonome et avant-gardiste un service de transport scolaire6. C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi la commission scolaire anglophone Eastern Townships, en Estrie, est toujours propriétaire de la majorité de son parc de véhicules scolaires, ce qui sera abordé plus en détail dans le chapitre 2.

Graphique 1
Évolution du recours au transport scolaire dans le réseau des commissions scolaires du Québec, 1953-1985

Note : Les années du graphique comportent des périodes manquantes et sont tirées du document du MTQ.

Source : Françoys D. Gauthier, L’industrie du transport scolaire au Québec. Analyse et synthèse de la documentation, Ministère des Transports du Québec — Bureau de l’innovation et de la recherche, avril 1987, www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1144605.pdf, p. 4.

L’histoire du transport scolaire au Québec peut être envisagée selon trois périodes et leurs défis respectifs. La présente étude défend l’hypothèse selon laquelle les bouleversements contemporains marquent possiblement l’apparition d’une nouvelle période, qui appelle des interventions politiques et réglementaires. Le tableau 1 présente chaque période de l’histoire du transport scolaire et les défis traversés.

De 1950 à 1974, et dans la foulée de la Révolution tranquille et de la fondation d’un système d’éducation universel et gratuit, la rapidité du développement des services de transport scolaire s’est faite au prix de lacunes réglementaires. Sur le plan du financement, le réseau en place souffre alors d’importantes disparités entre les commissions scolaires, conduisant à des services inégaux entre celles-ci. Sur le plan de la sécurité, la tragédie de Dorion, en 1966, où 19 élèves et leur chauffeur ont perdu la vie lors de la collision de leur autobus avec un train, a conduit à des réformes. Une commission d’enquête a mené à la promulgation en 1974 de la Loi sur les transports7. Le transport scolaire passe alors sous la responsabilité du ministère des Transports. Celui-ci adopte le règlement 11, qui prévoit des mesures de sécurité accrues8.

En 1981, le ministère des Transports publie le Livre blanc sur la réforme du système de transport des écoliers, qui pose les jalons des principes structurants du transport scolaire, toujours en vigueur aujourd’hui9. Sur le plan de la gestion, les commissions scolaires se voient attribuer l’essentiel des responsabilités d’organisation du service. Le rôle du provincial devient limité aux enjeux de financement du service, assuré au moyen de règles budgétaires alors actualisées tous les trois ans.

Cet exercice de Québec fixe les normes d’attribution d’enveloppe budgétaire aux commissions scolaires afin de contrôler les coûts du service et de s’assurer que les établissements scolaires bénéficient d’un même niveau de financement. Le ministère évalue alors les coûts anticipés de prestation du service en fonction des besoins respectifs des organismes scolaires, en plus de prévoir une formule d’indexation des allocations à ceux-ci. Les enveloppes allouées aux organismes scolaires dans le cadre des règles budgétaires orientent la signature des contrats de services entre les organismes scolaires et les transporteurs privés. La durée des contrats de service et des règles budgétaires ministérielles est habituellement la même, soit cinq ou six ans10.

En somme, cet aperçu historique de l’évolution du transport scolaire au Québec montre que le système en vigueur aujourd’hui est le fruit de décisions politiques successives adoptées en fonction des défis propres au service : sécurité, uniformité, universalité, coût et gestion du service, etc. Aujourd’hui, le transport scolaire est aux prises avec des problèmes importants de prestation de services, qui exigent à leur tour des réponses politiques, réglementaires et financières.

1.2 Quantifier les interruptions de service

Les années scolaires suivant la pandémie de COVID-19 ont été marquées par une croissance d’interruptions de service de transport scolaire, rapportées périodiquement dans les médias11. Le MEQ n’effectue pas de compilation des interruptions de service et ne dispose pas de données consolidées permettant une vue d’ensemble12.

Nous avons procédé en acheminant une demande d’accès à l’information à chacun des 61 CSS et à chacune des 11 commissions scolaires afin de connaître les interruptions de service de transport scolaire rencontrées dans les 10 dernières années. La compilation de ces informations ne fait pas l’objet de normes communes et relève des politiques internes des organismes scolaires. Le tableau 2 présente les modes de compilation des organismes scolaires, tirés de la démarche d’accès à l’information.

La vaste majorité des organismes scolaires ont entrepris la compilation de leurs bris de service dans les deux à trois dernières années scolaires seulement. Ils ont pour motif partagé l’absence d’interruptions récurrentes justifiant un suivi statistique. Par exemple, le CSS des Mille-Îles, dans les Laurentides, indique dans la réponse fournie : « Il nous est impossible de répondre de manière exhaustive avant septembre 2022 puisque nous ne tenions aucun registre pour les événements antérieurs en raison de la rareté des interruptions13. » Cette précision apparaît dans la majorité des documents reçus des organismes scolaires.

Le tableau 2 montre une variance importante des normes de compilation des organismes scolaires, ce qui affecte le degré de précision du portrait consolidé des interruptions de service. Parmi les 33 organismes scolaires appartenant à la catégorie « Compilation indiquant en tout ou en partie les causes des bris de service », seulement quelques-uns établissent et compilent les causes de l’ensemble des bris de service recensés. Cette catégorie inclut en effet les organismes scolaires ayant fourni une compilation n’indiquant pas les causes, mais dont la réponse à la demande d’accès comporte des énoncés précisant en tout ou en partie la nature des bris de service. Par exemple, la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier n’indique aucune cause dans les fichiers transmis, mais précise, dans sa réponse écrite, que « la grande majorité des bris de service sont attribuables à un manque de personnel14 ». Dans ces cas de figure, nous avons partagé les bris de service recensés de la façon suivante : 75 % – manque de personnel ; 25 % – cause indéterminée.

La catégorie « Compilation sans aucune indication des causes » comprend les organismes scolaires ayant dûment recensé la plupart des bris de service, mais sans aucune indication relative aux causes.

Malgré l’impossibilité de dresser un portrait exhaustif des bris de service de transport scolaire au Québec, les données obtenues représentent un échantillonnage suffisamment grand pour en tirer des interprétations. En effet, sur les 72 organismes scolaires du Québec, 55 ont fourni une compilation partielle ou entière de leurs bris de service. Le tableau 3 présente la compilation des bris recensés selon leur cause respective. À noter que les données de l’année 2023-2024 n’incluent pas le mois de juin et deux à trois semaines du mois de mai, en raison de la période durant laquelle la collecte de données s’est déroulée.

Pour les fins de ce tableau, un bris de service renvoie à un circuit de transport scolaire n’ayant pas pu être effectué pour tout autre motif que les conditions climatiques. Un circuit de transport scolaire est le trajet du matin ou du soir. Ainsi, un circuit non effectué tant pour le trajet à l’école que pour le retour à la maison obtient une compilation double. Les bris de service du transport du midi, qui est un service optionnel, ne sont pas compris dans ce tableau. Les bris de service qui ont bénéficié de solutions de rechange, tel que le jumelage entre le circuit non effectué et un circuit opérationnel, n’apparaissent pas au tableau. La catégorie « Grève » inclut seulement les bris de service occasionnés par une grève des chauffeuses et chauffeurs ; elle exclut donc les grèves d’autres corps de métier. Le facteur « Manque de personnel » compile uniquement les bris identifiés comme tels par les CSS, et exclut les absences pour cause de maladie ou autre contingence. Celles-ci ont plutôt été compilées dans la catégorie « Autre15 ».

Durant l’année scolaire 2022-2023, il y a eu en moyenne 197 bris de service de transport scolaire par jour, et pour l’année 2023-2024, il y en a eu 137. Sur l’ensemble des circuits scolaires quotidiens du Québec, soit environ 11 000 le matin et le soir, cette proportion de bris représente environ 1 % des trajets quotidiens. En supposant 40 élèves par trajet, c'est donc une moyenne quotidienne respective de 8 000 et 5 500 élèves qui n'ont pu recevoir de transport scolaire le matin ou le soir dans les deux dernières années. Ces chiffres peuvent paraître mineurs à première vue, or l’existence de bris de service récurrents est un phénomène nouveau au Québec. Auparavant, les organismes scolaires ne compilaient tout simplement pas les bris de service tellement ceux-ci étaient exceptionnels et rares. Ce portrait est d’ailleurs minimal, puisque les données de 16 organismes scolaires sont exclues de la recension, pour les raisons présentées au tableau 2.

Les deux facteurs principaux à l’origine des bris sont le manque de personnel et les grèves des chauffeurs et chauffeuses de véhicules scolaires. En 2022-2023, le manque de personnel a représenté 45 % de l’ensemble des bris de service. Pour l’année 2023-2024, la grève ainsi que le manque de personnel ont été à parts presque égales les deux facteurs principaux des bris, représentant 70 % de ceux-ci.

Le tableau 4 ventile les bris de service dus à un manque de personnel pour les trois régions administratives les plus touchées par ceux-ci. Ensemble, ces trois régions concentrent 81 % des bris de service répertoriés ayant pour cause un manque de personnel. Les CSS des Affluents et des Samares, dans Lanaudière, ont été particulièrement affectés par les bris de service durant l’année 2022-2023. Dans une section ultérieure, nous traitons d’un projet pilote qui y a été mené et qui explique en partie l’amélioration de la situation durant l’année 2023-2024.

1.3 Interprétation des bris de service et revue des actions politiques récentes

Les données présentées aux tableaux précédents sont claires : la majorité des bris de service de transport scolaire rencontrés par les organismes scolaires ont pour origine commune des facteurs reliés à la main-d’œuvre. Durant la pandémie, une partie de chauffeurs et chauffeuses ont quitté le métier en raison des risques sanitaires ou des conditions de travail difficiles16. Même si la crise sanitaire s’est estompée, l’importance des bris de service a perduré en 2022-2023 et en 2023-2024.

