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Trump, l’idiot utile qui trolle la planète

7 juin 2017

  • Bertrand Schepper

Ça y est : Trump a décidé que les États-Unis allaient se retirer de l’accord de Paris. Le contraire aurait été étonnant après qu’il ait nommé un climato-sceptique à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement. Pour justifier cette décision, le président américain prétend que l’accord est un mauvais « deal ». Selon lui, l’accord défavorise les industries du pétrole, du gaz et du charbon aux États-Unis. Ainsi, ce retrait permettrait aux Américains de reprendre en main leur destinée énergétique qui aurait souffert d’une trop grande réglementation.

Cette hypothèse est complètement farfelue, étant donné que l’accord de Paris n’est pas contraignant pour les États-Unis. De plus, l’agonie de l’industrie du charbon est avant tout liée à l’augmentation de la production du gaz naturel, plus écologique et plus rentable. L’industrie du pétrole se trouve aussi dans une situation similaire puisque l’augmentation des parts de gaz naturel sur le marché énergétique l’a saturé. Ainsi, bien que le prix des barils de pétrole ait connu une certaine hausse cette année en se positionnant autour de 50 $ US, le prix reste largement inférieur à ceux de 2014 au cours de laquelle le baril s’échangeait à plus de 110 $ US. Bref, l’offre en énergie sur les marchés mondiaux est telle que le prix du baril reste généralement faible. Ainsi, contrairement à ce que l’America First Energy Plan de Trump prétend, la réglementation n’a pas eu d’effet sur le prix des hydrocarbures, mais c’est l’apport du gaz qui a changé la situation. En fait, une déréglementation aurait plutôt comme effet d’augmenter l’offre de pétrole au niveau international et de diminuer les coûts des barils, ce qui nuirait aux exportateurs nord-américains qui seraient incapables d’écouler leur surplus sur les marchés internationaux. Ce n’est pas pour rien que les grands joueurs de l’industrie comme Exxon défendent les accords de Paris. À long terme, ces industries préfèrent des accords internationaux connus plutôt que de nager dans l’inconnu comme ce sera le cas dans les années à venir.

Et si Trump savait tout ça?

On se fait un plaisir de se moquer du Donald, mais il est difficile de croire que lui ou ses conseillers sont incapables de reconnaître l’importance de ces accords sur l’économie et la réputation américaines.

N’avait-il pas signé en 2009 dans le New York Times une lettre exhortant le président Obama à participer aux Accords de Copenhague afin de conserver un rôle de leader dans ce dossier? À l’image de certains ouvriers du secteur du charbon (voir à 1 min 43 s) qui veulent tout de même gagner leur vie, la Maison-Blanche est consciente que l’enjeu des changements climatiques doit être abordé de front. En fait, 69 % des américain-es républicain-es ou démocrates sont en faveur de l’accord de Paris, un facteur que le président ne peut ignorer.

Alors, qu’a-t-il à gagner?

Selon Michael Grunwall de la revue Politico, Trump, incapable de faire passer ses projets électoraux de construction d’un mur à la frontière du Mexique et en manque de crédibilité diplomatique suite à ses nombreux déboires, fait un gros doigt d’honneur à l’ensemble de la communauté internationale. Ce faisant, il remplit une de ses promesses électorales et se fige dans une image de rebelle sans répit qui ne permettra pas aux étrangers d’essayer de dire à l’Amérique ce qu’il faut faire, ce qui fait de lui une sorte de troll diplomatique très populaire sur sa base électorale.

Bien que cela semble drôle à première vue, cette position ressemble étrangement aux stratégies de Trump élaborées dans son livre The art of the deal. L’une d’elles consiste à créer la confusion et le chaos autour de soi afin de faire adopter aux autres intervenants des positions défensives et ainsi demeurer systématiquement un acteur incontournable dans la discussion. Alors que Trump veut renégocier les accords de libre-échange internationaux, il est raisonnable de croire que le retrait des accords de Paris fait partie de sa stratégie de négociation.

Est-ce que cela change quoi que ce soit?

Il faut le rappeler, l’accord de Paris est loin d’être optimal, mais ses objectifs sont atteignables et soutenus par de nombreux États, villes et industrie états-uniens. Dans ces conditions, je suis d’avis qu’à long terme, les positions de Trump sur la question environnementale seront tout simplement ignorées et que d’autres leaders plus éloignés de l’État fédéral prendront le relais, comme la Californie. La vraie question est plutôt de savoir si les engagements des États seront suffisants pour atteindre les cibles de Paris. Pour le moment, c’est assez peu probable. En ce sens, Trump est bien visible dans son refus de participer aux accords de Paris. À l’image du troll, il veut se faire voir pour toutes les mauvaises raisons, mais malheureusement il n’a pas à recevoir de leçon d’autres chefs d’État qui, malgré leurs belles promesses, n’ont souvent de vert que leurs beaux discours.

À mon avis, le troll fait figure d’idiot utile pour la communauté internationale qui passe plus de temps à l’attaquer sur son retrait des accords de Paris qu’à réellement présenter des projets porteurs de lutte aux changements climatiques.

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