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La véritable heure juste sur la création d’emplois au Québec

22 juin 2018

  • Raphaël Langevin

Samedi dernier, les journalistes de la chronique l’ « Heure juste » du Journal de Montréal écrivaient que les récents chiffres sur l’emploi donnaient raison au premier ministre quant à sa promesse de créer 250 000 emplois entre 2014 et 2018. Les libéraux s’étaient donné cet objectif en campagne électorale et ont beaucoup claironné depuis qu’il a été atteint. Mais sur ce thème comme bien d’autres qui relèvent de l’économie et des finances publiques, il faut regarder au-delà des déclarations pompeuses pour comprendre qu’elles n’équivalent parfois qu’à de la poudre aux yeux.

Selon les données de l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada, il se serait effectivement créé tout près de 225 000 emplois entre avril 2014 et avril 2018 (en tenant compte des effets saisonniers). Or, il importe de rappeler que ce phénomène n’a rien d’exceptionnel. Au contraire, il est plutôt normal d’observer une telle fluctuation dans l’emploi depuis les 25 dernières années au Québec.

Le graphique suivant présente l’évolution de l’emploi depuis janvier 1993, soit la première période où nous pouvons constater un rétablissement du marché de l’emploi à la suite de la crise de 1991, qui a été assez sévère pour le Québec. La ligne noire montre la tendance linéaire de l’évolution de l’emploi entre janvier 1993 et mai 2018.

En utilisant le coefficient obtenu dans l’équation de régression, on obtient que bon an, mal an, il se crée environ 50 400 emplois en moyenne (0,138087 x 365 jours/année x 1000 = 50 401,8). Cela étant dit, la hausse observée de 225 000 emplois entre avril 2014 et avril 2018 correspond à une hausse d’environ 56 250 emplois par année sur 4 ans, soit environ 11,6 % de plus que la tendance de base de 50 400 emplois observée sur les 25 dernières années. Cette hausse de 11,6 % serait-elle un exploit dont il faut créditer le gouvernement libéral ? Autrement dit, cette hausse de l’emploi supérieure à la tendance de base peut-elle être considérée comme normale ou plutôt comme le résultat des politiques libérales en emploi des 4 dernières années?

La réponse à cette question se trouve dans le graphique suivant qui porte notre attention sur les années 2013 à 2018. On y voit que dès décembre 2013, l’emploi au Québec descend sous sa tendance de base (la ligne noire) pour n’y revenir qu’une seule fois en janvier 2018.

On peut donc affirmer clairement que la situation de l’emploi ne s’est pas améliorée par rapport à son état normal selon les données de l’EPA. Au contraire, l’emploi au Québec ne fait que revenir à sa tendance de base ! Il s’agit plutôt d’une situation tout à fait normale lorsque le gouvernement décide de réinvestir un tant soit peu dans l’économie, comme nous l’avons montré dans notre étude publiée hier.

Cependant, cette fameuse tendance de base est elle aussi influencée par les années où le gouvernement Couillard est en place. Afin de savoir réellement si le marché de l’emploi se porte mieux après qu’avant l’arrivée en poste du gouvernement actuel, il faut plutôt analyser si l’emploi se trouve en-dessous ou au-dessus de sa tendance antérieure, soit la tendance observée entre janvier 1993 et mars 2014. Le graphique suivant montre bien que l’emploi au Québec, durant toute la durée du gouvernement Couillard, est bien en-dessous du prolongement de la tendance observée de l’emploi entre janvier 1993 et mars 2014.

Cela étant dit, la performance du gouvernement Couillard n’est pas du tout exceptionnelle; elle peut même être qualifiée de médiocre car le marché de l’emploi actuel, selon les données de l’EPA, se retrouve en-dessous de la tendance observée avant l’entrée en scène du gouvernement Couillard. Alors, si la performance du gouvernement actuel en termes d’emploi est médiocre, pourquoi entendons-nous un peu partout que nous sommes en situation de plein-emploi? Simplement parce que le taux d’activité diminue constamment depuis 2003, notamment à cause du vieillissement de la population, et que le taux de chômage est calculé sur la base de la population active. Dans un contexte où le taux d’activité diminue constamment et où une quelconque relance économique survient, il est alors normal de voir le taux de chômage baisser, ce que nous vivons actuellement. La quantité d’emplois générés n’est cependant pas un exploit, malgré ce que le premier ministre semble insinuer.

Ce billet a été rédigé en collaboration avec Raphaël Langevin, co-auteur de l’étude « L’austérité a-t-elle contribué à la relance économique au Québec ? Analyse de l’impact économique des politiques budgétaires des 15 dernières années ».

Une autre billet a également été produit au sujet de l’étude : L’austérité a coupé 1000 $ par ménage au Québec.

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