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Des villes de plus en plus inégalitaires

2 mars 2018

  • Julia Posca

J’ai découvert en tombant sur un article (très mal traduit) du Huffington Post l’existence d’un groupe de recherche interuniversitaire qui travaille depuis 2004 sur les inégalités dans les villes au Canada. Une de leur plus récente publication dresse, à partir des données du recensement de 2016, un portrait préoccupant des grandes métropoles canadiennes.

Le constat principal de leur étude est que les villes canadiennes sont de plus en plus polarisées : on y trouve de plus en plus de pauvres et de riches, mais de moins en moins de gens de la classe moyenne. Plus précisément, on observe, depuis 1970, une augmentation de la proportion de gens qui, au sein de la population des métropoles, ont des revenus plus bas[1] ou plus élevés[2] que la moyenne, tandis que la proportion de gens dont le revenu se situe dans la moyenne[3] a eu tendance à baisser.

C’est à Calgary que l’écart s’est le plus creusé, puisque les inégalités y ont connu une hausse de 70% en quarante-cinq ans. Or, c’est Toronto qui remporte la palme de la ville la plus inégalitaire. On y retrouve à la fois une concentration d’emplois à haut revenu, notamment dans le secteur de la finance, mais aussi une population immigrante importante, dont les revenus ont tendance à être plus bas que la moyenne.

Le portrait est moins dramatique dans le Grand Montréal, mais le statut socioéconomique des habitants de la région métropolitaine a tout de même connu une transformation significative. Le pourcentage de gens qui ont des revenus se situant autour de la moyenne est passé de 70% en 1970, à 57% en 2015.

La part des résidents qui ont un revenu élevé a pour sa part augmenté d’un point de pourcentage pendant cette période, passant de 16% en 1970 à 17% en 2015. En revanche, la proportion des Montréalais qui ont un revenu considéré faible a doublé. Elle était de 13% en 1970, puis de 26% en 2015. C’est donc maintenant plus d’une personne sur quatre qui a des revenus faibles par rapport à la moyenne dans la grande région de Montréal. On peut voir dans une étude de 2005 que les couronnes nord et sud de Montréal se sont enrichies, tandis que de nombreuses poches de pauvreté sont apparues sur l’île, notamment dans les quartiers qui présentent une forte concentration de citoyens et de citoyennes issues de l’immigration comme Montréal-Nord, Saint-Michel ou Côte-des-Neiges.

Comment expliquer cette évolution ? Les raisons sont nombreuses, mais les auteurs en identifient quatre principales qui valent pour l’ensemble des centres urbains :

  • la diminution des transferts aux personnes pauvres et les baisses d’impôt consenties aux plus riches a contribué à l’accroissement des inégalités ;
  • le changement dans le tissu industriel des villes qui a entraîné une diminution des emplois syndiqués dans le secteur manufacturier et une croissance des emplois précaires dans le secteur des services ;
  • la hausse des prix de l’immobilier a fait fuir les propriétaires de la classe moyenne, tandis que l’offre de logements sociaux insuffisante chasse les personnes pauvres de certains quartiers ;
  • le changement dans la provenance des immigrants s’est accompagné d’une discrimination plus grande à l’endroit des personnes racisées, qui se concentrent dans certains quartiers où les logements demeurent abordables.

On savait que les inégalités augmentaient au pays depuis au moins trois décennies, une tendance à laquelle n’échappe pas le Québec. Par contre, ces données permettent de voir la dimension spatiale de ces écarts entre riches et pauvres. Les villes sont le lieu d’une fracture sociale grandissante qui mine la cohésion sociale et qui risque, à terme, de contribuer à l’exacerbation des tensions sociales. L’enjeu est de taille pour les administrations municipales, puisqu’elles n’ont pas en main tous les leviers pour agir sur les problèmes qui se cachent derrière la croissance des inégalités. Or, il importe de trouver des solutions à cette situation pour que les villes demeurent des lieux de vie accessibles aux moins nantis et attrayants pour les classes moyennes. Bref, des espaces où peuvent s’épanouir des communautés vivantes et diversifiées.


[1] Dans l’étude, le concept de revenu faible équivaut à un revenu avant impôt qui est au moins 20% inférieur au revenu moyen.

[2] Le concept de revenu élevé équivaut à un revenu avant impôt qui est au moins 20% supérieur à la moyenne.

[3] Le concept de revenu moyen équivaut à un revenu avant impôt qui est au plus 20% inférieur ou 20% supérieur au revenu moyen.

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