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Le Québec : une société d’accueil qui accueille bien mal

29 septembre 2016

  • Julia Posca

Le journal Les Affaires signalait la semaine dernière un reportage de la BBC relatant l’histoire de Wang Lai Ming qui, après avoir immigré en Nouvelle-Zélande, a changé son nom pour Terence King afin de se trouver plus facilement un emploi. Cette histoire nous rappelle tristement que, dans plusieurs pays, les personnes immigrantes s’intègrent plus difficilement au marché du travail parce qu’elles sont victimes de discrimination. Et comme nous le montrons dans une note parue hier, c’est aussi le cas au Québec, où les inégalités persistent entre les personnes nées au Canada et celles nées dans un autre pays.

Les personnes nées ailleurs ont un taux d’emploi inférieur à celui des personnes natives (72% contre 83%), leur taux de chômage est environ deux fois plus élevé, tandis que 43% d’entre elles occupent un emploi pour lequel elles sont surqualifiées (contre seulement 29% dans l’ensemble de la population). Résultat : leur revenu disponible médian ne représente que 83% de celui des personnes natives et elles sont plus nombreuses à occuper un emploi à faible revenu.

La situation des femmes immigrantes est encore plus déplorable, puisque 46% d’entre elles sont en situation de surqualification, tandis que leur revenu disponible médian, à 20 410$ en 2013, représente 89% de celui des femmes non immigrantes, et seulement 60% de celui des hommes non immigrants.

Pourtant, les deux tiers des personnes qui immigrent au Québec sont admises sur la base de leurs qualifications et de leurs compétences professionnelles. Elles sont donc pour la plupart plus scolarisées que les personnes nées au pays, et la majorité maîtrise au moins le français.

Le gouvernement libéral s’est toujours dépeint comme un champion de la diversité et de l’inclusion. Toutefois, dans les faits, la situation des personnes immigrantes ne s’est pas améliorée au cours de la dernière décennie. Pire, les récentes compressions et mesures d’austérité porteront assurément atteinte à leur insertion.

Tant la diminution de 25% de l’offre de sessions d’accueil et d’orientation destinées aux personnes nouvellement arrivées que la fermeture des bureaux du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion en région – pour de maigres économies annuelles de 4,6 millions de dollars – ne pourront qu’entraver notre capacité à accueillir adéquatement les néo-Québécois·e·s. À ce chapitre, rappelons également les coupes subies par les organismes communautaires qui viennent en aide aux personnes immigrantes.

Pour faire tomber les embûches que rencontrent les nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants dans leur projet d’immigration et mettre fin à la discrimination systémique dont ils et elles sont victimes, des efforts doivent être faits en matière de reconnaissance des diplômes et des expériences obtenus à l’étranger. On pourrait également augmenter l’offre de stages et de formations en emploi en plus d’encourager l’implantation de programmes d’accès à l’égalité en emploi dans les entreprises privées.

La nouvelle politique en matière d’immigration, de participation et d’inclusion promet d’arrimer l’immigration aux besoins des entreprises, mais rien ne garantit que cette nouvelle méthode réduira les inégalités entre personnes natives et personnes immigrantes.

En outre, le candidat à la chefferie du Parti québécois Jean-François Lisée ainsi que le chef de la Coalition avenir Québec François Legault ont tous deux laissé entendre dans les dernières semaines que, sous leur gouverne, le Québec accueillerait moins d’immigrant·e·s, sous prétexte qu’ils et elles ne contribuent pas à l’économie de la province ou ont de la difficulté à intégrer le marché du travail.

Il nous semble au contraire souhaitable de maintenir et même de hausser les seuils actuels d’immigration, ne serait-ce que pour se donner un moyen supplémentaire de combler les futurs besoins en main-d’œuvre. En effet, l’Institut de la statistique du Québec prévoit que, si le Québec accueille 54 000 personnes immigrantes par année (la cible actuelle est de 50 000), le déclin démographique sera évité, et le vieillissement de la population sera légèrement freiné.

Au-delà de ces considérations économiques, il est cependant bon de se rappeler que derrière les statistiques et les données sur l’immigration se trouvent des personnes en quête d’une vie meilleure ou de nouvelles possibilités qui peuvent enrichir, de par leur expérience particulière, leur société d’accueil, à condition qu’on ne les traite pas comme des citoyens et des citoyennes de seconde zone.

En ce sens, le plus gros combat que nous devons mener est celui contre la discrimination, qui s’alimente aux préjugés et au racisme ordinaire. La mise en place d’une commission sur le racisme systémique constituerait certainement un bon pas dans cette direction. Le rejet que vivent les personnes immigrantes nuit sans contredit à leur intégration économique, mais freine surtout leur insertion dans la vie sociale et politique du Québec, au détriment du vivre-ensemble.

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