Au Québec, les conductrices et conducteurs de véhicules scolaires doivent détenir un certificat de compétence17. Ce certificat est délivré par l’un des deux CSS habilités à le faire, soit le CSS de la Rivière-du-Nord et le CSS des Premières-Seigneuries. Les centres de formation sont situés à Saint-Jérôme et à Charlesbourg. Un certificat obtenu est valide durant trois années, et doit être renouvelé par le biais d’une formation d’appoint. Les données sur les détenteurs et détentrices de certificat de compétence en transport scolaire au Québec permettent de donner un aperçu de l’évolution de la disponibilité de la main-d’œuvre dans ce métier. Le graphique 2 présente, pour la période de 2014 à 2023, le nombre de personnes détentrices d’un certificat valide.

Graphique 2 
Évolution du nombre de personnes détenant un certificat de compétence valide en transport scolaire au Québec et de leur âge moyen

Sources : Ministère des Transports du Québec. Accès à l’information DA-2024-2025-00145 ; calculs de l’auteur.

Deux remarques interprétatives accompagnent ce graphique : le fait qu’une personne soit habilitée à conduire un véhicule scolaire n’implique pas nécessairement qu’elle conduit effectivement un véhicule de transport scolaire cette année-là ; une personne quittant le métier continuera d’apparaître dans les statistiques de détention de certificat de compétence pour la durée de validité résiduelle du certificat.

L’année 2023 marque le moment au Québec où le nombre de détenteurs et détentrices de certificat de compétence de transport scolaire est le plus bas depuis 10 ans. Une vague de départs prenant au maximum trois années à se refléter dans ces statistiques, on peut penser que l’année 2023 reflète les années difficiles de la pandémie, et que les incitatifs gouvernementaux dont nous traiterons plus bas pour infléchir cette tendance à la baisse n’ont pas su renverser celle-ci entièrement. Les données pour l’année 2024, lorsqu’elles seront disponibles, seront instructives et permettront de juger si nous assistons effectivement à une conjoncture baissière.

Entre 2014 et 2023, 69 % des personnes qui détenaient un certificat de compétence étaient des hommes, contre 31 % de femmes. L’âge moyen des conducteurs et conductrices de transport scolaire était de 58,3 ans en 2023, ce qui représente une nette augmentation de la moyenne de 54,6 ans en 2014. Le graphique 3 présente l’évolution de la proportion de conducteurs et conductrices de transport scolaire de 55 ans et plus. À titre comparatif, la moyenne de l’ensemble des salarié·e·s du Québec ayant atteint cette catégorie d’âge était de 22 % en 202118.

Une certaine proportion de la main-d’œuvre de cette industrie est composée de travailleuses et travailleurs retraité·e·s ou en voie de l’être. Le graphique 3 montre une nette augmentation de la proportion des travailleurs et travailleuses de 55 ans et plus dans le secteur du transport scolaire, ce qui contribue à expliquer les problèmes de manque de personnel de cette industrie.

Graphique 3
Évolution de la proportion des détenteurs et détentrices d’un certificat de compétence valide de 55 ans et plus

Source : Ministère des Transports du Québec. Accès à l’information DA-2024-2025-00145 ; calculs de l’auteur.

Dans un contexte plus large de pénurie de main-d’œuvre et de précarité financière des personnes retraitées, celles-ci sont de plus en plus sollicitées par le marché du travail19. L’industrie du transport scolaire offre à cet égard des conditions de travail en deçà de la moyenne des industries du même secteur20.

La dernière évaluation spécifique des taux horaires moyens pour les travailleurs et travailleuses syndiqué·e·s du transport scolaire a été effectuée en 2019 et indique que la rémunération moyenne prévue aux conventions collectives pour l’année 2019-2020 varie entre un minimum de 18,61 $ l’heure et un maximum de 20,75 $ l’heure. Ce portrait est par ailleurs incomplet, puisque environ 55 % des travailleurs et travailleuses de cette industrie ne sont pas syndiqué·e·s et ne sont donc pas compris dans ces données21.

Les problèmes récents liés à la main-d’œuvre de cette industrie font l’objet de concertation politique depuis 2011. Après le dépôt du rapport du VG en 2011, le Comité mixte sur le transport scolaire a été mis sur pied. Ce comité tripartite, formé de représentants des transporteurs scolaires, des syndicats du secteur ainsi que des organismes scolaires, a pour mandat large d’examiner les enjeux relatifs au transport scolaire et de soumettre des recommandations.

L’un des rapports de ce comité, déposé en 2019, fait état d’un consensus entre les transporteurs et les syndicats relativement à la pénurie de main-d’œuvre : « les conditions de travail défavorables des conducteurs de véhicule scolaire en sont une cause importantea 22. » Ce rapport propose notamment l’instauration de primes d’attraction et de rétention pour les travailleurs et travailleuses du transport scolaire.

Dans le cadre du budget 2020-2021, le gouvernement a donné suite à cette mesure23 et alloue désormais une prime annuelle de 2 400 $ aux conductrices et conducteurs de véhicule scolaire, un montant de 1 700 $ aux chauffeuses et chauffeurs nouvellement embauché·e·s, ainsi que des primes de recommandation de 250 à 500 $24. L’un des motifs sous-tendant cette approche est tiré d’une étude de 2015 commandée par la Fédération des transporteurs par autobus (FTA), une association regroupant notamment les entreprises de transport scolaire. Cette étude réalisée par Maurice Gosselin, professeur titulaire à l’École de comptabilité de l’Université Laval, conclut que les coûts annuels moyens de prestation d’un contrat de transport scolaire pour les entreprises varient entre 58 000 et 63 000 $.

Cette estimation vient soutenir l’affirmation de la FTA selon laquelle les transporteurs scolaires n’ont pas la marge de manœuvre financière pour augmenter la rémunération de leurs salarié·e·s25. Or, l’étude en question ne comporte pas d’estimation du taux de rendement moyen de l’industrie, ce qui représente une information centrale pour juger de la marge de manœuvre financière d’une industrie dans un contexte de possible hausse des frais d’exploitation découlant d’une rémunération accrue des salarié·e·s.

Le prochain chapitre aborde cette question en examinant l’évolution des dépenses des organismes scolaires reliées au transport scolaire ainsi que la profitabilité des transporteurs.

2. Analyse financière de l’industrie du transport scolaire au Québec

Le chapitre précédent a permis de montrer l’étendue des problèmes de prestation de services de transport scolaire ainsi que de déterminer, de manière générale, que le facteur de la main-d’œuvre constitue un élément central des bris de service répertoriés. La principale réponse du gouvernement a été la mise en place de primes salariales, dans une perspective de rétention et d’attraction de conductrices et conducteurs. Cette approche repose sur le postulat que les entreprises de ce secteur n’ont pas la possibilité de rémunérer davantage leur personnel et que l’État doit ce faisant combler le manque à gagner des travailleurs et travailleuses pour l’obtention de meilleures conditions de travail.

Dans ce chapitre, nous abordons ce sujet en présentant le modèle économique du transport scolaire au Québec et en analysant les données financières de cette industrie.

2.1 Description du modèle économique

Les services de transport scolaire au Québec sont organisés à partir de trois acteurs principaux assumant un rôle spécifique : le MEQ agit à titre de bailleur de fonds, tandis que les organismes scolaires gèrent et coordonnent le service en attribuant des contrats à des entreprises privées, qui, elles, ont la tâche d’assurer le transport. Une minorité des organismes scolaires assurent eux-mêmes le transport par le biais de véhicules scolaires qu’ils possèdent, ce dont traite une section ultérieure. Le transport scolaire est donc un service public sous-traité, à l’instar des services municipaux de collectes des résidus ménagers ou encore de certains services de transport en commun régionaux, tels que le réseau d’Exo, dans le grand Montréal.

Les services publics recourant à la sous-traitance privée offrent des conditions de marché spécifiques, qui ont pour effet de diminuer le risque pour les entreprises concernées. Dans le cas du transport scolaire, la demande (les élèves à transporter) est fixée par règlement, ce qui confère une grande prévisibilité au secteur. Ensuite, la taille du marché est stable et sujette à une faible volatilité. Finalement, le financement public du service confère une garantie importante à la disponibilité des fonds et au respect des contrats.

Le modèle économique du transport scolaire s’inscrit dans une dynamique de marché où la clientèle des transporteurs existe en vertu d’un droit prévu par la loi et où le service est financé entièrement par des fonds publics. Cet encadrement du marché entraîne des conséquences sur le plan de la rémunération du capital privé. En effet, dans une économie de marché libérale, les perspectives de rendement financier d’une industrie sont reliées à la part de risque associée aux investissements : un secteur d’investissement risqué doit offrir des perspectives de rendement supérieures afin d’attirer des capitaux en dépit du risque encouru ; à l’inverse, un secteur d’investissement peu risqué offrira généralement des rendements inférieurs.

Au Québec, le financement du transport scolaire par le MEQ est déterminé par son évaluation des coûts anticipés du service. L’élaboration quinquennale des « règles budgétaires » permet au MEQ d’estimer les coûts de service et de prévoir une enveloppe budgétaire comprenant également les coûts associés aux bénéfices engrangés par les transporteurs. En Ontario, où le modèle du transport scolaire est le même qu’au Québec, le ministère de l’Éducation a commandé en 2007 une étude à la firme comptable Deloitte afin d’évaluer les coûts de services de l’industrie du transport scolaire et de proposer une estimation d’un taux de rendement « qui soit comparable aux rendements du capital investi offert aux autres compagnies avec le même niveau de risque26 ». À cet effet, le rapport conclut :

Cet exercice a démontré que des gains bruts avant impôts de 8% étaient un bon niveau pour les propriétaires par rapport au niveau de risque lié à la prestation de services de transport par autobus scolaire. Ce rendement suppose qu’il n’y a aucune clause d’indexation au prix du carburant dans le contrat de l’exploitant qui protégerait la compagnie d’autobus des fluctuations des prix de l’énergie27.

