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Lorsque l’austérité prend le transport en commun

3 novembre 2021

Lecture

4min

  • Colin Pratte

L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) anticipe un déficit cumulé de près de 1 milliard de dollars d’ici 2024 pour ses quatre sociétés de transport (STL, STM, EXO et RTL). Pour la Société de transport de Montréal (STM) seulement, on prévoit un déficit budgétaire de 62 millions de dollars pour l’année 2022. Réduction de services, hausse des tarifs et compressions dans le personnel: ce sont là certaines des mesures à l’étude pour combler les déficits entraînés par la baisse de l’achalandage. L’austérité est-elle la bonne stratégie à adopter pour améliorer la santé financière des réseaux de transport collectif?

À propos de la notion de déficit

D’abord, il faut se rappeler que si plusieurs réseaux de transport en commun sont en situation déficitaire, c’est parce que le transport collectif est financé partiellement par les personnes qui l’utilisent. À l’échelle du Québec, les usagers et les usagères du transport en commun versent 1,1 milliard de dollars par année par l’intermédiaire de la tarification des réseaux. Comme ils ont connu une baisse de leur achalandage allant jusqu’à 70%​​ depuis le début 2020 — celui de la STM n’atteint toujours que 50% de ce qu’il était avant la pandémie —,  leurs revenus tarifaires ont diminué dans une proportion similaire.

Par contraste, le transport routier n’est pas soumis au principe de l’utilisateur-payeur, mais plutôt à celui du propriétaire-payeur: des droits d’immatriculation sont perçus en fonction de la détention d’une voiture et non de l’usage de la voirie, mises à part quelques infrastructures ciblées (pont de la 25 et autoroute 30). Ce faisant, bien que la pandémie n’ait pas épargné l’achalandage routier, qui a diminué jusqu’à 60% durant le confinement, cette situation n’a causé aucun déficit, puisque l’usage de la route n’est pas directement tarifé, contrairement au transport en commun.

Austérité et transport en commun

Réduire les services ou hausser les tarifs pour pallier les baisses d’achalandage apparaît en ce sens comme contre-productif. Pour attirer les usagers et les usagères, il faudrait au contraire rendre plus attirant le transport en commun en augmentant le service et en diminuant sa tarification. Autrement, il faut craindre qu’un cercle vicieux s’installe, tel qu’illustré par le schéma ci-bas:


Cette trajectoire théorique dépend bien entendu de l’importance des réductions de services et des hausses tarifaires appliquées. L’ARTM envisage différents scénarios, le plus drastique étant celui d’une hausse des tarifs de 4% et d’une réduction du service de métro du tiers. L’application d’un tel scénario entraînerait assurément des effets négatifs sur l’achalandage, les grands perdants de ces mesures étant les efforts de réduction d’émission de gaz à effet de serre ainsi que les personnes qui utilisent déjà le transport en commun. Notons à cet effet que certains groupes seraient plus affectés que d’autres. Selon des données de Statistique Canada datant de 2016, 30% de la population d’origine immigrante du Québec utilisait le transport en commun pour se rendre au travail, contre 10% de la population non immigrante

Hausser la taxe sur les voitures de luxe pour financer le transport collectif?

En plus de solliciter des fonds publics, il serait possible de hausser les droits d’immatriculation additionnels s’appliquant aux voitures de luxe afin de combler le manque à gagner des réseaux de transport en commun. À l’heure actuelle, ils s’élèvent à 1% de la valeur d’une automobile excédant 40 000$. Ainsi, le ou la propriétaire d’une voiture de 75 000$ paiera 350$ supplémentaires par année (1% x 35 000$) en droit d’immatriculation. Cette taxe de luxe a permis d’amasser 28,5 millions de dollars au Québec en 2020. En augmentant la taxe à 3%, la somme perçue pourrait tripler et s’élever à environ 85 millions de dollars, lesquels pourraient être mis à contribution pour éponger le déficit de 62 millions de dollars de la STM en 2022 ainsi que celui d’autres réseaux de transport.

Un choix politique

En somme, l’heure est au financement public massif du transport en commun plutôt qu’à l’austérité budgétaire. Dans une perspective de justice sociale et de transition écologique, le gouvernement doit augmenter l’attrait du transport en commun et diminuer celui de la voiture en intervenant sur les droits d’immatriculation, les tarifs de transport en commun et les investissements dans les réseaux.

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1 comment

  1. Je crois que ce billet fait fausse route par omission.
    Pour commencer, le transport en commun est un besoin essentiel; une bonne tranche de la population l’emprunte pour éviter ou sortir de la pauvreté. La population n’utilise pas le transport en commun par gaieté de cœur, elle l’utilise par nécessité.
    Par la suite la recherche de solutions est étrangement tronquée. Si taxer les citoyens ou esquinter le service est sur la table, on ne parle jamais d’augmenter la contribution de ceux qui profitent vraiment du transport en commun: les corporations. C’est la même chose avec l’entretien des routes ou du système de santé; le premier réflexe est toujours de piger dans les poches du contribuable alors qu’augmenter les taxes corporatives suscite une énorme levée de boucliers et une armée de lobbyistes pour s’y opposer.
    Chomsky parle d’un débat très intense dans un spectre politique très étroit. C’est exactement ce qui se passe ici. Nous avons le choix entre augmenter les frais de transport ou le taxer à d’autres paliers. C’est, il me semble, une fausse alternative et je m’attends à ce que l’Iris la dénonce.

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