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Budget Morneau : Une autre année sur le neutre

28 février 2018

  • Guillaume Hébert

Dans son budget 2018-2019, le gouvernement Trudeau, une fois de plus, ne réponds pas aux attentes suscitées lors de son élection. En dépit de quelques mesures sociales bienvenues, le ministre Morneau poursuit sur la lancée de ses deux premiers budgets : il échoue à opérer une véritable reconfiguration des politiques économiques et budgétaires comme l’avait fait le gouvernement précédent qui n’avait pas hésité à utiliser sa majorité parlementaire pour imposer un programme politique férocement conservateur. Le troisième budget de l’ère Trudeau ne fait guère de vague, en attendant la prochaine année électorale, semble-t-il.

Les perspectives économiques ont peu évolué depuis la mise à jour économique de décembre qui montrait l’embellie économique canadienne de l’année 2017, qui s’est traduite par une hausse de 1% du PIB. La marge de manœuvre gagnée avec cette évolution aura permis d’accroître de 3,1 milliards les hausses de dépenses prévues pour le prochain exercice (19,5G$), tout en réduisant le déficit de 500 millions, à 18,1 G$. Sur un budget de 338,5 milliards de dollars, il s’agit de sommes minuscules.

D’ailleurs, comme le déficit ne correspond qu’à 0,8% du PIB, le solde négatif n’empêchera pas la poursuite de la réduction de la taille de la dette fédérale lorsque comparée au PIB. La prévision du gouvernement est que cette dette passera comme prévu sous la barre des 30% du PIB en 2019-2020.

Le cas précis de la réforme fiscale de Bill Morneau est à l’image de l’échec général des Libéraux à appliquer des politiques un tantinet ambitieuses. Après avoir maintes fois répété que le gouvernement rétablirait une forme de justice fiscale pour « les Canadiens de classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour en faire partie », il a reculé sur l’essentiel de la réforme présentée en juillet dernier. Au moins, la mesure qui réduit l’attrait de l’incorporation pour les professionnels de la santé demeure.

Comme le ministre Morneau avait beaucoup reculé sur des mesures précises, plusieurs associations d’entreprises craignaient qu’il ne revienne à la charge avec une hausse de l’impôt sur le gain en capital. Rappelons que si vous tirez un revenu du capital, seule la moitié (50%) de ce gain sera soumis à l’impôt. En revanche, si comme pour la plupart des gens, votre revenu provient d’un salaire, vous serez imposé sur 100% de ce revenu. Des rumeurs disaient donc que le ministre ferait passer l’impôt sur le capital à 66%, voire même peut-être à 75%. Rien de cela n’est arrivé et il ne reste par conséquent plus grand-chose de la fameuse réforme pour rendre justice à la classe moyenne…

Le budget de cette année permet de découvrir que le gouvernement essuiera des pertes d’environ un demi-milliard annuellement en recettes douanières lorsque le Partenariat transpacifique entrera en vigueur. Le débat sur le libre-échange s’articule souvent entre les pans de la souveraineté nationale que l’on abandonne et la croissance économique à travers l’accroissement du commerce. On prend maintenant la mesure des pertes en termes de revenus. Elles sont majeures : 455 M$ dès 2019-2020 et on prévoit que les pertes annuelles atteindront 597 millions en 2022-2023.

Un autre demi-milliard sera dépensé pour épater – et protéger – la galerie au Sommet du G-7 qui se tiendra au Québec l’été prochain. Une série de mesures disséminées dans le budget font monter la facture à 605 M$. Avec une telle dépense, on se dit que la petite fête à 250 000 $ organisée par le maire durant les festivités du 375e de Montréal était une véritable aubaine…

Le budget était largement annoncé comme dédié à l’égalité entre les genres et à la science.

Sur l’angle féministe, le budget comporte plusieurs avancées. Il s’agit certainement de la principale consolation qu’il contient. La grande nouvelle est l’amélioration importante du congé parental. Malheureusement, le Québec n’en profitera pas puisqu’il a déjà son propre programme et qu’avec un taux de remplacement entre 70% et 75%, il demeurera supérieur au programme fédéral à 55%. Le gouvernement annonce aussi qu’il réalisera l’équité salariale pour les personnes des secteurs sous réglementation fédérale, ce qui inclut les contractants. Le budget compte aussi plusieurs autres petites mesures, dont une aide internationale féministe qui atteindra près de 327 M$ en 2019-2020 et même 613M$ en 2022-2023. Notons enfin que ce budget est le premier à appliquer une analyse différenciée par les sexes (ACS+).

Certains déplorent néanmoins que contrairement à la Colombie-Britannique, qui a suivi l’exemple du Québec en annonçant la semaine dernière son propre programme de garderies publiques, le gouvernement fédéral n’a rien fait sur cet enjeu qui demeure un problème majeur dans la plupart des provinces canadiennes.

Du côté de la science, parmi les diverses mesures annoncées, dont plusieurs tout à fait bienvenues dans les fond de recherche, une somme de 150 M$ est prévue pour le « Programme d’aide à la recherche industrielle », qui consiste à mettre des fonds à disposition d’entreprise privée sans guère de reddition de compte.

Parmi les autres mesures sociales, le gouvernement bonifie l’allocation au travail. Les travailleurs qui gagnent jusqu’à 15 000$ recevront cette augmentation qui allant jusqu’à 500$. Le principal problème de ce mécanisme est qu’il s’adresse aux travailleurs seulement, avec pour raisonnement sous-jacent que les sans-emplois ne font pas d’effort suffisant pour travailler. Pour combattre la pauvreté et les inégalités, les transferts universels sont de loin supérieurs et le gouvernement aurait beaucoup de marge de manœuvre pour faire bien davantage en la matière. Cette mesure coûtera à terme 200 M$ par année.

L’une des grandes nouvelles entourant le dépôt du budget concerne le dossier des médicaments. On apprenait hier, avant le dépôt du budget, qu’Eric Hoskins, ministre de la Santé démissionnaire de l’Ontario, doit maintenant être nommé à la tête d’une commission chargée de déterminer la meilleure façon d’implanter un régime d’assurance-médicament public pour l’ensemble du Canada. Le budget ne donne pas de détails précis, et il faudrait être vigilant pour ne pas reproduire les coûteuses erreurs du Québec dans le domaine, mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une grande nouvelle.

Le budget reste silencieux sur la Banque de l’infrastructure du Canada. Après avoir alimenté beaucoup de spéculations l’année dernière, on ne parle plus trop de cette nouvelle organisation pourtant installée et fonctionnelle. On ignore tout de sa progression, de si les partenaires privés sont au rendez-vous et quelles seront les modalités financières des projets. Rappelons qu’elles suscitaient énormément d’inquiétudes.

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