La firme comptable soutient donc qu’un rendement avant impôt de 8 % est un taux acceptable. Notons à cet égard que les règles budgétaires du Québec prévoient diverses formes de clause d’indexation pour la fluctuation du prix du carburant, qui représente l’un des facteurs de risque principaux des transporteurs. Le taux proposé par Deloitte suppose l’absence de gestion contractuelle de ce risque.

Dans la prochaine section, nous proposons une évaluation du taux de rendement des transporteurs scolaires au Québec, afin de le comparer au baromètre de 8 % établi par Deloitte.

2.2 Estimation de la profitabilité de l’industrie du transport scolaire au Québec

L’estimation du taux de rendement des transporteurs est une information importante pour juger de leur marge de manœuvre financière et mieux comprendre la problématique de pénurie de main-d’œuvre. Les conditions salariales médiocres de cette industrie expliquent en partie la pénurie de personnel qui y prévaut. En ce sens, la faible rémunération de la main-d’œuvre s’explique-t-elle par un sous-financement public de ce service et des enveloppes budgétaires du MEQ insuffisantes, ou plutôt par une rétention trop importante des fonds obtenus par contrat par les transporteurs ?

Deux sources de données sont mobilisées pour évaluer la profitabilité de cette industrie : les statistiques fiscales des sociétés colligées par le ministère des Finances du Québec (MFQ); une analyse des données financières de l’entreprise Transport scolaire Sogesco, qui est, aux côtés de l’entreprise Transco, la plus importante entreprise de transport scolaire active au Québec. Chacune des sources renvoie à un échantillonnage distinct. Les statistiques du MFQ concernent l’ensemble des sociétés de transport scolaire du Québec, tandis que Transport scolaire Sogesco offre une étude de cas spécifique à une entreprise, la seule dont les données financières sont accessibles au public.

2.3 Analyse financière de l’industrie selon les données du MFQ

Les statistiques fiscales des sociétés, compilées par le MFQ, sont des données financières accessibles au public qui compilent des informations par secteurs économiques selon le système de classification du Québec28. Les données concernant l’activité « Transports par autobus scolaires » (CAE 4573) ont été obtenues par voie d’accès à l’information et permettent de connaître notamment les revenus bruts de cette industrie, les bénéfices nets, les salaires versés, les actifs, les impôts acquittés, etc. Cette activité économique est spécifique aux activités de transport d’élèves de cette industrie, celles concernant par exemple la production de véhicules scolaires étant compilées dans une autre catégorie. Au Québec, les sociétés disposent de cinq ans pour produire leur déclaration de revenus. Ainsi, l’année accessible la plus récente est 2019 et, en raison de changements méthodologiques importants dans la compilation effectuée par le MFQ, l’année 2012 est la période la plus ancienne disponible. L’analyse à la section suivante des données de Transport scolaire Sogesco concerne pour sa part la période de 2014 à 2023, ce qui permet de donner un aperçu de la dynamique financière récente d’une entreprise de cette industrie.

Afin de déterminer le taux de bénéfice net moyen avant impôt de cette industrie, nous avons divisé les revenus bruts par les bénéfices nets aux états financiers. Le tableau 5 présente les ratios obtenus.

Les données tirées des déclarations de revenus consolidés des entreprises de transport scolaire démontrent un taux de bénéfice net moyen avant impôt de 13,5 % pour la période de 2012 à 2019. Ce ratio de bénéfice net avant impôt est de 68,7 % supérieur au taux raisonnable de 8 % avancé par la firme comptable Deloitte dans son étude mentionnée plus haut. Sans égard à l’estimation de Deloitte, un taux de bénéfice moyen de 13,5 % constitue une performance remarquable comparativement aux ratios en vigueur dans l’ensemble de l’économie. Entre 2014 et 2024, le ratio avant impôt des bénéfices nets/revenus bruts des entreprises des secteurs non financiers a été en moyenne de 7,3 % au Canada29.

Les taux calculés au tableau 5 représentent une moyenne consolidée. Ainsi, ces données ne démontrent pas que l’ensemble des entreprises de ce secteur affiche un taux de bénéfice supérieur à 8 %. Certaines peuvent être en deçà de la moyenne, tandis que d’autres peuvent être au-dessus. Certaines données du MFQ étant gardées confidentielles, il n’est pas possible de comparer les taux des grandes entreprises à ceux des plus petites.

Le tableau 5 affiche une stabilité des revenus bruts de cette industrie, ce qui s’explique par le fait que la clientèle existe en vertu d’un droit prévu par la loi, et que le service de transport scolaire est financé par des fonds publics. Contrairement à d’autres entreprises du secteur du transport en commun, l’industrie du transport scolaire n’a pas à composer avec une fluctuation de la demande, ce qui se répercute positivement sur ses bilans financiers. Par exemple, le transport interurbain par autocar, aussi exploité par des entreprises privées, agit au contraire dans un marché où la demande n’est pas garantie et où le service n’est pas financé par des fonds publics. Le bilan financier de cette industrie affiche des revenus bruts fluctuants ainsi que des bénéfices nets négatifs30.

2.4 Analyse de la performance financière d’un transporteur scolaire

La section précédente a démontré la bonne santé financière de cette industrie. Or les données s’arrêtent à 2019, soit avant la poussée inflationniste qui a débuté en 2021. La hausse du prix du pétrole a contribué à une hausse généralisée des prix à la consommation. À cet égard, dans les règles budgétaires 2022-2023 à 2026-2027, l’indexation annuelle des allocations du MEQ aux organismes scolaires pour le financement du transport scolaire se fonde sur l’indice des prix à la consommation, mais intègre également un calcul propre à la fluctuation du prix du diesel31. Auparavant, les règles budgétaires antérieures prévoyaient tout de même un mécanisme de compensation pour la hausse des prix à la pompe, les organismes scolaires devant faire une demande d’allocation supplémentaire au MEQ32. Ces mesures protègent davantage les transporteurs des conjonctures inflationnistes.

L’entreprise Transport scolaire Sogesco rend ses états financiers disponibles dans la base de données SEDAR+. Ce transporteur scolaire est le plus important au Québec, desservant 34 CSS différents par le biais de ses 28 filiales actives au Québec33. Ce transporteur voyage quotidiennement plus ou moins 70 000 élèves au Québec, soit environ 13 % de l’effectif scolaire transporté34.

Le tableau 6 montre l’évolution du ratio entre les bénéfices nets et les revenus bruts pour la période de 2014 à 2023. On remarque que ce ratio n’a été affecté ni par la pandémie ni par la poussée inflationniste qui l’a suivie. À ce titre, le programme Subvention salariale d’urgence du Canada a contribué à ce bilan positif. Par exemple, le transporteur a reçu 9,87 millions de dollars en subvention salariale en 2021, ce qui représente environ 17 % de ses charges salariales usuelles.

Durant la période de 2014 à 2023, ce transporteur a conservé une moyenne de rendement net avant impôt de 15,53 %, ce qui est supérieur à la moyenne de 13,49 % constatée pour l’ensemble de l’industrie. L’étendue des activités des plus grands transporteurs permet à ceux-ci d’amortir plus aisément leurs frais fixes que les plus petits transporteurs. Comparativement au taux raisonnable de 8 % proposé par la firme Deloitte, Transport scolaire Sogesco affiche un rendement moyen doublement supérieur.

2.5 La marge de manœuvre financière des transporteurs

Les deux sources de données traitées dans la section précédente permettent de conclure que les transporteurs scolaires affichent un rendement financier avant impôt enviable. L’enjeu du rendement de ces entreprises ne date pas d’hier. Dans une lettre ouverte dans Le Soleil datant de 1997, le directeur général de l’Association du transport écolier du Québec (ATEQ), le regroupement des entreprises du secteur avant sa fusion avec la FTA, citait une étude commandée à Price Waterhouse par l’Association en 1996. La firme comptable y concluait que le rendement financier avant impôt des transporteurs scolaires avait été de 5,6 à 7,06 % pour l’année 1994-199535. À l’époque, le DG de l’ATEQ citait cette donnée pour soutenir qu’il n’était pas nécessaire de recourir plus systématiquement à l’appel d’offres public pour la signature des contrats entre les organismes scolaires et les transporteurs privés.

Aujourd’hui, la marge de manœuvre financière des transporteurs alimente toujours le débat. Dans une lettre de novembre 2021 adressée au MEQ, le président-directeur général de la FTA faisait valoir cet élément dans le cadre de la négociation des nouvelles règles budgétaires 2022-2023 à 2026-2027 et de la formule d’indexation des enveloppes budgétaires transférées annuellement du MEQ aux organismes scolaires pour le financement du transport. Voici un extrait de cette lettre :

En ce qui concerne l’enjeu de la main-d’œuvre, comme vous le savez, l’industrie fait face à une importante pénurie de conducteurs et conductrices d’autobus scolaires depuis quelques années et la situation s’est aggravée au cours de la dernière année. L’industrie fait face aussi à une surenchère entre les différents types d’emploi [sic] disponibles sur le marché.

Votre ministère a mis en place un programme pour favoriser la rétention du personnel [les primes salariales], mais force est de constater que cette mesure ne freine pas la pénurie, il faut donc mettre en place des mesures plus attrayantes pour le recrutement de nouveaux conducteurs et conductrices.

Une des avenues est de donner suffisamment de marge de manœuvre aux transporteurs scolaires afin qu’ils puissent offrir de meilleures conditions de travail à leurs employés36.

