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Budget fédéral : les «voies ensoleillées» s’assombrissent

31 mars 2017

  • Guillaume Hébert

Nous y voici. Après avoir présenté un premier budget et une mise à jour économique en 2016, le ministre des Finances Bill Morneau devait maintenant livrer la marchandise à l’occasion du deuxième budget de l’ère Justin Trudeau. Mission accomplie ? Non.

Le Budget fédéral de 2016 avait ouvert la porte à un changement important quant à la politique budgétaire canadienne. Le changement de ton était indéniable. Il tranchait avec la décennie conservatrice en prétendant renouer avec un État plus interventionniste, en particulier à travers le développement d’infrastructures.

Malheureusement, le Budget 2017 donne l’image d’un gouvernement qui tergiverse et repousse une fois de plus la réalisation du grand plan structurant pour l’économie qu’il a fait miroiter.

Le déficit du présent exercice budgétaire sera de 28,5 milliards de dollars, en incluant une nouvelle réserve en fonction du risque de 3G$ (la précédente faisait 6G$ et avait été absorbée dans le dernier exercice). En s’obstinant à maintenir le déficit sous la barre des 30 milliards, il ne parvient pas à déployer un plan cohérent, voire un plan tout court. Le gouvernement se contente plutôt de mesures fragmentées et excessivement timides (y compris des concours visant à développer des « supergrappes » industrielles), qui ne tirent pas suffisamment profit de la marge de manœuvre budgétaire dont il bénéficie étant donné la faiblesse de son endettement – 31,6% du PIB – et le niveau historiquement bas des dépenses gouvernementales, soit 14,4% du PIB.

Il aurait d’ailleurs pu dépenser davantage sans accroitre l’ampleur du déficit, par exemple en imposant pleinement les gains en capitaux qui profitent principalement aux plus nantis de la société. Contrairement à ce que disaient certaines rumeurs, le gouvernement ne fait strictement rien à cet égard, pas plus qu’il ne verra à l’imposition des dividendes. Quant à la lutte à l’évasion fiscale (+122M$) et aux échappatoires fiscaux (+54M$), il est toujours ardu d’évaluer les initiatives gouvernementales en la matière puisque les circuits financiers mondiaux semblent toujours jouer avec plusieurs coups d’avance. Il s’agit de montants certainement largement inférieurs aux pertes fiscales à ce chapitre.

Le budget ne donne aucun nouveau détail sur la Banque de l’infrastructure du Canada que le ministre Morneau avait annoncée dans la mise à jour économique de décembre. On explique simplement que le « gouvernement amorcera un processus destiné à désigner le chef de la direction et le président du conseil d’administration » dans un projet de loi (p. 134). C’est dire que faute de transformer l’économie canadienne, le ministre Morneau s’engage à « transformer la façon dont l’infrastructure est planifiée, financée et mise en place au Canada » (p. 133). Cette affirmation tend par conséquent à confirmer les craintes concernant l’engagement électoral qui a porté Justin Trudeau au pouvoir. En effet, les investissements massifs dans les infrastructures pourraient marquer l’entrée en scène massive de bailleurs de fonds privés et par conséquent une privatisation accrue des services au Canada. Une telle évolution entraînerait un coût plus élevé pour les utilisateurs et pour les finances publiques, en plus d’orienter leur développement sur des impératifs de rentabilité plutôt que sur les besoins réels de la population.

Le Budget 2017 évoque le Réseau électrique de Montréal (REM) – dont l’IRIS est très critique – lorsqu’il explique vaguement que la BIC investira au moins 5 G$ dans les transports en commun (une des nombreuses informations du budget qu’on l’on possédait déjà).

Le ministre Morneau se vante à répétition dans son budget de promouvoir les énergies propres et de combattre les changements climatiques. Or, il déçoit de nouveau à ce chapitre. Il reporte de 750 millions cette année et 500 millions l’année prochaine les dépenses dans le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone (p. 172) et supprime le crédit d’impôt pour le transport en commun, ce qui privera les contribuables de 150 millions (Mesures fiscales : renseignement supplémentaires, p. 6). En ajoutant dans l’équation la question des pipelines ainsi que la reconduction des subventions de 1,5 milliard à l’industrie liée aux combustibles fossiles, l’action gouvernementale en environnement se limite visiblement aux relations publiques.

Toute une section du budget traite de l’égalité des chances entre les sexes ce qui tend à renforcer l’image progressiste que gouvernement. On aborde même la question des violences qui touchent les LGBTQ2. Mais il s’agit à nouveau de principes qu’on évoque en vue d’éventuelles annonces qui surviendront un jour. Peut-être. Et peut-être pas suffisamment.

Pour son deuxième budget, le gouvernement Trudeau déçoit. Comme s’il s’imaginait que les relations publiques et les images peuvent suffire à faire de la politique, il laisse la population canadienne en plan. Cette tergiversation est dangereuse puisqu’à notre époque, les populations ne semblent plus avoir guère de patience pour les gouvernements centristes qui cachent leur vacuité derrière de beaux principes.

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