Les perdants de la reprise jusqu’ici
1 avril 2021
Après le tumulte des premiers mois de pandémie, on observe une certaine reprise économique au Québec comme au Canada. Bonne nouvelle, avouons-le. Cependant, au moment où les mesures d’urgence arrivent à leur fin, ce n’est pas tout le monde qui goûte au fruit de la relance. Pour éclairer l’un des angles morts de la crise actuelle, prenons le temps d’étudier l’évolution récente de la « destruction/création » d’emplois sous l’angle du salaire horaire. Cet exercice nous permettra de démontrer – on s’en doutait un peu –, qu’il est faux d’affirmer que nous sommes toutes et tous dans le même bateau face à la pandémie.
En utilisant les données mensuelles sur la répartition des salaires horaires selon la profession, disponibles seulement pour le Canada, nous pouvons suivre l’évolution du nombre d’emplois perdus dans la foulée de la pandémie. Le graphique 1 montre que de janvier 2020 au mois d’avril, soit au pire de la crise, c’est 2 7442 000 personnes qui ont perdu leur emploi. Depuis, la situation s’est presque rétablie, avec 299 200 personnes de moins en emploi en février 2021 comparativement à janvier 2020.
La reprise est donc manifeste. Cependant, les données globales masquent des disparités importantes. On s’en rend compte lorsque l’on analyse les données du graphique 1 par tranches de salaire horaire : moins de 12 $/heure, de 12 $/h à 19,99 $/h, de 20 $/h à 29,99 $/h et 30$/h et plus.
Comme on peut le voir au graphique 2, on constate alors que la reprise n’est pas au rendez-vous pour tout le monde. Dans la tranche inférieure des salaires horaires, soit les moins de 12 $/h, le nombre de personnes en emploi est de 31 % en dessous de son niveau pré-pandémie (182 000 emplois contre 264 500 en janvier 2020). Chez celles et ceux ayant un salaire horaire entre 12 $/h et 19,99 $/h, ce recul est de 15,8 %. La situation s’inverse ensuite. On remarque ainsi une hausse de 0,2 % du nombre de personnes occupant un emploi rémunéré entre 20 $/h et 29,99 $/h. Dans la catégorie des 30 $/h et plus, la hausse est de 9,6 %.
La conclusion s’écrit d’elle-même : en se basant sur l’indicateur du salaire horaire, 100 % du déficit à combler au chapitre de l’emploi se trouve chez les salarié·e·s gagnant moins de 20 $/h. Cette catégorie comptant actuellement seulement 28 % des emplois à salaire horaire, c’est dire la concentration du fardeau de la crise qui pèse sur les épaules des bas salarié·e·s.
Ce genre de constat n’augure rien de bon sur le plan de l’évolution des inégalités et de la fracture sociale qu’elle exacerbe. C’est donc une situation à suivre avec attention.