L’injection de fonds publics destinés à améliorer l’attractivité de ce secteur sur le plan des conditions de travail est l’avenue retenue à ce jour, tant par l’industrie que par le gouvernement. Or, cette approche fait l’impasse sur la responsabilité des transporteurs vis-à-vis des conditions de travail, où la marge de manœuvre financière bien réelle des entreprises de transport scolaire semble être canalisée vers le maintien d’un seuil de rendement appréciable, plutôt que vers une amélioration des conditions de travail en vigueur. Les primes salariales en provenance des fonds publics, versées directement aux salarié·e·s, sont une forme de subvention des profits de l’industrie du transport scolaire. Le rehaussement sans condition des enveloppes publiques du financement du transport scolaire peut également s’inscrire dans cette dynamique, puisque les entreprises de cette industrie sont de plus en plus concentrées, ce dont traite la prochaine section.

2.6 La concentration de l’industrie

Le rapport de 2011 du VG s’alarmait de la concentration de l’industrie. Cette diminution de la concurrence entre les entreprises du fait de l’augmentation de la taille de celles-ci par diverses acquisitions posait un risque pour les finances publiques, d’autant plus que les contrats de service sont en quasi-totalité conclus de gré à gré et non par appel d’offres public :

Au cours des 10dernières années, comme cela est permis par la réglementation, la quasi-totalité des contrats de transport scolaire a été accordée de gré à gré. Actuellement, les 10principaux transporteurs détiennent plus de 35p. cent des autobus et minibus. Ces éléments représentent un risque financier, d’où la nécessité d’évaluer l’efficience du processus d’attribution des contrats, de déterminer l’impact de la diminution du nombre de transporteurs et de définir les mesures à prendre, s’il y a lieu37.

Le rapport du VG ne fournissait pas la méthodologie employée pour estimer la concentration de l’industrie. Les informations disponibles permettent d’actualiser cette donnée. En se basant sur les sites internet des transporteurs, les différents communiqués de presse faisant état d’une nouvelle acquisition de la part d’un groupe, ainsi que les décisions administratives concernant les transporteurs et renfermant des informations sur ces derniers (Tribunal administratif du travail, Commission des transports du Québec), il est possible d’affirmer que la concentration de l’industrie a progressé depuis 2011. Le tableau suivant présente les actifs de véhicules scolaires détenus par les 10 principaux transporteurs de l’industrie, ainsi qu’un recensement des acquisitions récentes accomplies.

Les services de transport scolaire du Québec sont composés de quelque 11 000 circuits. À partir de la compilation du tableau 7, on peut affirmer que les 10 plus importantes entreprises de transport scolaire au Québec contrôlent environ 40 % des circuits de véhicules scolaires. Depuis 2011, le risque financier constaté par le VG s’est donc accru.

Une manifestation de ce risque est survenue durant l’été 2022, à l’occasion du renouvellement des règles budgétaires venues à échéance à la fin de l’année scolaire 2021-2022, ce qui coïncidait avec l’expiration de 60 % des contrats de transport scolaire liant les organismes scolaires aux transporteurs privés. À ce moment, des informations rapportées dans des articles de presse mentionnaient que les transporteurs privés avaient possiblement menacé de refuser le renouvellement de contrats avec les organismes scolaires si le gouvernement ne rehaussait pas le financement public du transport scolaire38. Les transporteurs demandaient un rehaussement de 20 à 25 % de la valeur des contrats. Dans la foulée, au moins un CSS avait déposé une plainte à l’Unité permanente anticorruption, à l’encontre de la concertation alléguée des transporteurs39 facilitée par le fait que, désormais, 10 de ces entreprises contrôlent tout près de la moitié du marché. Ce conflit intervenait d’ailleurs tout juste avant les élections générales d’octobre 2022 au Québec et la possibilité d’un bris de service majeur de transport scolaire à la rentrée scolaire préélectorale exerçait une pression supplémentaire sur le gouvernement.

Finalement, une entente est intervenue entre le gouvernement et la FTA, à quelques jours de la rentrée scolaire40. La possibilité qu’une négociation directe survienne entre la FTA et le gouvernement, qui avait d’ailleurs demandé l’intervention d’un médiateur41, a pour condition un certain degré de concentration du marché. Cette négociation entre la FTA et le gouvernement n’est en effet pas prévue par la loi, et émane d’une capacité d’organisation de l’industrie, qui est de plus en plus le fait de quelques groupes.

2.7 Portrait de la structure actionnariale d’un transporteur

Le caractère local du transport scolaire peut contribuer à l’idée que les entreprises de ce secteur sont détenues par des propriétaires québécois. Or le portrait de grandes entreprises de transport scolaire au Québec démontre une réalité tout autre. Le risque de subventionner un taux de surprofit engrangé par des transporteurs privés en position d’oligopole est d’autant plus inquiétant lorsqu’on observe la structure actionnariale d’entreprises de transport scolaire, qui s’éloigne de plus en plus du modèle de la PME locale qui prévalait au 20e siècle42.

L’entreprise Transco, qui contrôle approximativement 75 % du marché du transport scolaire à Montréal43 et qui a procédé à l’acquisition de quatre transporteurs québécois dans les trois dernières années, a connu des changements de propriété importants dans les trois dernières années. Jusqu’en 2021, le transporteur scolaire Transco était détenu par First Group, une entreprise privée britannique de plus de 30 000 salarié·e·s qui possède notamment le groupe Greyhound et exploite des entreprises ferroviaires en Europe. Le tableau 8 présente les 20 premiers actionnaires en importance de First Group.

Ensemble, ces fonds d’investissement privés détiennent 83,54 % de First Group, dont le groupe Transco était une filiale directe jusqu’en 2021.

En 2021, la multinationale First Group a vendu ses actifs de transport scolaire nord-américains à une entreprise multinationale suédoise du nom de EQT AB. Cette transaction a été évaluée à 4,6 milliards de dollars américains. En date du 31 décembre 2023, EQT AB cumulait des actifs sous gestion de 232 milliards d'euros. Contrairement à First Group, les actionnaires de la multinationale EQT sont davantage des individus fortunés. Le tableau 9 présente la liste des 10 premiers actionnaires de EQT AB.

La plupart des 18 actionnaires individuels sont des milliardaires suédois fondateurs de l’entreprise d’investissement EQT. Les conditions d’investissement qu’offre le marché québécois du transport scolaire sont avantageuses pour tout investisseur et expliquent pourquoi des entreprises d’investissement y voient des actifs financiers intéressants. Le marché du transport scolaire évolue en effet avec des variables économiques stables et garanties. Les revenus, la clientèle, le financement ainsi que l’incertitude principale relative au prix de l’énergie sont ou bien fixés par la loi, ou bien prévus dans les ententes contractuelles. Le taux de rendement moyen avant impôt avoisinant 15 % est donc non seulement élevé, mais sujet à peu de risque financier. Dans ce contexte, et en l’absence de modifications politico-économiques du secteur, les fusions et acquisitions des dernières années constatées au tableau 8 ainsi que la présence accrue de capitaux internationaux constituent une trajectoire économique forte.

Ce portrait actionnarial permet de constater que les profits de l’industrie du transport scolaire au Québec sont dans certains cas transférés à l’international. La dynamique de croissance de la concentration du marché du transport scolaire au Québec se déroule, dans le cas de Transco, à la faveur d’actionnaires internationaux, où des entreprises québécoises de transport scolaire sont de plus en plus rachetées par du capital privé étranger.

Lorsque les profits d’une industrie quittent le territoire, cela diminue davantage ses retombées économiques. Dans le cas de l’entreprise Transco, la multinationale qui la détient est composée de 346 filiales à travers le monde, dont 13 sont établies au Luxembourg, 2 aux îles Caïmans44 et d’autres entités aux Îles Vierges britanniques, à Guernesey, à Malte ou à Hong Kong, des endroits qui sont tous dotés d’importantes législations auxquelles recourent les entreprises pour éviter en toute légalité une partie de leurs obligations fiscales45. Habituellement, on justifie la détention étrangère d’une industrie par l’absence d’expertise locale ou l’insuffisance de capitaux nationaux. Ces justifications ne peuvent s’appliquer à l’industrie du transport scolaire, puisque ce service public existe depuis les années 1960 et était en mesure de se passer, jusqu’à tout récemment, d’une proportion croissante de capitaux privés étrangers.

La prochaine section dresse un portrait des modèles de transport scolaire aux États-Unis et dans les autres provinces canadiennes. Nous verrons que certains modèles en vigueur ailleurs ne sont pas aux prises avec une concentration de la propriété ou une internationalisation des capitaux.

2.8 Évolution des dépenses de transport scolaire des organismes scolaires

En 1998, le MEQ a repris la responsabilité du financement du transport scolaire. Ce changement s’est accompagné d’une diminution de 70 millions de dollars du financement public du transport scolaire. Le MEQ souhaitait contrôler davantage les coûts du service et a amorcé, à compter de 1998-1999, la publication annuelle d’indicateurs de gestion, présentant les dépenses de transport scolaire des organismes scolaires à partir de données plus précises que celles du ministère des Transports auparavant. L’objectif était de comparer les coûts entre les organismes scolaires dans une perspective de réduction.

L’année scolaire 2012-2013 a marqué la dernière année de la publication des indicateurs de gestion du MEQ. Depuis, il est difficile d’évaluer les dépenses consolidées reliées aux services de transport scolaire au Québec puisque cette information ne s’obtient qu’en compilant les données financières produites dans les états financiers respectifs des 72 organismes scolaires. Le graphique 4 présente les dépenses consolidées de transport scolaire du matin et du soir des organismes scolaires entre les années 2012-2013 et 2022-2023.

