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Investir 70 millions de plus au stade du parc Jarry ?

3 août 2019

  • Bertrand Schepper

L’ouverture des Internationaux de tennis du Canada nous donne l’occasion de rappeler que Tennis Canada demande à tous les ordres de gouvernement un appui de 70 millions afin de doter le stade IGA, situé au cœur du parc Jarry, d’un toit rétractable. Alors que, depuis 1996, les investissements pour la mise en place du stade totalisent 53,4 millions (dont plus de 41,1 millions provenant de fonds publics) et que la Ville de Montréal alloue environ 1,7 million annuellement à Tennis Canada pour son entretien, cette nouvelle dépense est-elle justifiable ?

Tennis Canada est un OBNL dont la mission est de développer et de mettre en valeur le tennis au Canada. À ce titre, l’organisme possède et administre les volets masculin et féminin de la Coupe Rogers ainsi qu’une multitude d’autres tournois au Canada et les revenus qui en découlent. Le groupe s’occupe aussi de plusieurs programmes pour améliorer l’accessibilité du sport au pays.

Contribuer à l’économie de la ville

En appui à sa demande, Tennis Canada avance d’abord que le stade IGA contribue à l’économie de la ville. La construction d’un nouveau toit créerait certes des emplois pendant la phase de construction. Cependant, les salaires liés à la Coupe Rogers existent déjà et ont relativement peu d’effets sur les revenus de l’État. Les athlètes, quant à eux, n’habitent pas là où ils jouent et leurs dépenses au Québec sont limitées.

Les fonds investis dans le stade ne feraient en somme qu’enrichir Tennis Canada

À ce propos, dans leur essai Sports, Jobs, and Taxes : The Economic Impact of Sports Teams and Stadiums, les économistes Roger G. Noll et Andrew Zimbalist ont montré comme d’autres chercheurs avant eux que les retombées économiques locales des nouvelles installations sportives sont faibles, voire inexistantes. Selon les deux professeurs, ces constructions ne rapportent pas suffisamment de recettes fiscales pour s’autofinancer et encore moins pour dégager un revenu.

Le sport professionnel n’est financièrement intéressant pour un État que s’il devient une industrie d’exportation attirant des touristes et des acheteurs de droits de télédiffusion de partout sur la planète capables de faire augmenter le rendement d’un événement et, éventuellement, les dépenses dans l’économie locale. Or, les touristes intéressés par le tennis sont déjà au rendez-vous à Montréal, et les tournois canadiens sont déjà télédiffusés dans environ 185 pays. Enfin, il est peu probable de voir les revenus de télédiffusion augmenter de manière substantielle étant donné la crise que traversent les médias traditionnels.

Maintenir les droits de télévision

Tennis Canada soutient par ailleurs que le toit est nécessaire au maintien de la pérennité du tournoi et des revenus de télédiffusion. Certes, les réseaux de sports veulent assurer aux commanditaires des cases télévisuelles de grande écoute, situation qui peut être perturbée par une averse soudaine. C’est pour cette raison que les quatre grands tournois majeurs de tennis se sont dotés de toits ou sont en voie de le faire. Cependant, sur les neuf tournois des Masters de plus petite envergure, dont Montréal fait partie, seules les villes de Shanghai et de Madrid ont des courts fermés.

À l’heure actuelle, il semble donc difficilement justifiable d’investir de nouveaux fonds publics pour améliorer un amphithéâtre fonctionnel et favoriser la télédiffusion de matchs entre millionnaires pour des réseaux sportifs internationaux qui se financent par l’entremise de la publicité.

Il serait plus avisé d’utiliser ces mêmes fonds pour aménager des courts accessibles aux enfants, dans les écoles par exemple, afin de faire la promotion de la pratique du tennis, plutôt que de bâtir un nouveau gadget aux frais de l’État.

Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 3 août 2019 de La Presse

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