Graphique 4
Évolution des dépenses (M$) des organismes scolaires du Québec au titre du transport scolaire

Sources : États financiers des 72 organismes scolaires du Québec ; compilation de l’auteur.

En 2022-2023, les organismes scolaires du Québec ont engagé des dépenses de 808 millions au titre du service de transport scolaire du matin et du soir, ce qui, à titre indicatif, représente 4,2 % des dépenses du portefeuille ministériel de l’éducation cette même année. Dans la dernière décennie, les dépenses en transport scolaire des organismes scolaires ont augmenté de 193,7 millions de dollars, soit un taux d’augmentation moyen de 2,78 % par année. Ces données font état d’un rythme d’augmentation des dépenses en tout point semblable à la variation annuelle moyenne de l’indice des prix à la consommation du Québec (IPC), un indicateur d’inflation. Entre les années 2012 à 2023 inclusivement, le taux moyen d’augmentation de l’IPC du Québec a été de 2,22 %46.

Cette évolution du rythme de dépenses des organismes scolaires ne permet pas de constater un recul des dépenses de transport scolaire. Outre le niveau de financement, les indicateurs de gestion publiés par le MEQ permettaient également de comparer le coût du transport scolaire selon qu’il soit sous-contracté à des transporteurs privés ou organisé directement par les organismes scolaires au moyen de leur flotte d’autobus. La prochaine section aborde la question à partir d’une compilation à jour.

2.9 Le transport scolaire en régie

Au Québec, la quasi-totalité du transport scolaire est assurée par des transporteurs privés. Parmi les 72 organismes scolaires, seulement 6 sont propriétaires en tout ou en partie des véhicules scolaires utilisés pour transporter les élèves. Ce sont en tout et pour tout quelque 104 véhicules scolaires qui sont exploités selon ce modèle, soit moins de 1 % de la flotte totale. Ce modèle est désigné sous le nom de transport en régie, et est prévu par l’article 291 de la Loi sur l’instruction publique, qui précise que le tout doit recevoir l’approbation du ministre de l’Éducation. Deux motifs principaux en expliquent l’existence : l’absence ou la faible présence de transporteurs privés dans la région de l’organisme scolaire ; l’héritage de pratiques historiques datant du début du 20e siècle. Le premier facteur concerne tout particulièrement la commission scolaire Kativik47, qui est propriétaire des 25 véhicules scolaires utilisés pour desservir les établissements scolaires du Nunavik, où aucune entreprise privée de transport scolaire n’est active. Le second facteur réfère aux commissions scolaires anglophones en milieu rural, qui ont été les précurseurs de la prise en charge publique du transport scolaire au début du 20e siècle, bien avant son institutionnalisation formelle à compter des années 1950 et 1960. Pour ce faire, ces commissions scolaires étaient propriétaire de leur propre parc d’autobus. Aujourd’hui, les commissions scolaires anglophones Eastern Townships en Estrie et Eastern Shore en Gaspésie exploitent une partie des véhicules de transport scolaire. Avec 67 véhicules, la commission scolaire Eastern Townships est l’organisme scolaire propriétaire du plus grand nombre de véhicules scolaires au Québec. Les véhicules détenus par elle représentent la moitié de la flotte requise pour assurer le transport scolaire, l’autre part étant prise en charge par des transporteurs privés.

Les indicateurs de gestion du MEQ produits jusqu’à l’année 2012-2013 fournissaient des données distinctes entre le transport à forfait et celui en régie. À l’époque, le transport en régie représentait 107 véhicules. Le graphique 5 présente les données pour l’année 2012-2013.

Graphique 5
Comparaison des coûts du transport usuel par autobus et minibus entre le transport à forfait et le transport en régie, année 2012-2013

Sources : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, Indicateurs de gestion 2012-2013. Transport scolaire, Direction des statistiques et de l’information décisionnelle, 2014, p. 33.

Une analyse comparative des coûts du transport en régie et du transport privé pour l’année 2022-2023 donne des résultats comparables aux indicateurs de gestion produits par le MEQ en 2012-2013. Le graphique 6 présente ces coûts pour l’année 2022-2023.

Graphique 6
Comparaison des coûts du transport usuel par autobus et minibus entre le transport à forfait et le transport en régie, année 2012-2013

* Les indicateurs de gestion produits par le MEQ excluaient trois commissions scolaires nordiques en raison des conditions d’exploitation particulières, dont la commission scolaire Kativik, où prévaut le transport en régie. Les données excluent également ces commissions scolaires.

Sources : Rapports financiers TRAFICS des organismes scolaires du Québec ; compilation de l’auteur.

Ces données doivent toutefois être interprétées avec prudence, puisque leur comparaison implique des variables supplémentaires. En effet, les coûts sont tirés des rapports financiers des organismes scolaires, qui, dans le cas du transport en régie, excluent les coûts relatifs à l’amortissement des investissements. À l’inverse, les coûts du transport à forfait sont tirés du coût des ententes entre les organismes scolaires et les transporteurs privés, qui incluent nécessairement les dépenses d’amortissement engagées par les transporteurs et leur parc de véhicules.

Le coût moyen pour les kilomètres parcourus par des véhicules exploités en régie était de 38 % inférieur au coût moyen pour le transport à forfait en 2022-2023. Afin d’inclure les dépenses d’amortissement, on peut se référer aux états financiers de l’entreprise Transport scolaire Sogesco, présentée dans une section antérieure. Selon ceux-ci, les dépenses d’amortissement représentent en moyenne de 10 à 15 % des charges de ce transporteur, ce qui permet d’avoir une idée approximative du poids financier de cette catégorie de dépenses.

À partir de ces données comparatives et selon une estimation prudente, il est possible de soutenir que le transport exploité en régie par les organismes scolaires eux-mêmes n’est pas plus onéreux que le transport à forfait. Les principaux coûts de fonctionnement de ce secteur d’activité sont attribuables à deux facteurs premiers, soit 35 à 40 % pour la main-d’œuvre et environ 50 % pour le parc d’autobus (carburant, amortissement, entretien). En la matière, les deux modèles de transport scolaire, en régie et à forfait, doivent composer avec des coûts similaires. La section suivante poursuit cette analyse en présentant les modèles de transport scolaire pratiqués ailleurs au pays et en Amérique du Nord. D’autres études ont abordé la comparaison des coûts entre le transport assuré par le public et par le privé, ce qui permet de jeter un éclairage supplémentaire sur cette question.

2.10 Les modèles des autres provinces canadiennes

Le transport scolaire étant de compétence provinciale, les modèles d’encadrement de ce service public varient d’une province à l’autre. La pratique de la sous-traitance à des entreprises privées pour assurer le déplacement quotidien des élèves n’est pas la norme partout au pays. Le tableau 10 présente les modes d’exploitation des flottes de véhicules scolaires de huit provinces. On remarque que le Québec et l’Ontario sont les seules qui misent en quasi-totalité sur le transport privé pour l’organisation du transport scolaire. Tandis que le Manitoba et le Nouveau-Brunswick pratiquent un modèle presque entièrement public, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et l’Alberta préconisent une formule hybride. Des données sur l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador n’ont pu être trouvées.

Le modèle de sous-traitance à des entreprises privées introduit un élément de compétition dans le système, où des entreprises concurrentes doivent soumettre un prix compétitif pour obtenir les contrats dans le cadre du système d’appel d’offres. Or au Québec, la Loi sur l’instruction publique permet aux organismes scolaires de procéder par ententes de gré à gré. Le rapport de 2011 du Vérificateur général concluait « qu’au cours des 10 dernières années, la quasi-totalité des contrats de transport scolaire a été accordée de cette manière. Le recours à des appels d’offres est l’exception48 ». Il semble que le recours marginal à l’appel d’offres soit une caractéristique pérenne du transport scolaire au Québec, puisque durant l’année scolaire1985-1986, 93,6% des contrats avaient été octroyés de gré à gré49. Depuis 2019 et sur les quelque 55 000 contrats de transport scolaire conclus durant cette période, on dénombre 25 appels d'offres concernant des contrats de transport scolaire publiés sur le Système électronique d'appel d'offres du gouvernement du Québec.

Des recherches plus avancées permettant de comparer la performance des systèmes respectifs de transport scolaire des provinces canadiennes à partir de différents indicateurs seraient souhaitables pour évaluer les modèles d’encadrement de ce service public. La fréquence des interruptions de service est-elle plus ou moins importante selon le modèle en vigueur ? Le taux de rétention de la main-d’œuvre varie-t-il selon le caractère public ou privé du service au Canada ? Ces questions dépassent le cadre de la présente étude. On dénombre toutefois à ce jour et depuis une quarantaine d’années au moins 11 articles scientifiques ayant comparé les modèles privés et publics de diverses juridictions sous l’angle de leurs coûts économiques respectifs. Quatre de ces études ont conclu à des avantages économiques pour le modèle privé, tandis que les sept autres ont démontré l’inverse50.

Parmi les articles ayant conclu à un avantage économique de pratiquer un modèle public – l’étude de cas de Thomson sur l’État du Minnesota conclut à un avantage de 20 % –, on souligne l’absence d’un marché privé réellement compétitif. Selon les auteurs et autrices, l’absence de compétition annule l’un des avantages du modèle privé souvent mis de l’avant et fait du transport scolaire un marché plutôt oligopolistique. Deux raisons expliquent la prévalence d’un oligopole : la concentration de la propriété des entreprises ainsi que les barrières à l’entrée importantes du marché du transport scolaire.

Concernant la question des barrières à l’entrée, le facteur de l’accès à un terrain de stationnement des véhicules scolaires à proximité des établissements scolaires desservis est considéré comme un obstacle important à la possibilité pour plusieurs transporteurs de soumissionner sur un même contrat. À ce titre, l’étude sur l’État du Minnesota mentionnée plus haut rapporte la mise en place d’une politique publique novatrice pour surmonter cet obstacle et favoriser la compétition [traduction libre] :

Une nouvelle politique mise de l’avant dans certains arrondissements scolaires du Minnesota ayant le potentiel d’accroître la compétition entre les entrepreneurs implique la possession ou la location de cours d’autobus par les arrondissements scolaires eux-mêmes afin de permettre aux soumissionnaires gagnants de les utiliser51.

L’accès à une cour d’entreposage des véhicules scolaires à proximité de l’organisme scolaire ainsi qu’à un garage pour l’entretien et la réparation des véhicules sont en effet des nécessités logistiques importantes pour tout transporteur. D’ailleurs, l’entente de fusion de deux importants transporteurs scolaires des États-Unis, First Student et Laidlaw, a fait l’objet en 2007 d’une mesure de protection de la concurrence obligeant l’entreprise fusionnée à donner accès à ses baux de location de terrains d’entreposage de véhicules scolaires aux entreprises concurrentes ayant remporté les appels d’offres.

Afin de protéger le caractère concurrentiel de ce marché, une réglementation sur les cours d’entreposage pourrait voir le jour au Québec, où les contrats publics de transport scolaire ont d’ailleurs déjà fait l’objet de malversation de la part d’entreprises privées. En 1982, l’Association du transport écolier du Québec (aujourd’hui intégrée à la FTA) a été condamnée à une amende de 23 000 $ pour des pratiques de truquage d’appel d’offres dans le cadre de contrats octroyés par la commission scolaire régionale de Charlevoix52. L’existence d’un marché réellement concurrentiel est primordiale, puisque selon les quatre articles scientifiques ayant conclu à un avantage économique pour la sous-traitance privée, le facteur décisif repose sur le caractère concurrentiel du système d’appel d’offres53. À cet égard, le rapport du VG de 2011 a conclu à l’inexistence d’un marché concurrentiel au Québec.

2.11 Des projets pilotes de transport en régie

Devant le problème de pénurie de personnel, le gouvernement a principalement adopté la solution des primes salariales. Outre cette approche, un projet pilote s’inspirant du modèle du transport en régie est en cours depuis l’automne 2023. Le MEQ finance les initiatives de six CSS qui ont mis sur pied une équipe de conducteurs et conductrices de véhicules scolaires palliant les trajets annulés par manque de personnel. Par exemple, le CSS des Affluents, dans Lanaudière, possède depuis peu quatre autobus et en loue un cinquième, qui peuvent être conduits par six chauffeuses et chauffeurs directement embauché·e·s par le CSS.

Les résultats de cette initiative se reflètent sur les interruptions de service vécues par le CSS. Durant l’année scolaire 2022-2023, le CSS des Affluents affichait environ 6 500 circuits annulés, principalement à cause d’un « manque de chauffeurs », selon les documents obtenus en accès à l’information. Durant l’année scolaire 2023-2024 et en date du 21 mai 2024, la quantité de bris de service rapportés a fondu à 324, soit une diminution de 95 %.

Appelée à commenter cette initiative, la vice-présidente de la FTA, qui regroupe entre autres des entreprises privées de transport scolaire, affirme : « Là, on dilapide de l’argent d’un côté et de l’autre plutôt que de le concentrer, d’en envoyer à la bonne place54. » Cette opposition des transporteurs privés n’est pas étonnante, puisque le modèle en régie représente une menace directe à leur marché. Or, la charge de « dilapidation » avancée par la FTA n’est pas fondée, puisque les indicateurs financiers des différents modèles de transport scolaire ne permettent pas de conclure à un avantage économique pour le transport à forfait, au contraire. Le MEQ a d’ailleurs augmenté de 130 millions de dollars le financement du transport scolaire pour l’année scolaire 2022-2023, ce qui n’a pas eu d’effets positifs sur les bris rapportés, selon les tableaux présentés au chapitre précédent. Il semble au contraire plus exact d’affirmer que le rehaussement général et sans condition du budget du transport scolaire représente une forme de mal-financement, et que des initiatives s’écartant du modèle économique dominant du transport scolaire sont beaucoup plus porteuses.

Au Minnesota, le transport en régie a été étudié sous l’angle de la rétention de la main-d’œuvre. La Minneapolis Public Schools, la plus grande commission scolaire de l’État, recourt à parts égales à du transport en régie et à forfait. Des données compilées à cet égard démontrent que l’ancienneté des salarié·e·s du système en régie est en moyenne de 10,5 années, contre 3,7 pour les employé·e·s de transporteurs privés55. Les meilleures conditions de travail du secteur public expliquent cet écart. La différence sur le plan de l’expérience de conduite se répercute sur les statistiques des accidents, où les travailleurs et travailleuses du transport en régie de cette commission scolaire du Minnesota ont une moyenne de 1,86 accident par 100 000 milles parcourus, contre 2,49 pour les chauffeurs et chauffeuses du privé56. Le taux plus élevé de roulement du secteur privé affecte ainsi à la hausse la fréquence des accidents et les coûts relatifs à la formation de la main-d’œuvre.

Au Québec, environ 55 % des chauffeurs et chauffeuses de transport scolaire ne sont pas syndiqué·e·s. Les données comparatives de Statistique Canada entre les emplois syndiqués et non syndiqués à l’échelle canadienne démontrent que ces derniers offre des conditions salariales environ 8 % moins élevées57. Ces conditions de travail moins élevées peuvent à leur tour occasionner un taux de roulement plus élevé. Davantage de recherche en ce sens serait nécessaire pour comparer les taux de roulement en vigueur au Québec ainsi que dans les autres provinces canadiennes, où le transport en régie est la norme.

La comparaison des conditions de travail entre les conducteurs et conductrices employé·e·s par le public et le privé jette un éclairage sur la relation entre l’attractivité du métier et le modèle économique en vigueur. À ce sujet, la différence se situe notamment sur le plan des avantages sociaux, les transporteurs privés n’en offrant généralement pas (régime de retraite, assurance salaire, assurance médicaments, etc.)58. Au contraire, les salarié·e·s œuvrant dans le transport scolaire en régie touchent ces différentes protections59. Cette disparité est un facteur pouvant contribuer à l’attractivité de ce secteur d’emploi.

À cet égard, une politique de croissance des services de transport scolaire en régie pourrait possiblement offrir des conditions de travail accrues, diminuer la pénurie de main-d’œuvre et lutter contre les risques économiques posés par la concentration des entreprises de transport scolaire.

2.12 Le facteur des grèves

Outre la pénurie de personnel, les conflits de travail sont un facteur important d’annulation de parcours. En 2023, 121 grèves ou lock-out dans le secteur privé ont eu lieu au Québec, parmi lesquels 22 concernaient des conflits de travail dans le secteur du transport scolaire, soit près de 20 %60. À elle seule, l'entreprise Transport scolaire Sogesco était impliquée dans environ 45 % de ces conflits.

En Ontario, où le modèle d’encadrement du transport scolaire est semblable à celui en vigueur au Québec, les pouvoirs publics interviennent davantage dans la détermination des conditions de travail entre les transporteurs privés et les salarié·e·s. Plutôt que de s’en remettre au marché et au rapport de force employeur-employés pour fixer la rémunération, certains appels d’offres de CSS prévoient des rémunérations minimales que doivent respecter les entreprises soumissionnaires pour obtenir les contrats de transport scolaire. Au Québec, la Fédération des centres de services scolaires, qui regroupe les 61 CSS du Québec, fournit des contrats types liant les transporteurs aux CSS, que ceux-ci peuvent ensuite reprendre dans leur relation contractuelle respective61. À ce jour, les contrats types ne comportent pas de rémunération minimale. Une réglementation en ce sens pourrait améliorer les conditions de travail, diminuer la pénurie de personnel ainsi que la fréquence des conflits de travail.

3. Conclusion et recommandations

Environ 40 % du marché du transport scolaire est contrôlé par 10 entreprises. Faute de mesures politiques conséquentes pour faire suite au rapport du VG en 2011, qui indiquait clairement une tendance à la concentration de l’industrie, la situation s’est aggravée depuis. Les données présentées dans cette étude démontrent une prise de bénéfice importante de la part du secteur privé. Comparativement au rendement raisonnable moyen de 8 % avancé par la firme comptable Deloitte pour ce secteur économique, certaines entreprises obtiennent un taux de rendement moyen doublement supérieur. Afin de contrer cette dynamique et de freiner l’oligopolisation de l’industrie du transport scolaire, des efforts de décentralisation doivent être accomplis. À cet égard, et à partir des modèles pratiqués dans d’autres provinces canadiennes et par certains organismes scolaires du Québec, l’État doit faire contrepoids au secteur privé en augmentant la proportion de véhicules scolaires détenus par le public.

Dans un contexte de ruptures de service de transport scolaire, il importe de réitérer les mérites de ce service public. En plus de ses bienfaits écologiques, par sa qualité de transport collectif, le transport scolaire est un mode 72 fois plus sécuritaire que le transport à l’école par automobile62. Sa gratuité est également un atout pour la fréquentation scolaire et l’inclusion sociale, particulièrement pour les ménages moins nantis qui peuvent ne pas avoir accès à d’autres modes de transport alternatif pour assurer les déplacements scolaires des enfants et adolescent·e·s. Une étude en ce sens aux États-Unis a révélé la prévalence des familles à faible revenu dans le recours au service de transport scolaire, ce qui, à notre connaissance, n’a pas été accompli à ce jour au Canada63.

Les analyses présentées dans ce document ont abordé divers aspects du transport scolaire au Québec et permettent de dresser les constats suivants :

  • Les interruptions de service, à raison de plus ou moins 170 par jour scolaire dans les deux dernières années, sont principalement attribuables à des questions de main-d’œuvre.
  • Il n’existe pas de procédure et de norme communes de compilation des bris de service à l’échelle du Québec.
  • Le nombre de détenteurs et détentrices de certificat de compétence de transport scolaire semble engagé dans une tendance baissière. La proprotion des conducteurs et conductrices âgé·e·s de 55 ans et plus atteint désormais près de 70 %.
  • À ce jour, l’approche des primes salariales a constitué la principale réponse des pouvoirs publics à l’égard des bris de service systémiques.
  • Les entreprises de transport scolaire affirment qu’elles ne disposent pas de marge de manœuvre financière et réclament du financement public supplémentaire. Pourtant :
  • Le ratio entre les bénéfices nets avant impôts et les revenus bruts des entreprises privées de transport scolaire ont avoisiné 13,5 % durant la période de 2012 à 2019, soit un taux supérieur à la norme proposée par une étude de la firme comptable Deloitte en 2008.
  • Durant la période de 2019 à 2023, le taux moyen des bénéfices nets avant impôt sur les revenus bruts a été de 16,86 % pour l’entreprise Transport scolaire Sogesco, le plus important transporteur du Québec.
  • Les avertissements du VG émis en 2011 à propos des risques posés par la concentration du marché du transport scolaire au Québec sont demeurés lettre morte. Selon nos estimations, les 10 entreprises de transport scolaire les plus importantes contrôlent désormais environ 40 % du marché, comparativement à 35 % en 2011. Les acquisitions récentes d’entreprises de transport scolaire par de grands groupes indiquent qu’en l’absence d’intervention politico-économique, l’oligopolisation de l’industrie du transport scolaire se poursuivra dans les années à venir et représentera un risque accru lors du renouvellement des règles budgétaires du transport scolaire en 2027-2028.
  • Le rehaussement sans condition du financement public du transport scolaire ainsi que le programme de primes salariales comportent le risque de subventionner les profits du secteur privé, de plus en plus composé de fonds d’investissements privés étrangers.
  • Au Canada, le modèle économique et politique du transport scolaire est majoritairement public, et la sous-traitance systématique est, au vu des informations disponibles, le fait des seules provinces de Québec et de l’Ontario.
  • Le gouvernement du Québec a entrepris, de concert avec certains CSS, et malgré l’opposition des transporteurs privés, des projets pilotes de transport scolaire en régie. Cette initiative a eu des effets positifs marqués : les bris de service du CSS des Affluents, dans Lanaudière, ont diminué de 95 % entre les années 2022-2023 et 2023-2024, c’est-à-dire qu’ils sont passés d’environ 6 500 bris à 324 pour l’année 2023-2024, en date du 21 mai.

Les réponses politiques aux constats ci-dessus sont complexifiées par le caractère de sous-traitance du transport scolaire, où les actifs de ce service public n’appartiennent pas à l’État. Une partie des problèmes constatés découlent d’ailleurs de cet aspect. Dans une perspective de résilience du réseau et de rééquilibrage des rapports de force entre une industrie de plus en plus concentrée et un État et des organismes scolaires dépendants de ceux-ci pour la prestation du service, la constitution progressive d’une flotte publique partielle ou totale représente une avenue de réforme porteuse, à l’instar d’autres provinces canadiennes. Voici la synthèse des recommandations évoquées dans les chapitres d’analyse de cette étude :

  • Établir une compilation détaillée des bris de service de transport scolaire à l’échelle du Québec, dans une perspective de meilleure compréhension et d’amélioration de ce service public.
  • Introduire une rémunération minimale des conducteurs et conductrices dans le cadre de l’élaboration quinquennale des règles budgétaires du transport scolaire, de manière à assurer des conditions de travail attractives et éviter le risque de subventionner un taux de surprofit privé en rehaussant sans condition le financement du transport scolaire.
  • Établir au sein du MEQ une politique de compilation d’informations relatives aux entreprises privées de transport scolaire – nombre, taille, circuits de transport scolaire sous contrat, informations aux états financiers – et rendre disponibles au public les informations pouvant l’être. Cette pratique constituerait une forme renouvelée de publication d’« indicateurs de gestion » produits jusqu’en 2012-2013 par le MEQ.
  • Étudier davantage les barrières à la concurrence et les causes de la prévalence des ententes de gré à gré entre les organismes scolaires et les transporteurs privés, afin d’envisager des politiques réglementaires de protection de la concurrence telles que celles entourant la disponibilité des cours d’entreposage de véhicules scolaires à proximité des organismes scolaires.
  • Profiter du renouvellement en cours du parc de véhicules scolaires dans le cadre de la politique d’électrification du secteur pour favoriser la détention publique des véhicules et le transport en régie. Cette approche est de nature à diminuer les risques économiques posés par la concentration progressive de l’industrie du transport scolaire, en plus de prévoir des conditions de travail accrues.
  • Faire l’acquisition publique d’entreprises de transport scolaire privées, surtout celles susceptibles d’être vendues à de grands groupes ; intégrer leurs actifs dans les organismes scolaires à proximité par le biais du transport en régie. Cette démarche peut contribuer à rééquilibrer le rapport de force entre l’industrie du transport scolaire et l’État pour les questions entourant la concentration croissante du marché.

1 Compilation des rapports financiers (TRAFICS) respectifs des 72 organismes scolaires du Québec pour l’année 2022-2023, tableau « Dépenses du transport quotidien ».

2 AGENCE QMI, « Environ 1500 circuits d’autobus scolaires annulés depuis le début de l’année scolaire », Le Journal de Montréal, 7 octobre 2021, www.journaldemontreal.com/2021/10/07/environ-1500-circuits-dautobus-scolaires-annules-depuis-le-debut-de-lannee-scolaire-1.

3 VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2010-2011. Chapitre 4 : Transport scolaire, 2011, 41 p.

4 Afin de simplifier la lecture, le terme organisme scolaire sera employé pour référer à la fois aux centres de services scolaires et aux commissions scolaires du Québec.

5 Norman HURLEY et autres, Évaluation du programme d’aide au transport scolaire et son mode de financement, Ministère des Transports du Québec, « Études et recherches en transport », septembre 1993, p. 3. Serge CHAREST et Claude MARTIN, Transport scolaire. Analyse du système québécois, Ministère des Transports du Québec, « Études et recherches en transport », janvier 1988, p. 93.

6 Françoys D. GAUTHIER, L’industrie du transport scolaire au Québec. Analyse et synthèse de la documentation, Ministère des Transports du Québec, Bureau de l’innovation et de la recherche, avril 1987, www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1144605.pdf, p. 4. Réjean DROUIN, Plan de transport de l’Abitibi-Témiscamingue, Ministère des Transports, septembre 2000, www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/0935633.pdf, p. 7.

7 Serge LEFEBVRE, Réforme du transport écolier. Sous-région Lac St-Jean est, mémoire de maîtrise (gestion des P.M.O.), Université du Québec à Chicoutimi, 1984, p. 2.

8 Ibid.

9 MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC, 8285 autobus d’écoliers au service des Québécois : Livre blanc sur la réforme du système de transport des écoliers au Québec, 1981, 22 p.

10 MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC, Règles budgétaires pour les années scolaires 2022-2023 à 2026-2027. Transport scolaire, 2023, www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/ress_financieres/rb/RB_transport_scolaire_23-24.pdf, 35 p.

11 Dominique SCALI, « Pénurie de conducteurs : des jeunes sans transport scolaire chaque semaine », Le Journal de Montréal, 6 décembre 2022, www.journaldemontreal.com/2022/12/06/penurie-de-conducteurs--des-jeunes-nont-pas-dautobus-scolaire-chaque-semaine.

12 MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC, Demande d’accès à l’information 16310/24-92. La réponse fournie par le MEQ indique que cette compilation « relève davantage de leur [centres de services scolaires] compétence ».

13 CENTRE DE SERVICES SCOLAIRE DES MILLE-ÎLES, Demande d’accès à l’information, 13 juin 2024.

14 COMMISSION SCOLAIRE SIR-WILFRIED-LAURIER, Demande d’accès à l’information, 10 juin 2024.

15 Pour consulter un exemple type de documents reçus par les organismes scolaires et compilés par la suite, voir la réponse fournie par le CSS des Portages-de-l’Outaouais, accessible en ligne docs.google.com/spreadsheets/d/1tEUJLmA4BIgN6wLB7aDef4IGCKh7Qao8/.

16 Marie-Ève COUSINEAU, « Face aux bris de services, des CSS prennent le transport des élèves en main », Le Devoir, 25 janvier 2024, www.ledevoir.com/societe/education/805942/education-face-bris-services-css-prennent-transport-eleves-main.

17 MINISTÈRE DU TRAVAIL, DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE DU QUÉBEC, Règlement sur la formation des conducteurs d’autobus et de minibus affectés au transport des écoliers et de véhicules affectés au transport des élèves, Légis Québec, www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/t-12, r. 8, art. 2 (consulté le 8 août 2024).

18 INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC, Portrait des personnes aînées au Québec, 2023, statistique.quebec.ca/fr/fichier/portrait-personnes-ainees-quebec.pdf, p. 107.

19 On observe une croissance du taux d’emploi des personnes en fin de carrière et des personnes de 65 ans et plus depuis le tournant des années 2000 au Canada. Voir : Eve-Lyne COUTURIER et autres, Vieillir au Québec. Constats et solutions pour un meilleur système de retraite, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, avril 2023, iris-recherche.qc.ca/publications/vieillir-au-quebec/, p. 38.

20 COMITÉ D’ÉVALUATION DE L’EMPLOI DE CONDUCTRICE OU CONDUCTEUR DE VÉHICULE DE TRANSPORT SCOLAIRE, Rapport final, Comité mixte sur le transport scolaire, 2015, feesp.csn.qc.ca/wp-content/uploads/2018/08/rapport-final-evaluation-emploi-transport-scolaire.pdf, p. 11.

21 COMITÉ DE RÉFLEXION SUR LES ENJEUX DE LA PÉNURIE DE MAIN-D’ŒUVRE DANS LE SECTEUR DU TRANSPORT SCOLAIRE, Rapport du comité, 2019, p. 13.

22 Ibid., p. 1.

23 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Votre avenir votre budget. Plan budgétaire 2020-2021, www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2020-2021/fr/documents/PlanBudgetaire_2021.pdf, p. C -10 et C-13.

24 MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC, Programme d’aide financière pour la rétention des conducteurs d’autobus scolaires (PACFAS), www.education.gouv.qc.ca/references/tx-solrtyperecherchepublicationtx-solrpublicationnouveaute/resultats-de-la-recherche/detail/article?tx_news_pi1%5Bnews%5D=5272&cHash=23e6d7f045f71ffa51d44aaff305d90b (consulté le 13 juin 2024).

25 COMITÉ MIXTE SUR LE TRANSPORT SCOLAIRE, Rapport sur les travaux du Comité mixte sur le transport scolaire, 2012, p. 10.

26 DELOITTE, Analyse comparative des coûts – Transport des élèves, Ministère de l’Éducation de l’Ontario, août 2007, efis.fma.csc.gov.on.ca/faab/Memos/SB2007/Deloitte%20Cost%20Benchmark%20Study%20fre.pdf, p. 19.

27 Ibid.

28 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Code d’activité économique (CAE), www.registreentreprises.gouv.qc.ca/RQEntrepriseGRExt/GR/GR99/GR99A2_05A_PIU_AfficherMessages_PC/ActiEcon.html (consulté le 8 août 2024).

29 STATISTIQUE CANADA, Éléments du bilan et l'état des résultats financiers trimestriel ainsi que certains ratios, selon les branches d'activité non financières, tableau 36-10-0117-01, 23 août 2024, www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/cv.action?pid=3310022501.

30 Colin PRATTE et Bertrand SCHEPPER, Le transport interurbain par autocar : portrait d’une industrie à la croisée des chemins, IRIS, novembre 2023, iris-recherche.qc.ca/publications/transport-interurbain/, p. 7.

32 MEQ, Règles budgétaires pour les années scolaires 2017-2018 à 2021-2022. Transport scolaire, www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/ress_financieres/rb/RB_Transport-scolaire_17-18_21-22.pdf, p. 17.

33 BUSBUSBUS, Commissions scolaires, www.busbusbus.com/commission/ (consulté le 13 juin 2024).

34 Cette estimation se fonde sur le site internet du transporteur, indiquant que 80 000 élèves sont transporté·e·s par le biais de ses véhicules scolaires. Nous attribuons 10 000 de ces élèves aux 4 organismes scolaires ontariens qu’elle dessert. Voir : BUSBUSBUS, Service de transport scolaire, www.busbusbus.com/transport-scolaire/ (consulté le 13 juin 2024).

35 Gilbert ANDRÉ, « Les soumissions publiques. Peu d’avantages par rapport aux inconvénients », Le Soleil, 18 juin 1997.

36 Luc LAFRANCE, « Prochaines règles budgétaires », Fédération des transporteurs par autobus, Lettre du 25 novembre 2021 adressée à la sous-ministre adjointe à l’éducation, p. 2-3.

37 VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, op. cit., p. 4-3.

38 Daphnée DION-VIENS, « Le bras de fer se corse entre le réseau scolaire et les transporteurs », Le Journal de Montréal, 13 juin 2022, www.journaldequebec.com/2022/06/13/ca-joue-dur-entre-le-reseau-scolaire-et-les-transporteurs.

39 Ibid.

40 Frédérik-Xavier DUHAMEL, « Une nouvelle entente est conclue entre Québec et les transporteurs scolaires », La Presse, 25 août 2022, www.lapresse.ca/actualites/2022-08-25/une-nouvelle-entente-est-conclue-entre-quebec-et-les-transporteurs-scolaires.php.

41 Marie-Eve MORASSE, « Transport scolaire. Québec mandate un médiateur », La Presse, 17 août 2022, www.lapresse.ca/actualites/education/2022-08-17/transport-scolaire/quebec-mandate-un-mediateur.php.

42 Serge CHAREST et Claude MARTIN, op. cit., p. 93.

43 AUTOBUS TRANSCO, Votre partenaire de service de transport, autobustransco.ca/ (consulté le 8 août 2024).

44 Base de données Eikon Refinitiv.

45 Pour un portrait détaillé des stratégies fiscales des entreprises multinationales canadiennes recourant au Luxembourg, voir : Colin PRATTE et Sophie ELIAS-PINSONNAULT, L’évitement fiscal depuis le Luxembourg : la filière canadienne, IRIS, novembre 2023, iris-recherche.qc.ca/publications/evitement-fiscal-luxembourg/.

46 INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC, Indice des prix à la consommation (IPC), statistique.quebec.ca/fr/produit/tableau/indice-des-prix-a-la-consommation-ipc-indice-ensemble-canada-quebec-rmr-montreal-quebec-moyennes-annuelles (consulté le 8 août 2024).

47 Entrevue téléphonique avec Jeannie Dupuis, directrice générale adjointe de la commission scolaire Kativik, 17 juin 2024.

48 VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, op. cit., p. 4-15.

49 Serge CHAREST et Claude MARTIN, op. cit., p. 16.

50 Owen THOMSON, « The estimated cost impact of privatizing student transportation in Minnesota school districts », Public Choice, vol. 146, 2010, p. 320.

51 Ibid., p. 336.

52 Joseph MONTEIRO et Benjamin ATKINSON, « School Bus Transportation in Canada », Conference Paper, Proceedings of the Canadian Transportation Research Forum, Mount Royal University, 2012, p. 13.

53 Jeffrey M. VINCENT et autres, Beyond the Yellow Bus: Promising Practices of Maximizing Access to Opportunity Through Innovations in Student Transportation, Center for cities+schools – Université de Berkeley, mars 2024, escholarship.org/content/qt6fm3x3jw/qt6fm3x3jw.pdf, p. 15.

54 Marie-Ève COUSINEAU, op. cit.

55 Owen THOMSON, op. cit., p. 337.

56 Ibid.

57 STATISTIQUE CANADA, tableau 14-10-0134-01, Salaire hebdomadaire moyen, taux de salaire horaire et heures habituelles hebdomadaires moyennes selon la situation syndicale, données annuelles, mise à jour du 1er mai 2024, www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1410013401.

58 COMITÉ SECTORIEL DE MAIN-D’ŒUVRE DE L’INDUSTRIE DU TRANSPORT ROUTIER, Diagnostic sectoriel de main d'oeuvre. Transport routier de personnes, 2023, p. 122.

59 Convention collective S13 – Conducteurs d’autobus des CS anglophones 2023-2028 (CSQ).

60 MINISTÈRE DU TRAVAIL DU QUÉBEC, Liste des arrêts de travail au Québec, www.donneesquebec.ca/recherche/dataset/liste-des-arrets-de-travail-au-quebec (consulté le 10 juin 2024).

61 VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, op. cit., p. 4-15.

62 TASK FORCE ON SCHOOL BUS SAFETY, Strenghtening School Bus Safety in Canada, Transport Canada, 2020, publications.gc.ca/site/archivee-archived.html?url=publications.gc.ca/collections/collection_2020/tc/T22-243-2020-eng.pdf, p. 4.

63 Elizabeth J. WILSON et autres, « By foot, bus or car: Children’s school travel and school choice policy », Environment and Planning A, vol. 42, no 9, p. 2168–2185.

Faits saillants

  • Les bris de service en transport scolaire au Québec ont été en moyenne de 200 par jour lors de l’année scolaire 2022-2023 et de 137 par jour en 2023-2024, soit une moyenne respective de 8 000 et 5 500 élèves sans service. Ces nombres contrastent avec les années précédentes, où les bris de service étaient exceptionnels. La pénurie de personnel et les conflits de travail sont les deux facteurs premiers de ces bris de service.
  • Les données du ministère des Finances du Québec démontrent que le taux de bénéfice moyen avant impôt des entreprises de transport scolaire a été de 13,5 % entre 2012 et 2019. Durant la même période, le taux de bénéfice moyen avant impôt des entreprises non financières au Canada a été de 6,5 %. Transport scolaire Sogesco, qui contrôle environ 12 % du marché québécois, affiche un taux de rendement moyen avant impôt de 15,5 % entre 2014 et 2023.
  • En 2011, un rapport du Vérificateur général du Québec estimait que 10 entreprises contrôlaient 35 % de l’industrie du transport scolaire au Québec, ce qui posait un risque financier important pour les finances publiques, d’autant plus que la quasi-totalité des contrats de service est toujours conclue de gré à gré. Les 10 premières entreprises de transport scolaire contrôle désormais environ 40 % du marché.
  • Certains projets pilotes de transport scolaire menés par les organismes scolaires eux-mêmes ont permis de diminuer les bris de service causés par un manque de personnel entre les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024 ; jusqu’à 95 % dans le cas du centre de services scolaire des Affluents, dans Lanaudière.
  • Le recours systématique à la sous-traitance privée est l’exception plutôt que la règle au Canada. La flotte de véhicules scolaires de plusieurs provinces canadiennes est en tout ou en partie publique. Afin de faire contrepoids à la concentration de l’industrie et de lutter durablement contre la pénurie de main-d’œuvre, l’État québécois devrait augmenter la proportion publique des véhicules scolaires, qui est à l’heure actuelle de moins de 1 %.

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